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MORT DE BERNARD EVEIN

Annonce de la mort du décorateur Bernard Evein, indissociable de l’œuvre Jacques Demy. Il est mort dans “L’île de Noirmoutier” alors que se déroule en ce moment à la Fondation Cartier l’exposition “L’île et elle”, œuvre d’Agnès Varda, dont il fut, ironie du sort, aussi le collaborateur. Il avait témoigné pour elle sur l’œuvre de Jacques Demy dans deux de ses documentaires “Les demoiselles ont eu 25 ans” (1993) et “L’univers de Jacques Demy” (1995). Après des études à l’école des Beaux-Arts à Nantes, il entre à l’IDHEC, section décoration, dont il ressort diplômé en 1951. Il travaille en collaboration avec le décorateur Jacques Saulnier, avant d’être associé aussi à la nouvelle vague, on se souvient de son œuvre particulièrement colorée. J’ai le souvenir de magnifiques maquettes vues dans un numéro de Télérama, conçues pour un film de Jacques Demy, situé dans Saint-Pétersbourg qui resta hélas inabouti faute de financements. Il était l’un des plus grands de sa profession.

Filmographie : 1952  La danseuse nue (Pierre Louis, assistant décorateur) – 1957  Le bel indifférent (Jacques Demy, CM) – 1958  Les amants (Louis Malle) – Les quatre cents coups (François Truffaut) – Les cousins (Claude Chabrol) – 1959  À double tour (Claude Chabrol) – La sentence (Jean Valère) – Les jeux de l’amour (Philippe de Broca) – Les scélérats (Robert Hossein) – 1960  Zazie dans le métro (Louis Malle) –  Les grandes personnes (Jean Valère) – L’amant de cinq jours (Philippe de Broca) – Lola (Jacques Demy, + costumes) – Une femme est une femme (Jean-Luc Godard) – L’année dernière à Marienbad (Alain Resnais, costumes seulement) – 1961  Le rendez-vous de minuit (Roger Leenhardt) – Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda) – Vie privée (Louis Malle) – Les spet péchés capitaux [épisodes « L’avarice » (Claude Chabrol) & « La luxure » (Jacques Demy, + petit rôle)] – Le combat dans l’île (Alain Cavalier) – 1962  Les dimanches de Ville d’Avray (Serge Bourguignon) – Le jour et l’heure (René Clément) – La baie des anges (Jacques Demy, + costumes) – 1963  Le feu follet (Louis Malle) – Les parapluies de Cherbourg (Jacques Demy) – 1964  Aimez-vous les femmes ? (Jean Léon) – L’insoumis (Akaub Cavalier) – Comment épouser un premier ministre (Michel Boisrond) – 1965  Viva Maria ! (Louis Malle) – Paris au mois d’Août (Pierre Granier-Deferre) – Qui êtes-vous Polly Maggoo ? (William Klein) – 1966  Les demoiselles de Rochefort (Jacques Demy) –  Le plus vieux métier du monde [épisode « Mademoiselle Mimi »] (Philippe de Broca) –  Seven times Seven (Sept fois femmes) (Vittorio de Sica) – 1967  Adolphe ou l’âge tendre (Bernard Toublanc-Michel) – 1969  Sweet hunters (Tendres chasseurs/ Ternos Caçadores) (Ruy Guerra) – L’aveu (Costa-Gavras) –1970  Le bateau sur l’herbe (Michel Drach) – 1973  L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune (Jacques Demy) – Le grand bazar (Claude Zidi) – Le hasard et la violence (Philippe Labro) – La merveilleuse visite (Marcel Carné, directeur artistique seulement) – 1975  Zerschossene Traüme (L’appât) (Peter Patzak) – L’alpagueur (Philippe Labro) – 1976  Néa  (Nelly Kaplan) – Le jouet (Francis Veber) – 1977  La vie devant soi (Moshe Mizarahi) – 1978  Lady Oscar (Jacques Demy) – 1979  Tous vedettes (Michel Lang) – Chère inconnue (Moshe Mizrahi) – 1980  Une merveilleuse journée (Claude Vital) – 1982  Une chambre en ville (Jacques Demy) – 1984  Notre histoire (Bertrand Blier) – 1986  La rumba (Roger Hanin) – Thérèse (Alain Cavalier) – 1988  Trois places pour le 26 (Jacques Demy).


Catherine Deneuve & François Dorléac dans “Les demoiselles de Rochefort”

ARTICLE / LE MONDE du 10.08.2006

Bernard Evein, décorateur de cinéma et de théâtre, est mort mardi 8 août, dans l’île de Noirmoutier (Vendée). Il était âgé de 77 ans. Né à Saint-Nazaire le 5 janvier 1929, Bernard Evein fut le condisciple du futur cinéaste Jacques Demy à l’école des Beaux-Arts de Nantes, avant de le retrouver au titre de décorateur de huit de ses films, dont Lola (1961), Les Parapluies de Cherbourg (1964), Une Chambre en ville (1982). Bernard Evein, césarisé pour les meilleurs décors de films à six reprises entre 1977 et 1989, collabora également avec Louis Malle (Les Amants, 1958 ; Zazie dans le métro, 1960 ; Le Feu follet, 1963), François Truffaut (Les 400 coups, 1959), Claude Chabrol (A double tour, 1960), Alain Cavalier (Le Combat dans l’île, 1961 ; L’Insoumis, 1964 ; Thérèse, 1986), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme, 1961), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7, 1962), William Klein (Qui êtes-vous Polly Magoo, 1966), ou Francis Veber (Le Jouet, 1976). Une carrière qui parle d’elle-même, et qui fut complétée au théâtre par ses collaborations avec notamment le metteur en scène Jean-Louis Barrault et Jean-Luc Tardieu.

