On connaît l’intérêt de Michel Audiard pour les cons. Aussi pour rendre hommage au XXème anniversaire de sa mort, les cons ont pris la parole, pour un petit hommage.Cette année, ils étaient de compétition, d’Alexia Laroche-Joubert, au député Grandidier et ses “youyous”, certains sont mêmes internationaux comme la triste sire Paris Hilton, moi-même, à mon petit niveau, je me suis mis à écrire sur ce blog. Les cons sont omniprésents, sont très content d’eux-mêmes, dansent sur les plateaux de TV comme atteints de crises de spasmophilie, gueulent pour peu qu’ils se sentent légitimer par plus haut qu’eux (suivez mon regard), amalgame, réduit, flatte la connerie ambiante… Finissons donc cette sinistre année en évoquant “Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques” (1970), il vient de sortir une anthologie de Michel Audiard comme réalisateur, un de mes collègues partant en vacances m’a donc prêté ce petit coffret de 4 films – manquent à l’appel -. Ce film est présenté sans langue de bois par Jean-Marie Poiré qui ne mâche pas ses mots – notamment sur Paul Meurisse et Bernard Blier -. Michel Audiard réalisateur était assez désinvolte, ce qui fait le charme de ses films. Jean-Marie Poiré explique qu’il prenait souvent pour base un roman noir, ici celui de Evan Hunter, connu aussi sous le nom d’Ed McBain, il signait Hunter, pour des œuvres plus loufoques. Le film vaut pour son côté absurde, Paul Meurisse souhaitant avoir un “stetson” comme couvre chef, Bernard Blier avait décidé d’en porter un auvergnat. L’histoire n’est qu’un prétexte, et l’occasion pour Audiard dialoguiste de briller, confère le site Michelaudiard.com, dialogues magnifiés par trois comédiens hors pair, Michel Serrault – d’une folie jubilatoire et on peut le dire prodigieux -, Bernard Blier – l’un des acteurs les plus doués avec la langue audiardesque -, et Paul Meurisse dans son sillon “Monocle”…

Bernard Blier, Stéphane Bouy, Michel Serrault, Paul Meurisse & Dominique Zardi
Les situations sont suffisamment cocasses dans une vacuité patentée du scénario, pour donner de l’intérêt aux films – il est vrai que l’on a du mal à se souvenir véritable de l’histoire du film chez lui -. Paul Meurisse est Aldred Mullanet, turfiste poissard, vivant au crochet de sa femme, qui a un sex-shop – Françoise Giret coiffée d’une improbable perruque -. Obligé de rentré chez lui en stop, après une mise de trop, il est enlevé par une bande de gangster menée par un mystérieux M. K. Bernard Blier. Suit une bataille rangée avec un autre truand Melvillien, monsieur Kruger, Meurisse donc. Avec une évidente misanthropie, et misogynie – la pauvre Marion Game, nymphomane un peu nunuche -, et quelques scènes un peu limite – la soirée black avec Darling Légitimus, Nancy Holloway et James Campbell, où Serrault se fait traiter continuellement de “fromage blanc”, flirtant avec la xénophobie -, le réalisateur se livre à un joyeux jeu de massacre nonsensique. Il y a une galerie hallucinante de comédiens, du tandem de truands chevelus frappés de stupidité Gérard Depardieu à Stéphane Bouy, Roger Lumont, Carlos, Moustache, Dominique Zardi en truands auvergnats, Robert Dalban et Jacqueline Doyen en couple beauf, Maurice Biraud en chauffeur de taxi surréaliste, Michel Modo et Romain Bouteille, en flics épris de boisson – grand moment ! – ; Yves Robert commissaire circonspect, Bernard Musson et Jacques Hilling en adeptes de poupées gonflables, Carlo Nell et Yves Barsacq en turfistes, Jean Carmet et Claude Rollet en croque-morts conviviaux, et même la très digne Monique Mélinand en passante effarée, que du bonheur – par contre pas de Jean Martin (“La bataille d’Alger”, crédité pourtant dans la très complète fiche du dictionnaire de Raymond Chirat, qui oublie pourtant Moustache -. Il est des films, entreprises hasardeuse et désordonnée qui donnent beaucoup de plaisir. Je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année, en nous souhaitant quelques bonheurs cinématographiques pour 2006.

