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LES CHEVALIERS DU CIEL

Il s’agit(e) évidemment d’une production de pur divertissement qui se propose de toucher le plus large public, pour être un gros succès commercial. Évidemment ici aucun rapport avec la série avec Jacques Santi et Christian Marin, d’après la bande-dessinée du tandem Charlier-Uderzo. La reprise du titre « Les chevaliers du ciel » est juste une roublardise, l’histoire reprenant juste l’idée du binôme mal assorti, évidemment « Les aventures de Marchelli et Vallois », ça manque tout de même de cachet. On le sait « Joyeux Noël » n’a pas eu la collaboration de l’armée, il est des souvenir qui fâche, mais notre grande muette nationale a largement contribué à ce film, dont l’impression d’avoir un propos assez propagandiste, ce qui est un tantinet gênant. Cet échange donne certes des images réalistes, assez soufflante, ce qui est l’intérêt du film. On n’a pas lésiné sur les moyens mis en chantier, en comparaison les autres scènes en compréhensible en raison des autorisations de tournage difficiles à obtenir au-dessus d’une grande ville, ne font que souligner la réussite. Seule ombre au tableau notre ministre des armées a dû être jalouse des tailleurs très stricts de Géraldine Pailhas, qui en prime trouve le moyen d’être rayonnante même dans ce costume peu sexy.

Benoît Magimel & Clovis Cornillac

Il n’y a pas de présence cette fois ci de Luc Besson à déplorer, d’où les personnages et les situations sont un poil plus construites qu’à la coutume, dans l’histoire d’espionnage et politique assez convenue tout de même. La conviction de Benoît Magimel, la décontraction de Clovis Cornillac, le charme évident de Géraldine Pailhas dans un rôle d’énarque énergique, Philippe Torreton qui rajoute un peu de complexité à son rôle, et la composition « virile » d’Alice Taglioni est l’autre atout du film. Les premiers films de Gérard Pirès était connu pour un nombre imposant de seconds rôles, on en est loin ici, sinon Jean-Baptiste Puech en « Ipod », Rey Reyes en pilote délurée, et les chéris de ses dames, transfuges TV, Frédéric Van Den Driessche ou Jean-Michel Tinivelli, histoire de se mettre dans la poche le public féminin. Gérard Pirès a du talent, et à voir son énergie communicative dans le « making off » du film, on comprend bien son apport au film. On regrette cependant sa touche plus personnelle, qu’il avait de « Érotissimo » (1968) à « L’entourloupe » (1980). Souhaitons-lui comme pour Gérard Krawczyk, avec son formidable « La vie est à nous ! », film à voir absolument, de pouvoir faire un film proche de ses premières amours.

FREE ZONE

Le premier long plan séquence qui se focalise sur le visage en pleurs de Natalie Portman, donne le ton. Une chanson lancinante sur la chaîne inéducable de la violence l’accompagne, seule dans une voiture, on guette tout signe extérieur, le moindre son, pour avoir des éléments de compréhension, on prend conscience du temps et de la multiplicité de culture que l’on croit devenir à l’extérieur. On suit frontalement la peine de Rebecca, une jeune Américaine, ce début déroutant aide à nous concentrer sur les personnages plutôt que sur des situations qui ne sembleraient finalement nous échapper. Née en Israël, la star hollywoodienne, se sert de son aura pour aider au cinéma d’auteur, tout en réfléchissant sur son identité. Son personnage, ayant connu une déception amoureuse et une dispute avec sa belle-mère et qui cherche à sortir d’Israël. Elle rencontre Hanna – admirable Hanna Laslo, sorte d’équivalent à Muriel Robin en Israël et qui a mérité son prix d’interprétation -, qui conduit un taxi, et la convainc de l’amener dans un no man’s land en Jordanie, la « Free zone », sorte de « No man’s land » sans douanes ni taxes, créé pour permettre des échanges commerciaux entre les divers États. Amos Gitaï, n’a pas choisi la facilité, confronte les différentes langues et cultures dans ce road movie, quitte à déstabiliser ses spectateurs, la narration étant moins traditionnelle que dans « Kadosh » par exemple.

