On peut trouver depuis le début du mois, une indispensable édition DVD du superbe « Cléo de 5 à 7 ». Ainsi que du documentaire « Daguerréotypes ». Nous sommes le 21 juin 1961, à 17 heures, on découvre Florence, dite Cléo, joué par la lumineuse Corinne Marchand, qu’Agnès Varda avait découverte sur le tournage de « Lola » de Jacques Demy. Elle est une chanteuse à la mode très coquette. Elle est anxieuse à l’idée de recevoir à 19 heures, les résultats des analyses médicales de l’hôpital de la Salpetrière. Elle est face à une cartomancienne, à noter que les cartes apparaissent en couleur, la réalité étant en noir et blanc. La vision de la carte représentant le mort, une transformation lui précise son interlocutrice, va l’accabler jusqu’à l’issue finale. Assez futile et capricieuse, on traverse Paris avec elle, avec Angèle, sa femme de chambre – Dominique Davray, dans un de ses rares contre-emplois, on y reviendra dans un prochain portrait-. Elle hésite entre se morfondre chez elle, recevoir la visite éclair de son amant – José Luis de Villalonga -, répéter avec un musicien et un parolier excentriques – Michel Legrand et Serge Korber dans un grand morceau de bravoure -, retrouver son amie modèle, joué par Dorothée Blank, – que l’on retrouve dans un des boni foisonnants du DVD dans le court « Opéra-Mouffe » -. On la suit en temps réel, le film se déroulant dans cette attente en temps réel de 17h à 18h30. Elle finira par rencontrer au Parc Montsouris, Antoine, qui doit le soir même embarquer pour la guerre d’Algérie, ce qui donne un instant de grâce magnifique à ce film lumineux et ludique.

 

Corinne Marchand

Le côté documentaire d’un Paris de 1961, est absolument réjouissant. Agnès Varda, observe avec chaleur le petit monde parisien, de l’insolite – un avaleur de grenouilles, le bébé dans une couveuse transporté en pleine rue par deux infirmiers -, aux petits commerçants – Jean Champion, en patron de bistrot chaleureux -. Les boni, réalisés par Varda, elle-même, sont étonnants, elle retourne dans les quartiers traversés par Cléo, plus de 40 ans après, à l’instar de la suite des « Glaneurs et la glaneuse ». Elle retrouve avec joie Antoine Bourseiller, Dorothée Blanck, et l’inoubliable Corinne Marchand, qui retrouvent une immédiate connivence. Marin Karmitz et Bernard Toublanc-Michel, alors assistants réalisateurs, témoignent de l’art de la réalisatrice. La réalisatrice nous dévoile même ses secrets, d’une nouvelle collure effectuée 44 ans après, de l’anecdote sur Georges de Beauregard et sa femme, et sur les rails de travelling, lors d’une scène de l’hôpital de la Salpetrière, nous donnant avec générosité une belle leçon de cinéma. On retrouve aussi, l’intégrale – 30 secondes de plus ! – du petit film muet diffusé à l’intérieur de « Cléo », « Les fiancés de Mac Donald » amusante pochade et hommage au cinéma muet, avec Jean-Luc Godard, Anna Karina, Eddie Constantine, Yves Robert Danièle Delorme, Jean-Claude Brialy, Alan Scott, Georges de Beauregard et Sami Frey, un document sur le projet d’adaptation du film par Madonna, le documentaire « Les Dites Cariatides », etc…Elle offre un écrin de toute beauté à son magnifique travail d’orfèvre. Finissons par un sourire. L’inénarrable « Analyse générale des films 1962 », présentant les films sous la côte morale, des hautes instances catholiques,  décrit le film de la sorte « Mais le mode de vie de cette jeune femme, le climat païen et désabusé dans lequel elle vivait jusqu’ici appellent des réserves ».