SUD-OUEST

Evein, grand du cinéma, par Thomas La Noue

Décédé avant-hier à Noirmoutier des suites d’une longue maladie à 77 ans, Bernard Evein était l’homme qui avait osé mettre en couleurs le cinéma français, et quelles couleurs ! Débutant à la fin des années cinquante, époque où le noir et blanc était la règle et la couleur l’exception, il travaille avec les jeunes réalisateurs annonçant la nouvelle vague. Le décor onirique et la robe de plumes de Delphine Seyrig dans « L’Année dernière à Marienbad », d’Alain Resnais (en noir et blanc), c’est lui. Il n’avait pas fini de surprendre. La couleur en vedette. Au début des années soixante, il collabore avec Claude Chabrol (« A double tour »  et Louis Malle (« Les Amants », « Vie privée », « Viva Maria » . En toute complicité avec les chefs opérateurs Henri Decae, Jean Rabier ou Ghislain Cloquet, il introduit une notion nouvelle : la couleur n’est plus seulement un argument commercial et une commodité technique permettant de faire « plus vrai que le noir et blanc », elle devient le principe même du décor. « En-chanté ». C’est bien sûr avec Jacques Demy que Bernard Evein va donner toute la mesure de son talent. Les deux enfants de Nantes sont sur la même longueur d’onde et Evein va faire éclater les couleurs et transfigurer les lieux ordinaires dans les films « en-chanté » de Demy. Première expérience avec « Les Parapluies de Cherbourg » et aboutissement trois ans après avec « Les Demoiselles de Rochefort », ce chef-d’oeuvre en forme d’hommage à la comédie musicale. Il faut s’imaginer ce qu’était la ville il y a quarante ans. Grise, terne, semblant vouée à un inexorable déclin, elle avait déserté son patrimoine historique et architectural et somnolait sur les bords de la Charente. Demy et Evein vont l’investir, la repeindre en rose, orangé, jaune, bleu, vert, la livrer aux danseurs. En un mot, lui offrir une autre vie. Le film sera (et reste) un immense succès, et la collaboration entre les deux hommes se poursuivra avec notamment « Peau d’âne », « Trois places pour le 26 », « Jacquot de Nantes ».

MORT DE MAKO

Annonce de la mort de Mako, figure familière du cinéma américain, le 21 juillet dernier, des suites d’un cancer. Il faisait partie de ce type de comédiens comme Philip Ahn, Keye Luke ou James Hong, distribué dans tous les rôles asiatiques possibles et imaginables par Hollywood, dans trop de discernements parfois. Ce Japonais né à Kobe en 1933, de son vrai nom Makoto Iwamatsu, avait suivi ses parents partis aux USA en 1941, travailler pour l’Office of War. Il rejoint l’armée des États Unis au début des années 50, puis fut naturalisé citoyen américain en 1956. Formé au “Pasadena Playhouse”, il joua de nombreux spectacles sur Broadway. En 1965, il crée la “East West Players”, une prestigieuse troupe orientale. Son rôle le plus connu reste celui du jeune coolie Poo-Han, qui se fait lyncher par les siens pour être suspecté de collaboration avec les Américains, performance qui lui vaut d’ailleurs une nomination à l’oscar du meilleur second rôle en 1966 et une autre aux Golden Globes en 1967. Robert Wise l’avait découvert lors d’une représentation de Rashomon. En 1966 il rencontre Bruce Lee pour l’un des épisodes du “Frelon vert”, qui connu en 1974 une diffusion dans les salles de cinéma. Karatéka doué, il participe souvent à des films d’arts martiaux, souvent avec Chuck Norris qui l’appréciait beaucoup, il joue d’ailleurs de grand maître de Jackie Chan dans “Le Chinois” (Robert Clouse, 1981). Il a beaucoup de télévision à son actif, il apparaît régulièrement en “guest star” dans des séries comme “Colombo”, “Hawaïï, police d’état”, etc… Il prête aussi sa voix dans des jeux vidéos ou des dessins-animés. On se souvient aussi de son rôle impressionnant de sorcier dans “Conan le barbare” (John Milius, 1982) et sa suite. On l’avait revu dernièrement dans le rôle de l’amiral Yamamoto dans l’affligeant “Pearl Harbour” de l’ineffable Michael Bay en 2001 et cette année dans un court rôle dans l’académique “Mémoires d’une Geisha”.. A noter qu’il a son étoile dans la mythique “Walk of fame”.