Natalie Portman  & Hiam Abbas

Durant le voyage plusieurs époques se superposent, souvenirs ou fantasmes des deux principales protagonistes, on voit des surimpressions d’images, à noter l’utilisation de la comédienne Carmen Maura, que l’on identifie avec difficulté dans ce processus, tant son rôle est presque nié, et dont seuls quelques éléments subsistent dans cette narration éclatée. Je ne sais comment Amos Gitaï a présenté ce personnage à la grande comédienne espagnole, elle est utilisée comme un élément éclaté, seul un Jean-Luc Godard se permettait autrefois cette attitude, d’où une difficulté personnelle pour moi à « entrer » dans cet univers. C’est avec l’apparition lumineuse d’Hiam Abbas, que j’ai adhéré à la forme du film.  Son personnage en commerce avec Hanna, montre qu’il y a une possibilité de dialogue entre Israëliens et Palestiniens, même si elle se base au préalable à un dialogue mercantile, il y a ensuite même dans l’affrontement, une ébauche de dialogue certes, mais dialogue tout de même… On peut saluer le réalisateur d’avoir voulu innover sur la forme, retrouver les impressions chaotiques d’un parcours sur une route, les éléments imprévus comme un passage auprès d’un poste frontière, la rencontre avec des personnages d’une autre mentalité on frontière – Un douanier inquisiteur ou « l’Américain », vu comme tel pour avoir un peu vécu aux États Unis -, la mémoire qui vous rattrape, l’appréhension de l’inconnu et surtout retrouver une vision de l’histoire à travers trois parcours de femmes. La réserve de Natalie Portman, l’abattage formidable de Hanna Laslo, et la belle présence de Hiam Abbas, dont on n’a pas oublié la sensualité dans « Satin Rouge ». Pour l’anecdote Hiam Abbas était venue présenter « La fiancée syrienne » avec beaucoup de chaleur à l’UGC Cité-Ciné à Bordeaux en début d’année sur un sujet similaire. L’interprétation constitue la grande chance de ce film qui peut désarçonner mais qui mérite qu’on l’on fasse un effort. La réflexion est ici un peu amère sur une situation délicate, entre documentaire et onirisme ce qui évite tout didactisme. On aurait préféré cependant un peu plus de simplicité sur la forme.

A HISTORY OF VIOLENCE

« A history of violence » a été présenté à Cannes en mai dernier, sans recevoir de prix, on retrouve pourtant la maestria de la mise en scène de David Cronenberg, et une profonde réflexion sur l’humanité quand advient l’inéluctabilité de la violence. C’est une adaptation de Josh Olson d’après une bande dessinée publiée en 1997de John Wagner et Vince Locke. Mais le parti pris est celui ici du réalisme, et d’une dénonciation des faux-semblants et de l’hypocrisie de mise dans la société américaine actuelle. On pense évidemment au traitement visuel de la violence par Sam Peckinpah. Ici elle procède de l’auto-défense et est acquise ou innée et semble  inéducable. David Cronenberg dresse un tableau sans complaisance dénonçant une mentalité profonde ancrée aux États Unis en nous rappellant la toute puissance du loby NRA, militant en faveur de l’armement, il se révèle plus efficace qu’un Michael Moore plus dans la manipulation. Il dénonce aussi les médias, et mêmes la mentalité des gardiens de l’ordre établi – l’attitude ambiguë du shérif  – . Cette réponse faite à l’agression de son propre territoire – qui nous vise de plus dans notre tendance au repli sur soi -, nous rappelle un certain déterminisme de l’homme, on est proche de l’univers du western.

Maria Bello & Viggo Mortensen

Le traitement de David Cronenberg, est plus épuré que ces derniers films, mais il ne renonce en rien à son exigence, et une présente une famille typique, Tom Stall est propriétaire d’un restaurant familial, père d’un adolescent et d’une petite fille, les époux Stall, exemplaire de probité, vivent dans une quiétude, et pimente leur couple en s’inventant des petits jeux érotiques. Deux malfrats dans un montage parallèle exercent leurs vilenies dans un hôtel, ils se rendent chez Tom, comme le définit la bande-annonce, posant ainsi le postulat de départ. Viggo Mortensen – présence faussement tranquille – en homme tranquille et étonnant, on a plaisir à retrouver la sensuelle Maria Bello – ce qui confirme son talent après le méconnu Lady Chance. Comme un entomologiste David Cronenberg s’approche de manière charnelle de ses personnages, nous définissant l’intimité érotique du couple. Car c’est souvent le corps qui s’exprime contradisant les non-dits et les actes  que l’on occulte trop facilement. La violence promise par le titre est saisissante, choquante, et non pas stylisée ou chorégraphié, ce qui est un choc pour le spectateur, qui va se livrer ainsi à une réflexion. Howard Shore installe un climat avec sa musique. Les autres comédiens sont stupéfiants, Ed Harris, composant un personnage particulièrement inquiétant, cynique et lourd de menace, et William Hurt – qui joue avec justesse l’état d’ébriété – est excellent en personnage installé dans un certain confort. Cette œuvre oppressante, surprenante et radicale, est une grande réussite de son metteur en scène.