Atom Egoyan ayant reçu une consécration internationale avec ses films intimistes, nous a livré ces derniers temps des films ambitieux “Le voyage de Félicia”, “Ararat”, où l’on retrouvait bien sa patte, mais qui n’ont pas rencontré un large public. Avec ce film “La vérité nue”, “Where the truth lies” en V.O., on sent bien que cette œuvre de transition, adaptation d’un roman de l’Anglais Rupert Holmes « Somebody loves you » paru en 2004, et une concession transitoire dans laquelle il a dû penser pouvoir amener son univers. Sélectionné à Cannes, il en est revenu bredouille et le film laisse finalement un peu sur sa faim. Le film narre un drame survenu dans la vie de deux comiques célèbres : Lanny Morris, capable de tous les débordements – Kevin Bacon remarquable – et Vince Collins, un anglais assez impulsif, caché derrière un personnage assez flegmatique – Colin Firth, dont on sent un peu trop la composition -, sorte d’équivalents Dean/Lewis et Jerry/Martin, sauce débauche. Le projet est ambitieux, ce que l’on croit vrai ne veut pas dire que l’on possède la vérité, il y a une critique virulente du show bisness décadent– La réaction virulente de Lanny Morris dans un restaurant chinois, ne le fait pas passer pour un client odieux parce qu’il est juste célèbre. La réflexion est habile où se trouve l’humain derrière la représentation. L’idée brillante d’Egoyan est de confier le rôle d’une toute jeune journaliste arriviste mais en quête de vérité, et indirectement témoin d’un fait divers à la très jeune Alison Lohmann, plus adolescente qu’adulte, sa détermination tranche face à deux comédiens blasés et à bout de souffle qu’elle retrouve dans les années 70. 




Une comédienne Mary Palesi – radieuse Juliette Binoche – tourne dans un film opportuniste d’un cinéaste Tony, qui joue également le Christ, “Ceci est mon sang”. Elle y joue une Marie-Madeleine réhabilitée d’après son évangile apocryphe, objet de controverse et retrouvé en Egypte en 1945. Ébranlée par ce rôle, elle décide de se retirer dans Jérusalem et abandonner sa carrière. Theodore Younger qui présente une émission religieuse, fait un travail pour retrouver la vérité sur le Christ. Il est fortement marqué par l’interprétation de Marie et il décide d’inviter le cinéaste sur son plateau, pour en savoir plus sur elle… C’est un grand morceau de mise en scène. On est admiratif de voir comment Abel Ferrara réussit à s’approprier des morceaux de vies, des réflexions de théologiens, des questionnements de la foi, une critique acerbe d’un metteur en scène suffisant réinterprétant les évangiles – allusion évidente et assumée de “La dernière tentation du Christ” où Mathieu Modine serait à la fois Mel Gibson et James Caveziel -. De l’incapacité de la représentation des évangiles, aux images d’actualités, il intègre tout à son univers. Il relie d’ailleurs les hommes entre eux, avec une espèce de naïveté folle, un attentat à Jérusalem semblant avoir une répercussion sur un nourrisson sous couveuse. Les hommes sont proches par leurs errances que les conflits soient intérieurs ou extérieurs. Et ça marche, il ose une allégorie sur l’amour des autres, donne des pistes et jamais de réponses sur la foi. Abel Ferrara qui cite volontiers “Je vous salue Marie” de Jean-Luc Godard, et “L’évangile selon Matthieu”, réussit à rendre cette histoire chaotique, touchante et brûlante.
