Nouvelle ode charnel à la mère pour Pedro Almodóvar après « Tout sur ma mère », au travers de quatre générations de femmes d’une même famille. On connaît son goût pour dynamiter le mélo, et les télé-novellas qu’appréciais d’ailleurs sa propre mère. Même si le film laisse poindre un petit essoufflement de même que pour « La mauvaise éducation », un manque de tension dans l’histoire, il montre cependant la grande constance du talent de son réalisateur. Truculentes, combatives, luttant contre le machisme de leurs hommes, elles sont solidaires entre elle. Les malheurs semblent glisser sur elles, comme le pluie sur les plumes d’un canard. Les quartiers populaires bigarrés, sont décris avec beaucoup de chaleur et d’humanité, de même sur le voisinage, de la voisine allant chercher le pain, de la lutte constante contre les petites avanies du quotidien, comme dans les grands drames, ou les traumatismes les plus cruels, pour la vieille tante de Pénélope Cruz, cette dernière campant Raimonda, étant le chef de ce petit clan. Dans un quartier de populaire d’une petite ville de la Manche, Raimonda mène une vie assez morne, avec un mari d’une beaufitude assumée. Elle est mère d’une adolescente, est très liée avec sa sœur Sole, coiffeuse à domicile – Lola Dueñas – depuis la mort de ses parents dans un tragique incendie, elle va traverser une période de crise, entre ceux qui partent, et… ceux qui reviennent.  Le film commence superbement par le ballet des femmes, nettoyant les tombes, pour la Toussaint, retraçant ainsi l’intimité qu’elles ont avec la mort, d’où la presque normalité de retrouver un personnage revenu de chez les morts. Le vent incessant et malicieux, semble être un signe avant coureur de changements, installant un climat onirique. Si le scénario est original – le prix du meilleur scénario à Cannes semble assez excessif malgré son côté tortueux, mais ne semble que traduire la déception, sur la mine boudeuse d’Almodóvar de ne pas avoir la palme d’or -.

Lola Dueñas & Blanca Portillo

Mais l’empathie avec les personnages est très présente, baigné d’un humour noir bienvenu, tout comme la manière de montrer, comment la vie prend le dessus sur l’adversité, à la manière inopinée pour Raimonda de rouvrir un restaurant pour une équipe de tournage – un voisin ayant laissé les clés – . Toutes les comédiennes sont prodigieuses, le jury du festival de Cannes a eu donc l’idée judicieuse de les récompenser toutes. Saluons Pénélope Cruz – même si sa chanson en play-back ne soit vraiment pas probante -, qui est une excellente comédienne quand elle ne se perd pas dans des sucreries américaines ou les navetons europacorpiens, rappelons qu’elle était formidable en femme blessée dans le beau film de Sergio Castellito « A corps perdus » -. Le film marque les retrouvailles avec Carmen Maura, surprenante de retenue, Docteur Pierrot et Mister Orloff, dit dans son blog judicieusement qu’elle n’est pas indigne de la Anna Magnani dans le « Bellissima » de Visconti qu’elle regarde sur un écran télé, elle a beaucoup de scènes touchantes comme celle où sa fille Sole, lui redonne des « couleurs » par une teinture, superbe idée, cette dernière étant formidablement joué par Lola Dueñas, déjà formidable dans « Mar adentro ». La jeune Yohana Cobo est touchante, Chus Leamprave – actrice fétiche du réalisateur sur 7 films – est une attachante tante sourde, perdant un peu la tête, et Blanca Portillo, en voisine serviable, blessée, et abandonnée est d’une remarquable justesse. Elles sont filmées dans leurs splendeurs, comme dans leurs décrépitudes, avec une maestria remarquable. L’audace de ce vibrant hommage est au rendez-vous, et « Volver » malgré quelques faiblesses – très relatives par rapport au tout venant du cinéma actuel – vaut par ses superbes portraits de femmes. La femme espagnole est ainsi magnifiée, dans ses joies, son humour, ses deuils, sa sensualité, ses épreuves et une volonté énergique à surmonter les épreuves.