LA VIE EST A NOUS

Avant-première hier à l’UGC Cité-Ciné de « La vie est à nous » de Gérard Krawczyk, en sa présence et celle de Michel Muller. Rien à voir avec le film de Jean Renoir, consacré au front populaire, c’est ici un regard attendri sur des gens simples. C’est l’avantage de pouvoir y voir, un film un mois avant tout le monde, puisqu’il sort le 7 décembre prochain. Ils viennent présenter un peu anxieux, on les comprend c’est la première diffusion devant le public. Ils se connaissent bien puis que c’est leur quatrième film qu’ils font ensemble avec « Taxi 2 », « Wasabi » et « Fanfan la tulipe ». Michel Muller un peu dépenaillé, s’installe avec nous pour découvrir le film. Et là c’est une excellente surprise car on retrouve le ton du premier film de Gérard Krawczyk « L’été en pente douce » réalisé en 1986, avec Pauline Lafont, Jean-Pierre Bacri et Jacques Villeret. C’est presque un western, où ce serait les femmes qui mènent le bal. Dans un petit village de province – tourné en Savoie -, la vie du village est centrée sur deux cafés, l’un « L’étape » tenu par Louise – Sylvie Testud au delà du formidable – et sa mère Blanche – Josiane Balasko touchante – restée diminuée, elle s’est fait renverser par un camion, l’autre « Le virage » tenu par Lucie Chevrier – Catherine Hiegel qui a un formidable abattage et ses filles -. Elles ont juste une allée à traverser pour ce retrouver, mais ça reste presque un obstacle infranchissable, on devine bien qu’elles ont finit par oublier ce qui les a séparées finalement. Le mari de Blanche vient à mourir, et Sylvie Testud au débit de parole continuel, se démène pour faire vivre le café et trouver une idée originale pour que Josiane Balasko ne s’apitoie pas trop sur son sort – je vous en laisse la surprise -. Les clients du café assez versatile, sont comme attirés par l’énergie de Louise, qui recueille le jeune Julien – Danny Martinez au jeu mutique, mais on n’a rarement vu ces derniers temps un enfant comédien aussi probant – que leur confit une amie Marguerite – Chantal Banlier toujours juste – qui n’est tolérée qu’en coup de vent. Car Louise et sa mère ont leur territoire, et elles ne sont jamais sortis de cet univers, la petite rivalité avec les femmes du café d’en face ne faisant que les galvaniser. Les règles sont bien établie, la bonne humeur est de mise, et Louise a des répliques formidables fascinant le petit monde des consommateurs – on retrouve notamment Jacques Mathou et Laurent Gendron, déjà présents dans « L’été en pente douce -. Elles s’occupent également d’un bredin trentenaire sympathique mais très porté sur la boisson et surnommé La Puce, capable de toutes les extrémités, – Michel Muller, très subtil -. Arrive des camionneurs grévistes – très jolie scène sortant les villageois de la torpeur de la nuit -, mené par Pierre, un grand gaillard un peu lunaire – Éric Cantona, dans sans contexte son meilleur rôle -, qui fascine d’emblée Louise…

Sylvie Testud

C’est un retour gagnant à l’émotion pour Gérard Krawczyk, qui retrouve l’univers original de ses premiers films, le très brillant exercice de style de « Je hais les acteurs » d’après Ben Hecht, où il digérait des monstres sacrés comme Jean Poiret ou Bernard Blier, et « L’été en pente douce », d’une formidable singularité, univers que l’on retrouve ici avec jubilation. Le décors du tournage est bien réel et on ne sent à aucun moment que les scènes d’intérieurs sont des décors. Gérard Krawczyk a adapté un roman de Jean-Marie Gourio « L’eau des fleurs » l’auteur était d’ailleurs ravi de l’adaptation se retrouvant chez lui, malgré les libertés prises avec son œuvre. Il ne faut pas s’attendre à retrouver ici une compilation des « brèves de comptoir » ( je vous recommande cette publication dans la collection Bouquins ), mais un éloge des petites gens, de leurs forces et du sacerdoce que peuvent avoir certaines personnes à aider leur prochain, des « gens de peu » selon la formule de Pierre Sansot. La grande force est d’utiliser les dialogues, s’en insister lourdement sur les trouvailles – étonnante ici, « On n’entend pas pareil de l’autre côté du comptoir », et voir la réponse que fait Lucie quand Pierre lui demande « A quoi vous pensez ? ». Les perles sont disséminées dans l’hallucinant débit de parole de Sylvie Testud, qui porte ce rôle avec une sensualité incroyable, un bagou et une énergie, définitivement l’une des comédiennes les plus surprenantes de notre cinéma hexagonal. Tous les comédiens sont formidables, on retrouve les personnages avant une composition, Josiane Balasko et Catherine Hiégel, qui ont un dénominateur commun sont époustouflantes, sans parler de ce retour de la grande tradition des seconds rôles – dont le réalisateur dans un rôle de barfly et quelques apparitions surprises comme Jean-Paul Lilienfeld et Virginie Lemoine, Jean Dell en curé perplexe, Georges Aguilar en routier étonnant, etc…

Michel Muller

Michel Muller un peu réservé, a fait preuve d’une autodérision étonnante, quand je lui ai dit comment il arrivait à la justesse de son personnage en évitant l’écueil d’avoir l’air plus malin que son personnage, ce à quoi il a répondu « être plus con que son personnage ». Gérard Krawczyk a l’élégance ne pas dénigrer ses derniers films produits dans l’écurie Besson, comme pour la musique, il aime à changer de style et varier les plaisirs. Souhaitons lui de pouvoir concilier les deux, car malgré ces trois derniers films, qui ont eu des succès au box-office, il a eu beaucoup de difficultés à monter ce film. On passe ici d’une tendresse, de la simplicité de goûter une tartine de notre enfance, à un humour brillant et un rythme haletant. Un film à découvrir dans un mois, vous retrouverez le talent du réalisateur, avec ici un supplément d’âmes en souvenir de ces premiers films surprenants et touchants. Je termine en saluant la formidable disponibilité et gentillesse des deux invités, Gérard Krawczyk, pour défendre aec humilité et passion son film, et Michel Muller, à l’univers très original. Ce dernier m’a parlé de son travail – il est très inspiré par « C’est arrivé près de chez vous », et de son ardeur à vouloir laisser croire que les images sont volées. Il travaille avec obstination pour trouver un ton juste, pour son film et ses fictions TV. Cette nouvelle facette de leur talents montrée, les deux complices devraient rejoindre des horizons nouveaux. Plus qu’un mois pour attendre ce film qui est une excellente surprise !