Filmographie : 1959  Never so few (La proie des vautours) (John Sturges) – 1966  The Sand Pebbles (La canonnière du Yang-Tsé ) (Robert Wise) – The ugly dachsand (Quatre bassets pour un danois) (Norman Tokar) – 1968  The private navy of Sgt. O’Farrel (La marine en folie) (Frank Tashlin) – 1969  The great bank robbery (Le plus grand des hold-up) (Hy Averback) – 1970  Fools (Tom Gries) – The Hawaiians / Master of the islands (Le maître des îles) (Tom Gries) – 1971  Chinmoku (Silence) (Masahiro Shinoda) – 1972  Yokohama Mama (Gerry Chiniquy, animation, CM, voix) – 1974  The island at the top of the world (L’île sur le toit du monde) (Robert Stevenson) – 1975  Prisoners / Physical assault (William H. Bushnell) – The killer elite (Tueur d’élite) (Sam Peckinpah) – 1980 The big brawl (Le Chinois) (Robert Clouse) – 1981  The Bushido blade (Shusei Kotani) – An eye for an eye (Dent pour dent) (Steve Carver) – Under the rainbow (Steve Rash) – 1982  Conan the barbarian (Conan le barbare) (John Milius) – 1983  Testament (Le dernier testament) (Lynne Littman) – Conan the destroyer (Richard Fleischer) – 1985  Behing enemy lines / P.O.W. the escape (Dans les bras de l’enfer) (Gideon Amir) – 1986 The Jade Jungle / Armed response (Armés pour répondre) (Fred Olen Ray) – 1987  Silent assassins (Doo-yong Lee & Scott Thomas) – 1988  The Wash (Michael Toshiyuki Uno) – Tucker : The man and his dream (Tucker) (Francis Ford Coppola) – Fatal mission (George Rowe) – 1989  An unremarkable life (Amin Q. Chaudhri) – 1990  Pacific Heights (Fenêtre sur Pacifique) (John Schlesinger) – Taking care of Business / Filofax (Arthur Hiller) –Sutoroberi rodo / Strawberry road (Koreyoshi Kurahara) – 1991 The perfect weapon (L’arme parfaite) (Mark DiSalle) – My samurai (Fred H. Dresch) – Nightingale (Michael Sporn, voix) – Sidekicks (Aaron Norris) – 1992  RoboCop 3 (Fred Dekker) – 1993  Red sun rising (Francis Megahy) – Rising sun (Soleil levant) (Philip Kaufman) – 1994  Crying Freeman (Id) (Christophe Gans) – Cultivating Charlie (Alex Georges) – Highlander III : The sorcerer (Highlander 3) (Andrew Morahan) – Midnight Man (John Weidner) – 1995  A dangerous place / No surrender (Jerry P. Jacobs) – 1996  Balance of power / Hidden tiger (Rick Bennett) – Seven years in Tibet (Sept ans au Tibet) (Jean-Jacques Annaud) – Sworn to justice / Blonde justice (Paul Maslak) – 1998  Alegria (Franco Dragone) – Chûgoku no chôjin (Bird people in China) (Takashi Miike) – 1999  Fukuro no shiro (Masahiro Shinoda) – Kyohansha (Kazuhiro Kiuchi) – 2000  Talk to Taka (Richard K. Kim) – Conscience and the constitution (Frank Abe, MM, voix) –  The Rugrats in Paris – The movie (Les Razmokets à Paris, le film) (Stig Bergqvist & Paul Demeyer, animation, voix) – 2001  Pearl Harbor (Pearl Harbor) (Michael Bay) – She said I love you / Cruel game / Deception / Twists and turns (Masashi Nagadoi) – 2002  Bulleproof monk (Le gardien du manuscrit sacré ) (Paul Hunter) – 2005  Cages (Graham Streeter) – Memoirs of a Geisha (Mémoires d’une geisha) (Rob Marshall) – Rise (Sebastian Gutierrez) – 2006  The slanted screen (Jeff Adachi, documentaire).

MORT DE LISE DELAMARE

Un nouveau décès à déplorer celui de Lise Delamare, célèbre Marie-Antoinette dans le film de Jean Renoir “La marseillaise” en 1937. Déplorons le relatif silence à la mort de cette comédienne. Yvan Foucart lui avait rendu un bel hommage de son vivant dans le site des Gens du cinéma, où l’on retrouve une bio-filmo.  On peut aussi retrouver un entretien avec elle dans l’excellent “Le cinéma des années 30 par ceux qui l’ont fait” (Christian Gilles, L’Harmattan, 2000). Avec l’amusante évocation de la fameuse scène de “Fer rouge” dans “Forfaiture (Marcel L’Herbier, 1937) avec Sessue Hawakaya qu’elle n’appréciait guère : “Elle n’était pas du tout simulée, le fer était vraiment rouge ! Au moment où je devais être marquée, un machiniste accroupi par terre me glissait sur l’épaule un morceau de veau sur lequel, ensuite, Hayakawa appuyait de toutes ses forces (Je sentais d’ailleurs la chaleur à travers une chaleur tiède)…”. Elle se faisait rare au cinéma, préférant privilégier un parcours théâtral exemplaire, voir sa biographie dans le site de “La Comédie Française“. Mais Yves Robert qui l’appréciait beaucoup l’avait dirigé dans deux films “Clérambard” (1969) et “Salut l’artiste” (1973). Dans “La carpate” (Gérard Oury, 1978), elle était une grande bourgeoise, épouse de Jean-Pierre Darras, malmènée lors des évenements de mai 1968.  Elle était étonnante en propriétaire étouffante d’un bull-terrier inquiétant dans le singulier “Baxter” (Jérôme Boivin, 1988). Elle était la soeur de la comédienne Roselyne Delamare.

Filmographie : 1933  Georges et Georgette (Reinhold Schünzel & Roger Le Bon) – 1934  Les précieuses ridicules (Léonce Perret, CM) – Pension Mimosas (Jacques Feyder) – Un soir à la Comédie Française (Léonce Perret, CM documentaire) – 1936  Notre-Dame d’amour (Pierre Caron) – 1937  La Marseillaise (Jean Renoir) – Forfaiture (Marcel L’Herbier) – 1941  Péchés de jeunesse (Maurice Tourneur) – Le destin de Désirée Clary (Sacha Guitry) – La symphonie fantastique (Christian-Jaque) – La duchesse de Langeais (Jacques de Baroncelli) – 1942  Le comte de Monte-Cristo (Robert Vernay) – La fausse maîtresse (André Cayatte) – 1943  Graine au vent (Maurice Gleize) – La valse blanche (Jean Stelli) – 1944  Farandole (André Zwobada) – Lunegarde (Marc Allégret) – Le père Goriot (Robert Vernay) – 1945  Le Capitan (Robert Vernay) – Rabiolot (Jacques Daroy) – 1947  Monsieur Vincent (Maurice Cloche) – 1949  Un certain Monsieur (Yves Ciampi) – 1950  Le roi du bla-bla-bla (Maurice Labro) – 1955  Les grandes manoeuvres (René Clair) – Lola Montes (Max Ophuls) – 1957  Escapade (Ralph Habib) – Nathalie (Christian-Jaque) – 1960  Le Capitan (André Hunebelle) – L’ennemi dans l’ombre (Charles Gérard) – Il suffit d’aimer (Robert Darène) – Vive Henri IV, vive l’amour (Claude Autant-Lara) – 1961  Les démons de minuit (Marc Allégret é Charles Gérard) – 1969  Clérambard (Yves Robert) – 1973  Salut l’artiste (Yves Robert) – 1988  Baxter (Jérôme Boivin).

