Ce film fait suite à « Wesh Wesh, qu’est ce qui se passe » (2001), qui se passait dans une banlieue française . On retrouve Rabah Ameur-Zaïmeche, à la fois comme interprète et comme réalisateur. On découvre une ville algérienne par un long travelling, puis par le regard de Kamel. A la suite de la double peine, il est y renvoyé de France après avoir purgé une peine de prison, sans que l’on sache trop pour quelle raison. Kamel est joué par le réalisateur comme dans son film précédent. C’est à la fois un chant d’amour et d’incompréhension pour son pays – les montagnes du Nord-Est de l’Algérie -. Il y a une lucidité sans jugement moral sur son propre pays d’origine, que l’on ne comprendrait plus après avoir trop longtemps séjourné en France. Sans parler de désamour, il se retrouve un peu décalé, arrivant difficilement à se faire comprendre même si ces voisins parlent français. Il se voit contraint de rester sur place. Il observe l’évolution de son pays natal et la stagnation d’un pays qui finit par le dérouter. Les contradictions de l’Algérie, sont ici dépeintes avec subtilité. Il prend soin de styliser certains problèmes, appelant certains personnages, que l’on identifie aisément comme fanatiques religieux, des desperados. Le pays est tiraillé entre tradition – saisissant abattage ritualisé d’un taureau -, évolution technologique, avec la présence de la parabole, drogues douces ou des violences conjugales. L’Algérie est montrée de manière charnelle, loin des clichés, la joie de vivre éclate dans les fêtes locales, pour mieux oublier les problèmes existants. Tout n’est pas véritablement démontré, Rabah Ameur-Zaïmeche, ne se donne pas le meilleur rôle, il est plus en retrait, accompagne notre regard. Il privilégie deux personnages, Louisa et Bouzid. Louisa – Meriem Serba, touchante – est une jeune femme, qui ne rêve que de chanter – elle finira par l’exaucer de manière inattendue -. Elle est en froid avec son mari – Ramzy Bedia, sans Éric Judor, excellent rajoutant une note d’humour à un personnage assez déplaisant, conclusion séparons les comiques ! -.

Rabah Ameur-Zaïmeche & Meriem Serbah

Ce dernier souhaite la revoir pour retrouver son enfant à n’importe quel prix. Kamel va se rapprocher avec  elle, trop sensible pour survire sans heurts dans cette société. Son frère, Bouzid, homme jovial et attachant – Abel Jafri, 36 orthographes sur IMDB, comédien dont le visage nous est familier -, est à la fois victime et bourreau, humilié par les desperados, le torturant avec une mise en scène macabre. Il va faire une crise d’autorité contre sa sœur en réponse avec cette confrontation avec la haine. Kamel cherche à s’intégrer, s’adapter à un rythme beaucoup plus calme, s’évertuer à ne pas subir en se laissant aller à la tranquillité apparente des lieux, quitte à se réfugier dans son imagination à l’instar des apparitions oniriques de Rudolphe Burger, jouant de la musique en haut d’une colline. Entre sérénité et tourmente, le cinéaste trouve la distance juste, en utilisant des éléments avec lesquels il a un affect particulier, à l’image de l’impressionnante liste de personnes portant le nom d’Ameur-Zaïmeche, figurant au générique… Le film pose la question en fait universelle, de la manière de se retrouver face à ses racines, quand la vie ou un choix personnel fait perdre de vue vos premières sensations d’enfant. La violence sou jacente d’une société ancrée dans un certain traditionalisme, mais aussi en quête de liberté, est habile. Les dangers du communautarisme, ou de l’autodéfense – des milices se créant pour empêcher l’entrée des islamistes – sont montrés comme une sorte de replis sur soi, en réponse à un monde compliqué et incontrôlable. L’oppression n’est jamais très loin en contradiction avec des paysages apaisés. La haine semble sourde mais permanente. L’humanité de se retrouve finalement chez les laissés pour compte, voire la description d’un hôpital psychiatrique où une des internées déclare – c’est une scène improvisée – « Les fous sont dehors ! ». La lumière de l’Algérie, montre la beauté des décors sublime, il y a ici un sens aigu de l’observation, loin des sentiers battus, le résultat est remarquable, d’autant plus admirable si l’on songe aux difficultés de ces 6 semaines de tournage. Il y a un mélange amour-peur-haine, sur ce pays dépourvu de pathos, qui donne à ce film un regard singulier et cohérent privilégiant la dimension humaine. Il nous force d’aller au-delà de nos petits clichés.