Je me régale de chacune des apparitions télé de Luc Besson, en promo pour son film “Angel-a”. Il faut le voir son “marketinge”, du style, on sous expose, tout en surexposant, chez Rouiller, Cauet, Fogiel, Denizot, parader comme un “mogul” à la française, d’un grotesque achevé, qui aurait gardé son âme d’enfant. Il nous dit retourner à ses premières amours, avec un petit film en noir et blanc, dans un Paris au mois d’Août, histoire de retrouver l’esprit du “dernier combat” (1982). Il livre des infos contradictoires, se comparant à cuistot, qui ne voudrait pas dévoiler ses petits secrets de fabrication. Tans pis, moi qui avait toujours rêvé de connaître ceux de “Picard surgelés”… Car l’usine “Europacorp”, nous livre souvent du “fast-view” – dont quelques films parmi les plus flonflons du cinéma de ces dernières années -, ils aident certes des auteurs comme Gary Oldman ou Tommy Lee Jones, mais baignent trop souvent dans l’inconsistance. Grand moment de télévision samedi dernier, l’équipe de “Radio+”, excellente émission de Canal + avait débarqué dans les bureaux d’Europacorp” déguisés en super-héros débiles en demande de financement pour un scénario anémiques. Il fallait voir le manque flagrant d’humour de la maison de production. Si le sieur Besson se donnait autant de mal à faire des films, qu’à se foutre de notre gueule, on aurait peut être un résultat convenable. Car désolé de dévoiler ici le pot aux roses de toutes ses petits mystères, c’est dans le meilleur des cas un canular, dans la pire une arnaque. Bon, on est beau joueur, on s’est fait rouler, mais le Luc, il a des frais, attaquer des revues sans défenses comme “Brazil” – qui l’attaquait aussi sur son physique, ce qui est assez bêta -, payer son château et ses avocats, pour des idées volées à Katerine Bigelow ou à de jeunes scénaristes. L’homme d’affaires a pris le pas sur un réalisateur pourtant doué.
Ce film de 1974, est à ranger dans les grandes réussites du cinéma de science fiction. Dans un désert d’Arizona, de simples fourmis, évoluent de manière spectaculaire. Les espèces rivales vivent désormais en communauté évoluée et elles n’ont plus de prédateurs – mantes religieuses, araignées -, qui disparaissent mystérieusement. Un savant le professeur Hubbs – Nigel Davenport, démesuré et déterminé -, accompagné d’un spécialiste du langage animal – Michael Murphy -, s’installe dans une sorte de forteresse scientifique, sous la forme d’un dôme pour étudier ce comportement inédit. Il ne reste dans les alentours, qu’un couple de vieux fermiers, leur petite-fille passionnée un ouvrier. Ils sont les derniers à partir, pendant que les deux scientifiques essaient de comprendre le phénomène, et le projet des insectes. C’est l’un des rares films comme réalisateur de Saul Bass, célèbre pour nombre de génériques de films, chez Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick, Otto Preminger, Martin Scorsese. Dessinateur et animateur génial il a marqué durablement les esprits, avec ces petits chefs d’œuvres de concision et de beauté. Il avait fait le storyboard de la scène de la douche dans “Psychose”, avant de s’attribuer la paternité de celle-ci, à tort selon Donald Spoto. 
On peut trouver depuis le début du mois, une indispensable édition DVD du superbe “Cléo de 5 à 7”. Ainsi que du documentaire “Daguerréotypes”. Nous sommes le 21 juin 1961, à 17 heures, on découvre Florence, dite Cléo, joué par la lumineuse Corinne Marchand, qu’Agnès Varda avait découverte sur le tournage de “Lola” de Jacques Demy. Elle est une chanteuse à la mode très coquette. Elle est anxieuse à l’idée de recevoir à 19 heures, les résultats des analyses médicales de l’hôpital de la Salpetrière. Elle est face à une cartomancienne, à noter que les cartes apparaissent en couleur, la réalité étant en noir et blanc. La vision de la carte représentant le mort, une transformation lui précise son interlocutrice, va l’accabler jusqu’à l’issue finale. Assez futile et capricieuse, on traverse Paris avec elle, avec Angèle, sa femme de chambre – Dominique Davray, dans un de ses rares contre-emplois, on y reviendra dans un prochain portrait-. Elle hésite entre se morfondre chez elle, recevoir la visite éclair de son amant – José Luis de Villalonga -, répéter avec un musicien et un parolier excentriques – Michel Legrand et Serge Korber dans un grand morceau de bravoure -, retrouver son amie modèle, joué par Dorothée Blank, – que l’on retrouve dans un des boni foisonnants du DVD dans le court “Opéra-Mouffe” -. On la suit en temps réel, le film se déroulant dans cette attente en temps réel de 17h à 18h30. Elle finira par rencontrer au Parc Montsouris, Antoine, qui doit le soir même embarquer pour la guerre d’Algérie, ce qui donne un instant de grâce magnifique à ce film lumineux et ludique.