©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)

MORT DE SHOHEI IMAMURA

img157/9715/timamurahv0.jpg Annonce de la mort de l’un des plus grands metteurs japonais, né 15 Septembre 1926 à Tokyo. Il était célébré par tous, et fut même l’in des rares à avoir reçu deux palmes d’or. Venant d’une famille aisée, il s’est très vite intéressé à la société japonaise, ses marginaux livrant au cinéma une critique forte de la société de son temps, de la guerre et du péril atomique. Après des débuts comme assistant réalisateur pour Yasujiro Ozu, il débute en 1958 à la réalisation, Désir volé” et “Désir inassouvi”. On ne saurait que trop recommander le coffret paru chez MK2, contenant “Eijinaka” (1981) et “La vengeance est à moi” (1979), enquête sur un dangereux assassin – Je reviendrai très prochainement sur ce dernier, oeuvre magistrale à redécouvrir -. On lui doit notamment “Cochons et cuirassés” (1963), état des lieux de l’occupation américaine “La femme insecte” (1963), histoire d’une femme meurtrie et exploitée toute sa vie, “Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar” (1970), histoire d’une femme japonaise enrichie par le commerce de ses charmes avec des Américains, le beau “La ballade de Narayama” (1982), histoire d’Orin une vieille femme qui part dans le montagne pour mourir comme veut la tradition, “Pluie noire” analyse des incidences de la première bombe nucléaire lâchée sur Hiroshima, en 1945, “L’anguille” (1997), histoire d’un homme qui veut refaire sa vie après avoir purgé une peine pour avoir tué sa femme, “Kanzo Seizï” (1998), portrait d’un médecin de campagne obsédé par les maladies de foie – ironie du sort, il devait mourir d’un cancer du foie, diagnostiqué il a un ans -, “De l’eau tiède sur un pont rouge” (2001), histoire érotique fantastique, et l’un des sketches les plus aboutis de “11 minutes 9 secondes 1 image” (2002), produit par Jacques Perrin.

Profitons de l’occasion pour déplorer également le grand silence autour de la mort du réalisateur Val Guest le 10 mai dernier, auteur de la série culte des “Quatermass” : “Le monstre” (1955) et “La marque” (1958). Il était l’un des nombreux réalisateurs du culte “Casino Royale” (1967), il avait terminé le film, mais avait refusé de figurer comme “Co-ordinating Director” au générique.

MORT DE DANIEL RIALET

   Annonce du décès du comédien Daniel Rialet, à l’âge de 46 ans, d’une crise cardiaque. Il était très populaire et très sympathique, avec son partenaire et ami Christian Rauth. à la télévision pour avoir été l’un des “mulets” de “Navarro”, depuis sa première diffusion en 1989, l’un des moniteurs des “Monos” sur France 2 en 1998, et le curé de “Père et maire” sur TF1 depuis 2002, dont un épisode sera diffusé sur la semaine prochaine le 19 avril intitulé “Une seconde chance”. Il avait eu une attaque en avril dernier. Il était l’époux de la comédienne Carole Richert et père de deux enfants. Après avoir fait le conservatoire national supérieurs des arts dramatiques, de 1984 à 1987, il n’avait fait que très peu de cinéma : “Zone rouge” (Robert Enrico, 1985), “Le grand chemin” (Jean-Louis Hubert, 1986), “Fréquence meurtre” (Élisabeth Rappeneau, 1987), “Baxter” (Jérôme Boivin, 1988), “Cherokee” (Pascal Ortéga, 1990) et “Bonimenteurs” (Emmanuel Descombes, CM, 1995). On se souvient de son rôle dans l’astucieux court-métrage oscarisé de Sam Karmann “Omnibus” en 1993, Palme d’or à Cannes, où il était très drôle en passager de train, inquiet de perdre son travail suite à un changement d’horaires, ne pouvant que lui provoquer le retard de trop. On le retrouve aussi dans un autre court-métrage de qualité, “Requiems” (Stéphan Tillé-Guérin, 2001), prémisse du film “Edy” – où la situation était reprise sur mode plus comique avec Laurent Bateau -. Face à François Berléand, il jouait un quidam aux prises avec un tueur.  A la télévision on l’avait vu dans plusieurs téléfilms, tels “Pépita” (Dominique Baron, 1993), “Les allumettes suédoises” (Jacques Ertaud, 1995), “Une femme en blanc” (Aline Issermann, 1996), aux côtés de Sandrine Bonnaire, et dans sa suite “La maison des enfants” (Issermann, 2002), “La tribu” (Gérard Marx, 1996), “L’aubaine” (Aline Issermann, 2000) et dans le pilote de “Mademoiselle Joubert” (Vincenzo Marano, 2005). Il avait joué également au théâtre à ses débuts  – “Tête d’or” de Claudel, “La traversée de l’empire” d’Arrabal, etc…  -. Nos pensées vont à sa famille.