OLIVER TWIST

Roman Polanski reste un cinéaste majeur, même si ces dernières années il n’atteint pas les sommets de ses premiers film. Cette nouvelle adaptation du célèbre roman de Charles Dickens, publié en 1837 est une réussite. C’est d’autant plus méritoire, que David Lean avait réussi visuellement une précédente adaptation et que Ben Kinsley compose de manière plus nuancée Fagin, que l’excellent Alec Guinness – on se souvient de critiques à l’époque d’antisémitisme dû à un maquillage assez outrancier, mais c’est un autre débat -. Après le très abouti « Le pianiste », le réalisateur tente de faire un film optimiste pour tout public. On peut voir pourtant un gros problème avec le très falot Barney Clark, certes le côté mignonnet du personnage d’Oliver Twist est censé trancher avec la noirceur d’une Angleterre victorienne. Il est idéal pour subir l’avanie des situations mais son jeu fait hisser l’insistance au niveau des beaux-arts. À part ce gros écueil, on retrouve la maestria de Polanski à utiliser les décors et à installer une atmosphère, et une ironie constante – le chien de Bill Sykes, personnage à part entière -. Roman Polanski retrouve Ben Kingsley, son interprète du trop mésestimé « La jeune fille et la mort », ce dernier campe avec beaucoup d’humour ce personnage de Fagin, qui rappelle d’ailleurs l’aubergiste campé par Alfie Bass dans « Le bal des vampires ». Sa dernière scène est d’ailleurs un grand moment d’émotions. Une distribution de trognes délectables l’accompagne de comédiens méconnus chez nous, citons Jamie Foreman en Bill Sykes inquiétant à souhait ou Edward Hardwike en Mr. Brownlow, grand bourgeois humaniste.

Ben Kinsley

Roman Polanski s’amuse visiblement et avec une ironie mordante insuffle une énergie à cet univers sombre. Il a dû retrouver aussi dans cette œuvre, sa propre histoire dans le ghetto de Cracovie, ce qui donne une émotion particulière à ce film. Il montre sans être larmoyant, la réalité de la misère et l’abus de pouvoir de petits notables, sur des enfants innocents. Il a une empathie évidente avec le petit monde des petits voleurs. Au final la mise en scène est classique mais efficace sur ce bel exemple de résilience cher à Boris Cyrulnik. Le divertissement joue sur la retenue et il est indéniable que nous sommes ici en présence avec l’un des plus grands metteurs en scène au monde. En ce moment sort une collection en DVD du « Théâtre de la jeunesse », réussite probante de l’ORTF et qui fera un futur objet d’article dans ce blog. On peut y retrouver « Olivier Twist », réalisé par Jean-Paul Carrière, avec Marcel Dalio dans le rôle de Fagin, voir la fiche que je viens de créer sur IMDB. A noter qu’il existe une comédie musicale « Oliver » réalisée par Carol

MATCH POINT

En souvenir de la « Rose pourpre du Caire » où Jeff Daniels descendait de l’écran, c’était très émouvant de voir Woody Allen faire l’effort de venir présenter en français son film « Melinda et Melinda » en décembre 2004, à l’UGC Cité-Ciné. C’était très furtif, mais il déclarait avec autodérision, que si la vision de son film s’avérait « traumatique » (sic) l’on pouvait attendre son prochain, déjà tourné, film que voici : « Match-Point ».

 

Woody Allen à Bordeaux, le 21 décembre 2004, photo Fabien Cotterau (Sud-Ouest)

Ce film me semble moins novateur que l’on veut bien le dire, le metteur en scène remplaçant New York par Londres, et le jazz par Verdi. Ce qui n’enlève d’ailleurs rien à sa réussite, mais disons qu’il faisait preuve de plus d’audaces dans « Melinda & Melinda ». En fait ce portrait d’un jeune arriviste sans scrupules est la reprise du personnage de Judah Rosenthal – Magistral Martin Landau -, dans un de ses chefs d’oeuvre « Crimes et délits » (1989). Il y dressait un portrait lucide de ce personnage antipathique, qu’il opposait à celui d’un réalisateur en crise joué par lui-même. Le film est un petit bijou, la comédienne Scarlett Johansson, semblant lui avoir insufflé une énergie nouvelle. Il l’utilise d’une manière sensuelle. Jonathan Rhys-Meyer, un poil falot est formidablement utilisé pour camper ce personnage haïssable, conscient de ces limites, mais qui manipule son entourage pour arriver à ses fins. Chris, son personnage est un joueur de tennis doué mais sans génie et qui vient d’un milieu modeste. Il va devenir professeur dans une école huppée, et profiter rapidement de son charisme pour prendre le fameux « ascenseur social » – « out of order » chez nous semble nous dire l’actualité -. Chris se partage entre sa femme Chloe, qui participe pour lui à un mariage de raison et la volcanique Nola Rice – Scarlett Johansson -. Mais comme les caprices du hasard, le destin peut être versatile… Il est comparé ici à une balle qui franchit le filet, sans que l’on sache le camp qu’elle va choisir.