D’abord compatissons un peu, pour ceux qui vont découvrir le film en version française. Au vue de la bande annonce, ça devrait tenir du supplice, le talent du doubleur n’est pas en cause, Roberto Benigni, à l’instar d’un Woody Allen ou d’un Jerry Lewis, étant difficilement doublable. Le film commence par une séquence onirique, hommage évident au film de Federico Fellini “La voce della luna”. Attilio di Giovanni épouse, dans un rêve, la femme de sa vie – Nicoletta Braschi, sa propre femme dans la vraie vie -.On y retrouve avec des images d’archives Marguerite Yourcenar, José Luis Borges, Eugenio Montale et Giuseppe Ungaretti. Ces images proviennent du rêve récurrent du personnage d’Attilio, il est amusant de retrouver Tom Waits – pour lequel je suis un inconditionnel -, son partenaire de “Down by Law”, en pianiste, il est décidément apprécié par le cinéma italien, puisqu’une de ses chansons ouvre “Une fois que tu es né”. Il finit par retrouver “la femme de ses rêves”, littéralement, en la personne d’une journaliste qui enquête sur Fouad, un poète irakien de passage à Rome – Jean Reno, impressionnant de subtilité, en homme lucide, dévoré par l’amertume, et décontenancé par l’énergie du désespoir de son ami Attilio -. La belle Vittoria, suit le poète Fouad, et st victime d’un attentant. Atteinte d’un œdème cérébral, ses jours sont en danger, nous sommes en 2003, en pleine guerre. Contre toute attente, Attilio, éternel étourdi, qui ne sait jamais où il a garé sa voiture, décide coûte que coûte de la sauver. Il va déployer des trésors d’ingéniosités pour accéder à un Bagdad en guerre, alors qu’il n’est jamais à l’aise avec les petits événements du quotidien. Si le Roberto Benigni surjoue de manière balourde, sur les chaînes françaises en période de promotion, il est ici formidable, le film vaut beaucoup mieux que cette représentation instrumentalisée.
C’est la trêve des confiseurs, la tentation est grande de la respecter, surtout qu’elle est raccord avec l’optique de robinet d’eau tiède consensuel de ce blog. Tant pis le pisse-froid est de sortie ! Si on pouvait attendre légitimement beaucoup de ce remake du “King Kong” original d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper – j’ai beaucoup apprécié la trilogie du “Seigneur des anneaux” -, il faut bien le dire que l’on en ressort, mi-abruti, mi-déçu. La huitième merveille du monde – je vous épargne les jeux de mots habituels – fait penser ici à une vieille dame, outrageusement ripolinisée, ayant subit un liftinge – francisation à la Queneau, en passant -, lui donnant un drôle de petit air momifié. Mais on retrouve les signes de fatigue, dans un visage inexpressif, sans âge véritable, elle met beaucoup plus de temps à se déplacer. 188 minutes, pour ce grand amour contrarié, et désensualisé en passant, c’est beaucoup ! On retrouve bien le personnage du metteur en scène mégalomane, Carl Denham, sorte de Werner Herzog avant l’heure, du style “il peut y avoir des morts”, si c’est pour établir une œuvre. Jack Black, y ajoute beaucoup d’humour, il est étonnant dans le style chaînon manquant entre Orson Welles et … Sébastien Cauet. Ann Darrow est joué par la lumineuse Naomi Watts, digne de figurer chez les grandes “screaming girl”, elle amène une sensibilité face un pathos un peu trop outrancier. Face à elle, King Kong est décidément trop humain. Bardé de cicatrices et usé par les épreuves et la solitude, il faut le voir faire du patinage sur glace comme Marlon Brando dans “Premiers pas dans la mafia” !