Parmi les autres décès récents, Christophe Bier me signale la mort du cinéphile et critique Michel Azzopardi, des suites d’un cancer. Déplorons le silence – à part l’hommage d’Albert Dupontel -, du cascadeur Jean-Louis Airola, l’un des meilleurs de sa profession, et celle, à 81 ans, du cinéaste suédois du culte “Je suis curieuse” (1967), Vigot Sjöman, des suites d’une hémorragie cérébrale

MORT DE RICHARD FLEISCHER

Mort d’un des cinéastes les plus originaux du cinéma américain. A son sujet, Stéphane Bourgoin lui avait consacré un très bon livre, hélas épuisé (Éditions Edilig, 1986). Du merveilleux, avec une des meilleures adaptation de l’œuvre de Jules Verne (“20.000 lieux sous les mers”, “l’heroic fantasy” “Conan le barbare” (1984), les films fantastiques le plaisant “Voyage fantastique” (1966) et surtout “Soleil vert” (1973), l’un des meilleurs films d’anticipation, à l’âpre “Étrangleur de Boston” (1968) sombre étude de mœurs autour d’une traque d’un tueur en série – l’un des meilleurs rôles de Tony Curtis, “L’étrangleur de Rillington Place” (1971) redécouvert il y a peu au cinéma de minuit sur France 3, était une autre réussite sur ce même modèle –, il avait une palette suffisamment large pour laisser sa marque même dans des commandes improbables. On lui doit des petits bijoux du film noir “Bodyguard” (1948), “L’assassin sans visage” (1949) etc… et de bons films d’aventures ou de genres “Les vikings” (1957), “Barabbas” (1962), on aimerait d’ailleurs voir “Che” (1969) ne serait-ce que pour découvrir Omar Sharif en “Che Guevara” et Jack Palance en “Fidel Castro” ! Il valait beaucoup mieux que sa réputation d’habile faiseur.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Walerian Borowicz

 Annonce de la mort du cinéaste polonais Walerian Borowczyk, décédé vendredi de suites de complications cardiaques. Relégué assez longtemps dans la catégorie érotisme chic à l’instar d’un Just Jaeckin – voir article joint – . Mais on a réévalué son talent ces dernières années de cet ancien dessinateur d’affiches, qui étudia aux beaux-arts, et dont la découverte de plusieurs de ses courts-métrages d’animation très inventifs  dans deux DVD édités sur ARTE et réunissant 4 de ses longs-métrages “Goto, l’île d’amour” (1969), un petit chef d’œuvre qui fera objet d’une prochaine note ici même, “Contes immoraux”, avec un Fabrice Luchini débutant et déluré, film à sketches dont l’épisode sur “Lucrèce Borgia” fut censuré à la télévision lors de sa diffusion, et “La bête” curieux film zoophile avec la belle Silke Hummel. On retiendra également “La marge” (1975), curieux film amalgamant l’atmosphère des années 70, avec celle des années 30, avec deux icônes Sylvia Kristel et Joe Dallesandro.  Rendons justice à ce metteur en scène qui a donné ses lettres de noblesse à l’érotisme à l’écran, même quand il répondait à la commande de Pierre Grimblat, pour la série TV “Série rose”. Voir le dossier élaboré sur le site ARTE.

Les contes immoraux

ARTICLES CINÉMA 80 – Cinéaste d’animation volontiers agressif et recherchant une réjouissante épure de la laideur (M. et Mme Kabal), Borowczyk réalise en 68 un chef d’œuvre d’acidité où sexe et politique dotaient la fable d’un poids inattendu de réalisme (Goto). Blanche était déjà plus facile et Histoire d’un péché, quoique réalisé en Pologne, assez accrocher ; mais c’est avec Contes immoraux que Borowczyk devint le chantre du porno de luxe. Soignant ses scénarios et entrelardant subtilement une mise en scène extrêmement raffinée de quelques irruptions bien dosées d’un mauvais goût outrancier, Borowczyk séduit aujourd’hui au lieu d’irriter, flatte au lieu de prendre à rebrousse poil et récupère par l’athéisme, des situations sado-masochistes qui constituent le menu quotidien des salles classées X. Désormais complaisant et fourgueur d’alibis culturels à un public honteux incapable d’assumer la réalité de ses fantasmes sexuels, Boorowczyk se permet même de bâcler parfois la réalisation (Intérieur d’un couvent) et d’assassiner par incompétence les mythes les plus solides du panthéon érotique (Lulu, la même année où ressortait le « Loulou » de Pabst). René Prédal Cinéma 80 (Octobre 1980).

LE MONDE – Walerian Borowczyk, cinéaste par Jean-Luc Douin – Article paru dans l’édition du 09.02.06 

Le cinéaste Walerian Borowczyk est mort vendredi 3 février, à l’âge de 82 ans, de complications cardiaques, dans un hôpital de la région parisienne proche du Vésinet (Yvelines) où il résidait. Né le 2 septembre 1923 à Kwilicz, en Pologne, Walerian Borowczyk avait été d’abord un artiste polyvalent, graphiste, peintre, écrivain, avant de devenir le cinéaste de l’érotisme. André Breton le disait doué d’une “imagination fulgurante”.

Grand Prix national du graphisme en 1953 pour ses affiches de cinéma, Borowczyk se lance dans le court-métrage en 1946 et est très vite bouleversé le cinéma d’animation en y introduisant un humour noir, des gags surréalistes et une technique nouvelle fondée sur les découpages. Il a une vision de démiurge et impose un univers aussi tapageur (tant du point de vue pictural que de celui de l’absurde) que celui de Ionesco ou de Beckett.