Emily Mortimer, Jonathan Rhys-Meyer & Scarlett Johansson, appréciez les distances…

La tension sexuelle avec elle est formidablement rendue, on a d’ailleurs rarement trouvé cette sensualité ainsi exacerbée dans son œuvre.  Woody Allen avec beaucoup de mordant fait valser les convenances et semble avoir bien ciblé les états d’âmes de la bonne société anglaise, ce qui a d’ailleurs suscité des polémiques à Londres si je me souviens bien d’un article paru dans « Télérama ». Il y a un jeu sur les clichés, les parents de Chloe acceptant Chris parce qu’il fait bonne figure et bien « sur le tableau de chasse ». Woody Allen installe une brillante topograhie des faux-semblants, contre une philosophie de vie attendue. Des décors luxueux et déshumanisés, et une utilisation brillante de l’Opéra, parachèvent cette réflexion teintée d’humour noir, des choix que l’on peut avoir à faire dans la vie. Le reste de la distribution est particulièrement brillante, de Brian Cox en grand bourgeois aisé, mais détaché, Emily Mortimer dans le rôle de Choe, sa fille, est charmante et digne, Matthew Goode en fils à papa suffisant, et Penelope Wilton est irrésistible en belle-mère à principes. Cette satire détournement amusée d’une improbable tragédie grecque, est à compter dans les grandes réussites du metteur en scène.

LES FILMS QUI RENDENT SCROGNEUGNEU #1

Amis de la guimauve, « Ralph » est fait pour vous. On le voit déjà le réalisateur présenter son film dans un petit atelier d’écriture, faire comme dans « The player » le beau film de Robert Altman, poser l’idée suivante, 1/3 Billy Elliott, 1/3 Les chariots de feu, 1/3 d’American Pie, le tout sous Prozac… . Ca commence plutôt bien, le jeune Raph titillé par sa libido naissante, il a 14 ans ne pense qu’à exercer l’onanisme – 22 fois par jour -, dans les ondes d’une piscine ou contre une tondeuse à gazon… Ne voyez rien de corrosif, il s’agit ici de ne pas choquer les chaisières de « Saint-Nicholas du Chardonnet », l’entourage clérical du lieu – nous sommes en 1954 – s’amusant presque de ce petit travers. Mais la mère du jeunot tombe dans le coma – par solidarité avec elle je l’ai suivie très vite d’ailleurs -, il tente de la réveiller en lui faisant sentir de la merde, mais ça ne fonctionne pas des masses. Il va donc chercher à réaliser un miracle en voulant gagner le marathon de Boston. Vaste programme que vouloir devenir ainsi un saint laïque. Troquons donc la morne jubilation de l’éjaculation contre l’effort honorable d’une saine chasse à l’adrénaline.

Cours For… euh Ralph, cours…

Le suspense de ce film étant proprement intolérable, on s’amuse à quelques traits d’esprits dans ce monument rance de cuculeterie… On se force à rire péniblement, dans ce retour dans le passé d’une bondieuserie oubliée – On voit qu’il n’a pas été élevé chez le curé le scénariste, pour ma part j’y ai fait connaissance avec l’intolérance et la bêtise de petits notables curés réactionnaires dans les années 70/80, dans un petit village du pays basque, mais c’est une autre histoire… -. Certes, il y a un supérieur un peu raide – mais qui surprise s’humanise à la fin -, le bon camarade, les élèves rigolards et le bon curé dévoué qui cite Nietzche, le trouvant moins révolutionnaire que Jésus Christ – Campbell Scott qui tient debout parce que c’est la mode -. Nos bras nous en tombent avec ce retour du bigotisme qui devrait même agacer les croyants. Les mêmes qui critiquaient « Les choristes » s’enthousiasment sur cette oeuvrette insipide. Jennifer Tilly fait ce qu’elle peut pour adopter l’accent anglais, sans parler du jeune Adam Butcher qui ne se départit jamais de son petit air de ravi de la crêche – du crétinisme à la sainteté il n’y a donc qu’un pas ? -. La mise en scène du canadien Michael McGowan est proprement inexistante, il a reçu le grand prix du festival de Paris – ah bon, il y a des prix chez eux ? -. La rédemption et la lutte contre la maladie par le chemin de l’effort, me semble en prime assez abject. La morale est sauve, le film semble avoir ses fans, Sainte Rita, patronne des cas désespérés ayant dû veiller sur ce film.

