D’abord compatissons un peu, pour ceux qui vont découvrir le film en version française. Au vue de la bande annonce, ça devrait tenir du supplice, le talent du doubleur n’est pas en cause, Roberto Benigni, à l’instar d’un Woody Allen ou d’un Jerry Lewis, étant difficilement doublable. Le film commence par une séquence onirique, hommage évident au film de Federico Fellini « La voce della luna ». Attilio di Giovanni épouse, dans un rêve, la femme de sa vie – Nicoletta Braschi, sa propre femme dans la vraie vie -.On y retrouve avec des images d’archives Marguerite Yourcenar, José Luis Borges, Eugenio Montale et Giuseppe Ungaretti. Ces images proviennent du rêve récurrent du personnage d’Attilio, il est amusant de retrouver Tom Waits – pour lequel je suis un inconditionnel -, son partenaire de « Down by Law », en pianiste, il est décidément apprécié par le cinéma italien, puisqu’une de ses chansons ouvre « Une fois que tu es né ». Il finit par retrouver « la femme de ses rêves », littéralement, en la personne d’une journaliste qui enquête sur Fouad, un poète irakien de passage à Rome  – Jean Reno, impressionnant de subtilité, en homme lucide, dévoré par l’amertume, et  décontenancé par l’énergie du désespoir de son ami Attilio -.  La belle Vittoria, suit le poète Fouad, et st victime d’un attentant. Atteinte d’un œdème cérébral, ses jours sont en danger, nous sommes en 2003, en pleine guerre. Contre toute attente, Attilio, éternel étourdi, qui ne sait jamais où il a garé sa voiture, décide coûte que coûte de la sauver. Il va déployer des trésors d’ingéniosités pour accéder à un Bagdad en guerre, alors qu’il n’est jamais à l’aise avec les petits événements du quotidien. Si le Roberto Benigni surjoue de manière balourde, sur les chaînes françaises en période de promotion, il est ici formidable, le film vaut beaucoup mieux que cette représentation instrumentalisée.

Roberto Benigni & Jean Reno

Après le décevant « Pinocchio »,  supportant mal la comparaison avec la version signée Luigi Comencini, Roberto Benignini, retrouve la veine, avec son co-scénariste Vincezo Cerami, de « La vie est belle », qu’il faut voir comme une fable sur la guerre. Avec une sorte de naïveté, il arrive à trouver le côté poétique des atrocités avec générosité. Si sa représentation stylisée de l’holocauste, m’avait personnellement dérangé, on finit ici par baisser les armes, devant les trésors d’énergie qu’il déploie. La représentation onirique de la guerre a certes des limites, mais elle finit ici par nous convenir. Dans cette nouvelle variation d’Orphée allant rechercher Eurydice aux enfers, Attilio un poète lunaire et reconnu et père de deux jeunes filles, va traverser un Bagdad en guerre, étant porté par une inconscience causée par un amour absolu. Ludion, agité, il virevolte constamment, trouve le petit décalage comique des situations tragiques – ce que fait Gérard Jugnot, comme réalisateur, chez nous -. L’actualité est ici un prétexte, il semble visiblement en manque de jouer, il se fait désormais trop rare, hormis ses propres films. Incontestablement son génie comique fonctionne, il est apprécié en France, depuis son rôle étonnant de professeur iconoclaste dans « Pipicacadodo », joli film de Marco Ferreri. Sous influence, Fellinienne, et baigné par la belle musique de Nicola Piovani et Tom Waits, le film trouve son rythme, et sa cohérence. Il y a des trouvailles très amusantes, et quelques scènes d’anthologies, comme la scène du champ de mine. Roberto Benigni, arrive à contourner certains écueils et maladresses, par une énergie redoutable et un humanisme communicatif. Au final de ce film burlesque, maladroit – le cliché du collier – mais sincère, les réserves finissent par s’évaporer ! C’est une histoire d’amour fou, dans la lignée d’un « Peter Ibbeston », ce qui n’est pas désagréable. Reste que l’on aimerait voir Roberto Benigni plutôt dans d’autres univers que le sien.