Il travaille un temps avec Chris Marker (Les Astronautes) et Jan Lenica, autre grand graphiste et affichiste polonais, mais ce qui distingue Borowczyk est une hantise des objets et des formes, comme ces convulsions d’une chevelure-pieuvre surgie de chez Lautréamont dans Dom. C’est un sabbat d’objets de grenier dans Renaissance, un terrifiant camp de démontage d’automates par des séraphins invisibles dans Les Jeux des anges.

Le premier long-métrage de Walerian Borowczyk, Le Théâtre de M. et Mme Kabal (1963), impose un couple (un homme rêveur amoureux des papillons, flanqué d’une matrone au profil de vautour) et un monde kafkaïen. En 1968, Borowczyk quitte le cinéma d’animation et obtient le prix Georges-Sadoul pour Goto, l’île d’amour, qu’il définit comme “un film d’amour sur l’amour du pouvoir”. Il s’agit de l’histoire d’un despote où le goût des objets fétiches, du masochisme, et la figure du père rappellent l’oeuvre de Bruno Schulz.

Blanche (1972) renoue avec le même thème que Goto : une jeune femme captive d’un vieux seigneur (Michel Simon). Nous sommes dans un Moyen Age courtois, aux décors inspirés de Giotto et Jérôme Bosch, à l’atmosphère tiraillée entre dictature et désir physique.

Les Contes immoraux (1974) font de Borowczyk un cinéaste érotique. Il est foudroyé par la censure, puis partiellement libéré (interdiction aux moins de 16 ans). Il s’agit d’un film composé de quatre sketches, le premier adapté d’André Pieyre de Mandiargues, le deuxième évoquant le plaisir solitaire d’une jeune fille vouée à la prière, le troisième retraçant les perversions saphiques et sanguinaires de la comtesse hongroise Erzebet Bathory, et le dernier contant les amours incestueux du pape et de son fils César Borgia avec leur fille et soeur Lucrèce.

Après être retourné en Pologne tourner Histoire d’un péché, qui confirme son goût des atmosphères suffocantes et ses indéniables dons plasticiens, Walerian Borowczyk revient en France signer La Bête (1975), puis La Marge (1976), Intérieur d’un couvent (1978), Les Héroïnes du mal (1979), Lulu (1980) d’après Wedekind, L’Art d’aimer (1983) d’après Ovide, et Emmanuelle 5 (1987) : variations plus ou moins audacieuses, plus ou moins raffinées, et inégalement réussies, sur les tourments de la chair, en référence à Sade, Baudelaire, Bataille, Mandiargues.

MORT D’ANTHONY FRANCIOSA

 

Anthony Franciosa dans “Ténèbres”

Annonce de la mort du comédien Anthony “Tony” Franciosa, mort jeudi 19 dernier à Los Angeles, d’une attaque, moins d’une semaine après la mort de son ancienne femme Shelley Winters (le second d’une série de 4 de 1957 à 1960). Il avait débuté à Broadway en 1953 et avait travaillé plusieurs années dans le théâtre “off”, avant d’être engagé par Elia Kazan dans “A face in the crowd – Un homme dans la foule” (1957). Il obtient la célébrité chez nous dans la série “Matt Helm” (1975-1976). Il avait participé à plusieurs films italiens dont “Sénilità – Quand la chair succombe” (1961), mélo de Mauro Bolognini, face à Claudia Cardinale et “Tenebrae – Ténèbres” (1982) de Dario Argento, une grande réussite du genre, où il campait un écrivain à la “Stephen King” dont l’oeuvre inspirait un mystérieux tueur. On l’avait revu après plusieurs années d’absence au cinéma dans “City Hall” (1996), aux côtés d’Al Pacino, dans un rôle mineur, hélas. On garde le souvenir d’un comédien sympathique, toujours souriant.

ARTICLE  par Bob Thomas LOS ANGELES (AP)

L’acteur américain Anthony Franciosa, que le public avait notamment pu voir dans des films d’Elia Kazan et George Cukor dans les années 1950, est décédé à Los Angeles des suites d’une attaque, a annoncé vendredi son agent. Il avait 77 ans. Né Anthony Papaleo en octobre 1928 à New York, Anthony Franciosa est mort jeudi au centre médical de UCLA, entouré de sa femme Rita et d’autres proches, a précisé Dick Guttman. L’acteur, dont l’interprétation puissante de personnages compliqués et agités fit de lui une star de Hollywood dans les années 1950 et 60 mais dont le comportement sur les plateaux de tournage gêna sa carrière, appartenait à une nouvelle vague de comédiens qui révolutionna le métier au milieu du XXe siècle, avec une approche introspective et intensément réaliste des rôles. La plupart de ces acteurs passèrent par le prestigieux Actors Studio de New York. Parmi eux, on comptait Marlon Brando, James Dean, Rod Steiger, Shelley Winters et Paul Newman. Franciosa fut marié à Shelley Winters, décédée le week-end dernier. A partir de son premier rôle important dans «Une poignée de neige» de Fred Zinnemann en 1957 -film dans lequel il jouait le frère d’un drogué-, Franciosa fut connu pour son interprétation de jeunes gens compliqués. Cette année-là, il apparut dans trois autres films, «Un homme dans la foule» d’Elia Kazan, «Cette nuit ou jamais» de Robert Wise et «Car sauvage est le vent» de George Cukor. La carrière de Franciosa se poursuivit avec des films tels que »Les feux de l’été», «La Maja nue», «Du sang en première page», »L’école des jeunes mariés», «Rio Conchos» et «The Pleasure Seekers» avec Gene Tierney. Mais le comportement de l’acteur sur les tournages devint un sujet de commérages à Hollywood. Circulèrent des histoires de conflits avec des réalisateurs, d’explosions avec d’autres acteurs. »Je suis parti à Hollywood au milieu des années 1950. Et je dirais que j’y suis allé un peu trop tôt», confiait Anthony Franciosa dans un entretien en 1996, ajoutant qu’il n’était pas assez mûr sur le plan psychologique et émotionnel pour faire face à toute cette attention. L’attitude quelque peu orageuse de l’acteur se manifesta aussi en dehors des plateaux de cinéma. En 1957, il fut incarcéré pendant dix jours dans la prison du comté de Los Angeles pour avoir frappé un photographe de presse. Du fait de sa réputation, les propositions à Hollywood se firent moins nombreuses et il se tourna vers des films européens et la télévision. Parmi ses derniers films, on peut citer «Ténèbres» de Dario Argento et «Un justicier dans la ville 2» de Michael Winner en 1982. Outre Shelley Winters, Anthony Franciosa fut marié à Beatrice Bakalyar et Judy Kanter, avec qui il a eu une fille, Nina. Il convola en dernières noces avec Rita Thiel, un mannequin allemand. Le couple a eu deux fils, Christopher et Marco. AP cr/v