CE NAIN QUE JE NE SAURAIS VOIR

Jean-Yves Thual

La chaîne du câble « Ciné-Classics » ne brille pas beaucoup par son originalité ces derniers temps, mais trop rarement on peut trouver des traces d’inventivités, comme le  6 décembre 2003, avec le documentaire-fiction de Christophe Bier, « Exotisme, coups de poings et porte jarretelles ». Cet hommage rendu au producteur allemand de série B Wolf C. Hartwig et sa femme Véronique Vendell. était une belle initiative sur un pan méconnu du cinéma allemand. Christophe Bier profitant de sa documentation personnelle pour dresser ce portrait d’une cinématographie injustement oubliée. Il faut dire que c’est d’autant plus remarquable, que ce face à face entre la belle Mélodie Marcq – vue depuis dans « Les chemins de traverse » de Manuel Poirier en 2004 -, et le cinéphile interprété avec brio et humour (le personnage a des dossiers dans le four, faute de place), est une solution de dernière minute trouvée suite à l’hospitalisation de Wolf C. Hartwig. Une belle occasion de découvrir un univers de sensualité et de trouvailles de mises en scène, Des films suivaient la diffusion de ce doc, « Coup de gong à Hong Kong » avec Daniel Emilfork, « Poupées d’amour », « Freddy et le nouveau monde » et l’ahurissant « La femme nue et Satan », réalisé par Victor Vicas – futur réalisateur des « Brigades du tigre » avec en prime un Michel Simon atrocement doublé en français par un imitateur, alors qu’il était indisposé par un empoisonnement dû à la colle d’un postiche!.-. C’était un brillant cocktail humour + érudition.

Christophe Bier remet le couvert avec la diffusion ce vendredi 4 à 23h30, toujours sur « Ciné-Classic » de « Ce nain que je ne saurais voir » 60 mn. Voici le texte de présentation trouvé sur « Voilà TV » : S’appuyant sur des photos, affiches, extraits et bandes-annonces originales, Christophe Bier réalise un document où l’érudition le dispute à l’humour. Pour accomplir cette lecture inédite, il a fait appel à Jean-Yves Thual, immense acteur de petite taille, aussi à l’aise dans «Astérix contre César «de Claude Zidi, que dans «Le Voleur d’arc-en-ciel» de Jodorowsky. Ici on parle d’acteurs et de grand cinéma. On croise Michael Dunn, l’inoubliable docteur Loveless des «Mystères de l’Ouest», Weng Weng, le pendant miniature de James Bond, la star française, Pieral, immortalisé dans «L’Eternel Retour», Hervé Villechaize, indispensable habitant de «L’Ile fantastique». Cascadeurs, doublures, acteurs, les nains ont écumé tous les genres : drames, comédies, péplums, films autour du cirque, polars, westerns, SF, fantastique, horreur, porno…Personnages hors du commun, vedettes ou accessoires, souvent avec une vraie gueule de cinéma (lequel, cruel, ne leur a souvent offert que le choix du conte de fée ou celui de l’étrange cauchemardesque), partout où ils passent, quels que soient leurs rôles, les nains crèvent l’écran… S’appuyant sur des photos, affiches, extraits et bandes-annonces originales, Christophe Bier réalise un document où l’érudition le dispute à l’humour…

Photo de plateau: Laëtitia Mélierres avec son aimable autorisation

Chercheur infatigable, comédien, chroniqueur à « Mauvais genre » sur « France culture », réalisateur, il a travaillé 7 ans avec Jean-Pierre Mocky – une sorte de record -, Christophe Bier a publié plusieurs ouvrages dont le jubilatoire « Cinéma culte européen : Eurociné » notamment, on attend son grand oeuvre un monumental dictionnaire du cinéma pornographique français. Ce documentaire est le prolongement de son livre « Les nains au cinéma » 1998, édité par lui même, et qui était une mine d’informations. En compagnie du comédien Jean-Yves Thual, – inoubliable « Nain rouge » chez Yves Le Moine -, il nous dresse un panorama de l’utilisation des nains au cinéma, en parlant de deux films emblématiques « Freaks » de Tod Browning, chef d’oeuvre absolu, et le contreversé ‘Les nains aussi ont commencé petits » de Werner Herzog.

Photo de plateau: Laëtitia Mélierres avec son aimable autorisation

Jean-Yves Thual qui a un blog : Jeanyvesthual.canalblog.com, fait preuve de beaucoup d’autodérision confit cependant sa difficulté de trouver des rôles face à des metteurs en scène frileux, l’un lui confiant même qu’il ne pourrait pas lui confier un seul rôle de garçon de café, car on ne verrait que lui. Christophe Bier parle avec des tendresses des nains célèbres comme Piéral, Angelo Rossitto, Michael Dunne, John George, des carrières chaotiques pour des comédiens qui n’ont eu de beaux rôles qu’avec quelques poètes, comme Tod Browning ou Jean Cocteau. Un documentaire à voir absolument, on aimerait que « Ciné-Cinéma », dont la programmation mollasse nous désole en ce moment, continue sur cette voie.

ARTICLE : LIBÉRATION

Télévision : Documentaire. Une enquête minutieuse de Christophe Bier sur les utilisations cinématographiques du thème du nain.
Des rôles sur mesures par Sophie Rostain, vendredi 04 novembre 2005

Christophe Bier est également l’auteur d’un livre autopublié, les Nains au cinéma, une somme aujourd’hui épuisée. Avis aux éditeurs !

CinéCinéma Classic, 23 h 30. «Ce nain que je ne saurais voir», un documentaire de Christophe Bier.