MORT D’HENRI COLPI ET DE LITA RECIO

Série noire pour le monde du doublage avec la mort de Lita Recio, voir le journal de Les gens du cinéma et le forum de la Gazette du doublage. Elle était la voix d’Endora – inoubliable Agnes Moorehead – dans “Ma sorcière bien aimée” notamment. On l’avait vu il y a peu au cinéma dans son propre rôle dans “Une pure coïncidence” faux documentaire de son petit fils Romain Goupil.

Annonce également de la mort du réalisateur Henri Colpi. Il débute comme l’un des plus célèbres monteurs du cinéma français – “Le mystère Picasso”, “Hiroshima mon amour, etc…”. On lui devait “Une aussi longue absence” (1960), qui est le plus beau rôle de Georges Wilson, en clochard amnésique qui ne reconnaît pas son ancienne femme, une patronne de bistrot – admirable Alida Valli -, et “Heureux qui comme Ulysse”, dernier rôle de Fernandel traversant la Provence avec son cheval. On lui doit une adaptation plaisante de “L’île mystérieuse” pour la TV, dont une version courte a été diffusé en salles, avec Jess Hahn, Gérard Tichy et Omar Sharif en capitaine Némo, et quelques feuilletons dans les années 60-70. A noter qu’il avait monté dans les années 80, le film de 1922 d’André Antoine : “L’hirondelle et la mésange” resté inédit. Un artisan trop discret comme le disait René Prédal sur l’article qui suit.

ARTICLE – CINÉMA 80 N°262 [Octobre 80] Par René Prédal Monteur d’Alain Resnais et metteur en scène d’un scénario de Marguerite Duras “Un aussi longue abscence”, Henri Colpi fut rangé d’emblée dans le courant contesté d’un certain cinéma littéraire français. Ses qualités personnelles sont pourtant originales mais hélas peu commerciables : attention, chaleur, pudeur, c’est-à dire le refus du brio, des thèmes à la mode et du style dans le vent. Dès lors, ses films ont un air désuet avant même d’être sortis mais touchent toujours par la justesse de leur regard et par les qualités humaines des personnages mis en scène. Tourné en Roumanie, “Codine”, est sans doute son chef d’oeuvre, mais on retrouve dans “Mona”, une poésie aussi prenante et dans “Heureux qui comme Ulysse la même adéquation du personnage au milieu naturel. Il est proprement révoltant de voir Colpi réduit depuis plus de 10 ans à jouer les conseillers techniques “Bilitis, de David Hamilton, 1976” ou à devoir se contenter d’une participation à une coproduction cinéma-télévison “L’île mystérieuse co-réalisé avec Juan Antonio Bardem en 1973”, malgré la grande estime dont il jouit au sein de toute la profession. En fait, c’est sa modestie sincère qui constitue aujourd’hui son plus sérieux handicap.

Filmographie : 1960 Une aussi longue absence; 1962  Codine; 1965  Mona, l’étoile sans nom; 1969 Heureux qui comme Ulysse; 1972  L’île mystérieuse [co-réalisation avec Juan Antonio Bardem + version TV]. Télévision : 1969  Fortune; Thibaud ou les croisades [saison 2]; 1970-1971  Noëlle aux quatre vents; 1975  Le pèlerinage; 1977  Bergeval père et fils; 1982  Le château de l’Amaryllis.

MORT DE JACQUES CHARBY

Annonce de la mort du comédien discret Jacques Charby, mais à la vie particulièrement romanesque.

ARTICLES – LE MONDE

Jacques Charby, comédien, par Mohammed Harbi

LE MONDE | 06.01.06 | 14h06  •  Mis à jour le 06.01.06 | 14h06

Le comédien Jacques Charby, qui fut un des principaux acteurs du “Réseau Jeanson” d’aide au FLN, est mort dimanche 1er janvier. Il était âgé de 76 ans.

En 1942, “le petit juif de 13 ans”, selon l’expression affectueuse de son ami André Thorent, échappe à la déportation vers les camps de la mort après avoir vécu le suicide de sa mère, une résistante qui ne voulait pas se laisser arrêter. Avec son frère et son père, typographe anarcho-syndicaliste, compagnon d’Alfred Rosmer et Pierre Monatte, fondateur de la “Révolution prolétarienne”, il passe clandestinement la ligne de démarcation pour se rendre à Toulouse. Il fait connaissance avec les métiers de la survie : éclusier, vendeur de lacets à la sauvette, etc.