« Un documentaire sensationnel de cinquante-deux minutes unique en son genre ! La grande histoire des nains au cinéma. Cinquante-deux minutes de nains non stop ! Un sujet passionnant, unique, dérangeant, bouleversant et inédit encore jamais abordé par les historiens du cinéma ! Approchez, n’ayez pas peur !» Pour une fois, ami spectateur, crois la publicité et plonge sans barguigner dans le documentaire de Christophe Bier qui joue son propre rôle, accompagné de monsieur Zwerg (monsieur Nain, en allemand), comédien de 1,28 m (Jean-Yves Thual). Tout y est dit ici sur la manière dont le 35 mm a utilisé les hommes et les femmes de 90 centimètres, jamais plus de 120 centimètres. Comme dans les foires, il a voulu mettre en scène l’anormalité, reprenant les clichés les plus moyenâgeux. Des origines à nos jours, pas un film de série B sans son nain, lutin priapique, ange du mal ou monstre face à qui le spectateur, conforté dans sa position de voyeur, rassure sa supposée normalité. Pauvreté créative, efficacité symbolique.

Film interdit. Heureusement, il y eut Tod Browning qui, en 1932, impose à la MGM de réaliser un film entièrement joué par des nains et des «monstres». Soeurs siamoises, hermaphrodite, homme-larve, lilliputiens et nains se pointent au casting. Ce sera le génial Freaks où éclate Harry Earles. Le film est un échec total. Les ligues féministes se déchaînent, accusent Browning et la MGM de gagner de l’argent en exploitant la déchéance humaine. Campagne efficace : le film est interdit pendant trente ans au Royaume-Uni. Quelques années plus tard, Samy Newfield, réalisateur de série B, pose une nouvelle pierre dans l’histoire en réalisant The Terror of Tiny Town, premier et unique western entièrement joué par des personnes de petite taille. CinéCinéma a mis la main sur une copie qu’elle diffusera le 11 novembre (22 h 20).

«Mal absolu». La roue du cinéma continue de tourner. Et voici le génial Piéral, mort le 22 août 2003. Céline recommandait de le faire jouer Néron ou le Bourgeois gentilhomme ou un amant de Feydeau, Macbeth, Othello, mais c’est Jean Cocteau qui lui offrit de jouer Achille, le monstrueux fils d’Yvonne de Bray dans l’Eternel Retour. «Il fallait bien qu’intervînt le mal absolu sous les traits d’un nain.» Tout est dit et jamais le cinéma ne dépassera cette représentation commode, jusqu’à Werner Herzog, dans Les nains aussi ont commencé petits, histoire d’une révolte dans un centre d’entraînement pour nains (diffusé le 25 novembre à 22 h 30). Le nain en noir et blanc, en couleurs, serait une erreur

BACKSTAGE

Avant-première hier à l’UGC Cité-Ciné, du troisième long-métrage d’Emmanuelle Bercot, avec « La puce » et « Clément ».  Lucie – Isild Le Besco -, est une fan de17 ans qui voue un culte à sa chanteuse préférée  Lauren Waks – Emmanuelle Seigner -. Cette dernière histoire de redorée son image distante, accepte de la rencontrer par surprise dans une émission TV style « Stars à domicile ». Mais Lucie se laisse déborder par son émotion et préfère se cacher, ce qui rend une diffusion télévisuelle impossible. La star repart mais est touchée par un petit mot que l’adolescente lui a glissé sous la porte. Cette dernière finit par quitter son foyer, au grand dam de sa mère – Édith Le Merdy très juste – qui élève seule ses 3 enfants. Lucie rejoint une cohorte de fans qui guette tout déplacement de la vedette – dont surprise Joëlle Miquel, actrice fétiche d’Éric Rohmer qui a un comportement assez déstabilisant -.  Exacerbé, elle finit par attirer la compassion de Jean-Claude un garde du corps blessé par la mort de sa fille – Jean-Paul Walle Wa Wana, étonnant nouveau venu – et rentrer dans le cercle des intimes de Lauren, grâce à Juliette – Noémie Lvovsky épatante comme à chaque fois qu’on la retrouve -. Mais c’est un marché de dupes…

Isild Le Besco & Emmanuelle Seigner

Fan vient de fanatisme, on le sait, et Emmanuelle Bercot a réussit à créer une tension durant tout le film, entre une star écorchée vive, capricieuse et cyclothymique et cette adolescente dont l’idolâtrie révèle ses failles, le danger que peu représenter sa souffrance. La lumineuse Isild Le Besco– qui faisait preuve de beaucoup de grâce et de sensibilité ce soir là -, continue à faire preuve d’exigence et prouver son adresse à jouer un personnage à la dérive. Elle est vraiment touchante et a une présence particulière dans le cinéma actuel. Après son premier film comme réalisatrice, on ne peut que lui promettre un grand avenir. Elle a expliqué, que c’est à presque 23 ans, qu’elle avait la maturité nécessaire pour jouer ce rôle à fleur de peau, et que le résultat n’aurait pas été le même à 17 ans. Sa complicité avec Emmanuelle Bercot est évidente, et permet un travail où les mots ne sont pas forcément nécessaires. Cette vie par procuration la met en danger, et un rapport trouble se noue entre les deux femmes. En icône blessée Emmanuelle Seigner est surprenante de mystère et de fêlures, saluons son travail pour avoir véritablement chanter durant plusieurs séances. La réalisatrice fait preuve ici d’une belle maîtrise. Elle privilégie les personnes humaines plutôt que les comédiens pour personnifier ses personnages, on retrouve donc Valéry Zeitoun – qui a une popularité en TV – jouer son presque propre rôle de manager dépassé, c’est son premier film et présent lors de cette avant-première montrait une jovialité sympathique -, Noémie Lvosky donc, Samuel Benchetrit, réalisateur dont c’est le premier film également, en amant taciturne, Lisa Lamétrie – je vous promets d’arrêter de vous la présenter comme ancienne concierge de Maurice Pialat -, en femme de ménage, Claude Duneton en père bafoué. Ce film étude d’un comportement parfois extrême donne un brillant résultat en montrant avec simplicité la sensibilité exacerbée du sortir de l’adolescente. La confrontation de deux mondes aussi différents est la belle idée de ce film.

EDY

« À sa naissance, il n’est donné à l’homme qu’un seul droit : le choix de sa mort. mais si ce choix est commandé par le dégoût de sa vie, alors son existence n’aura été que pure dérision », Jean-Pierre Melville dans « Le deuxième souffle », cité dans le scénario d' »Edy ». C’est évidemment avec beaucoup d’impatience que j’attendais « Edy » de Stephan Guérin-Tillié, le problème compte tenu de l’article précédent, voir ICI, est évidemment le manque d’objectivité – mais en temps normal, je ne crois pas trop à cette notion des choses ici – et de faire dans la vile flagornerie, mais quand je n’aime pas un film, je préfère le tenir sous silence comme l’un des films précédents avec François Berléand sorti cette année. Je vais donc en causer librement. Edy, cœur lent, est un assureur véreux comme dans « Ma petite entreprise ». Il est fatigué de vivre et des escroqueries  à l’assurance, avec des morts à la clé, organisées par son mentor, Louis Girard – Philippe Noiret qui trouve là un de ses meilleurs rôles depuis un moment -. On retrouve la scène du court-métrage en noir et blanc « Requiems », dans une carrière, où Edy doit procéder à de bases œuvres en compagnie du guignol –Laurent Bateau, qui tend à la drôlerie remplaçant Daniel Rialet qui était plus tragique- court-métrage visible dans le DVD édité par Studio, consacré aux œuvres filmées de comédiens. L’écriture du film est plus complexe que l’on veut bien le dire, et loin de se laisser aller à des procédés – le split-screen reproché par un critique – Stephan Guérin-Tillié a réussit à installer un climat, grisaille et jazz obligatoire.. Il exploite les non-dits et les situations, avec beaucoup d’humour – le mort revenant hanter Edy, dans une émission de Julien Lepers, Edy bras cassés retrouvant la posture de la marionnette du vrai guignol.

Yves Verhoeven & François Berléand

Il y a des réelles trouvailles, tel le conseil de discipline des assureurs dans un bowling,  joué avec rythme par Roger Souza, dégonflé patenté, Jacques Spiesser, Céline Samie, et l’ex « garçon plein d’avenir », Olivier Brocheriou. Le film procède à une lente dépression du personnage d’Edy, blasé, qui ne retrouve plus aucun sens de sa vie, et va finir par tomber dans une spirale infernale, ne pouvant compter que sur le soutien de Louis, personnage roublard mais qui a un sens de l’honneur à l’ancienne. La distribution est particulièrement soignée, mention spéciale à Yves Verhoeven en inspecteur sarcastique et décalé – il faut le voir mener son enquête avec flegme et cynisme – Pascale Arbillot en secrétaire défaite, Eric Savin en employé des pompes funèbres attachant et naïf, Cyrille Thouvenin en skin-head, Marion Cotillard en fantasme, le moindre rôle est soigné – Marie Pillet, en voisine énervée, Dominique Bettenfeld et Steve Suissa en pilier de comptoir.

François Berléand & Philippe Noiret

Ce film n’est pas encombré par les influences du metteur en scène. On pense à Melville, bien sûr. Plus qu’un exercice de style, il y a une proximité avec les personnages, un bel humour noir et une écriture soignée : le monologue où le personnage de Louis, évoque ce qui le fait bander. La confrontation entre Philippe Noiret et François Berléand est jubilatoire, ce sont bien deux comédiens d’une même trempe, le rapport maître-élève est le moteur de la vie d’Edy, on comprend bien qu’il lui faille passer au-delà de cette relation pour s’affirmer. Et puis il y a François Berléand, désabusé, toute la peine du monde sur ses épaules, mais s’illuminant de sa superbe en évoquant des techniques de ventes et retrouvant « L’énergie du désespoir ». Qu’il déambule sous la pluie, pose son spleen sur une balançoire, tente de résister aux difficultés, il est magnifique de subtilité et est au sommet de son art. On n’imagine d’ailleurs pas son personnage interprété par quelqu’un d’autre et comme dit Julien Lepers dans le film « on ne dit jamais assez aux gens qu’on les aime ! ». Ce film mal accueilli semble-t’il par certains, mérite le détour, le public semblant lui, l’apprécier malgré une critique infondée – mention spéciale aux « Cahiers du cinéma » – d’une crétinerie abyssale et gratuitement négative, peut-être parce que l’on a toujours du mal à voir sa médiocrité ainsi lucidement exposée.