La fréquentation irrégulière de l’école ne l’empêche pas d’être reçu au Conservatoire à 16 ans. Il entre dans la troupe du Grenier de Toulouse où il reste dix ans avec Daniel Sorano, Jacques Duby, Jean-Marie Rivière et André Thorent, interprétant tour à tour Shakespeare, Molière, Plaute, Giraudoux, Cocteau et Marivaux.

En 1954, Jacques Charby regagne Paris et crée le rôle principal de J’ai 17 ans et aussi Les Oiseaux de Lune de Marcel Aymé, au Théâtre de l’Atelier. Homme de droite, l’homme de lettres lui en saura gré en lui écrivant plus tard Algériennement Vôtre. Figure appréciée du cabaret parisien dans les années fastes, il est partout, au College Inn, aux Trois Baudets, Chez Gilles, à la Tête de l’Art, à la Galerie 55. Il écrit et joue avec succès une longue revue chez Agnès Capri et entame un brillant parcours à la télévision.

La guerre d’Algérie interrompt une carrière prometteuse. Jacques Charby estime qu’il revient aux citoyens de défendre les valeurs de liberté et d’égalité dont l’Etat se réclame tout en les déniant aux Algériens. Il s’engage dans le réseau Jeanson et y entraîne dans son sillage comédiens et artistes. Arrêté en 1960 et incarcéré à Fresnes, il simule la folie. Transféré dans un asile psychiatrique, il s’en évade.

Commence alors son exil, en Tunisie d’abord, en Algérie ensuite, d’où son père est originaire. Il s’investit dans la mise sur pied de Maisons d’enfants pour orphelins de guerre et en adopte deux. Il n’abandonne pas pour autant son métier, écrit et réalise un beau film, Une si jeune paix, primé au Festival de Moscou. Amnistié en 1966, il revient à Paris, interprète des rôles dans des pièces de Boris Vian comme Le Goûter des généraux ou d’Alain Decaux comme Les Rosenberg.

Trop tard pour une carrière dans le théâtre, “l’autodidacte forcené (qui) a tout lu et rattrapé le temps perdu de la Culture”, selon André Thorent, s’est ouvert à d’autres horizons. Lauréat du prix Italia pour son adaptation télévisée, avec André Thorent, de Josse, de Marcel Aymé, Jacques Charby écrit pour la radio, pour France-Culture. Il est également l’auteur de plusieurs livres sur l’Algérie : L’Algérie en prison (1961), Les Enfants d’Algérie (1962), puis Les Porteurs d’espoir en 2004. Dernier acte dans la vie publique : une polémique l’opposa à Henri Alleg sur le rôle du PCF dans la guerre d’Algérie.

L’HUMANITÉ – Décès. Le comédien Jacques Charby est mort

Jacques Charby, le réalisateur du film Une si jeune paix (1964), membre du réseau Jeanson, est mort dimanche dernier à Paris. Comédien, auteur et militant anticolonialiste, il fut un membre actif dans le réseau Jeanson puis Curiel. Il est aussi l’auteur de l’Algérie en prison (Éditions Maspero), les Enfants d’Algérie (Éditions de Minuit), deux livres interdits dès leur parution. En 2003, il signe les Porteurs d’espoir (Éditions La Découverte) un recueil de témoignages autour des porteurs de valises des réseaux Jeanson et Curiel. Né le 13 juin 1929 à Paris, il a suivi sa formation de comédien au conservatoire de Toulouse. Cofondateur du Grenier de Toulouse, il a notamment joué dans Electre, Polyeucte, Malatesta et Caligula où il a tenu le rôle-titre.

EL WATAN

Jacques Charby, généreux et drôle par Nadijia Bouzeghrane

Dans l’appartement de la rue du Faubourg Saint-Antoine, les cartons s’amoncellent. Marie, la fille de Jacques Charby, et Katia, sa marraine, s’affairent à ranger documents, courrier et livres du militant

Selon les deux femmes, Jacques Charby avait la bibliothèque privée la plus étoffée sur l’Algérie. Il possédait également des documents inédits. Tout cela sera remis à une bibliothèque publique. Marie, 26 ans, comédienne comme son père, nous affirme qu’elle attendait notre rendez-vous avec beaucoup d’appréhension, craignant de ne pas pouvoir dire toute la richesse « des vies » de son père. « Je suis fière de papa, et de ce qu’il a fait, de toutes ses vies différentes, du militant, du comédien. C’est un papa clown, il a monté et joué un spectacle dans mon école primaire. Il aimait bien le débat, l’échange d’idées, cela pouvait durer des heures, voire des jours », nous dit Marie, d’une voix douce. Katia appuie le propos de sa filleule : « Il était connu pour ses coups de gueule, mais était admiré. Jacques était quelqu’un qui ne pouvait pas laisser indifférent. C’était un homme indigné, mais de très grande ouverture d’esprit. Ce n’était pas un homme de slogans. » « Jacques avait un tempérament de trotskiste, c’était un emmerdeur, il était toujours à la recherche de la vérité, il ne supportait pas ce qu’il considérait comme un arrangement de l’histoire. Il avait un grand respect pour Henri Alleg, mais il trouvait qu’il s’était fourvoyé en faisant profiter le Parti communiste plus qu’il n’en méritait peut-être ; Jacques était intransigeant et inflexible. » L’amie intime fait allusion au débat polémique que Jacques Charby a suscité ces tout derniers jours par presse interposée sur le rôle du Parti communiste pendant la guerre d’Algérie. Cela a commencé par une tribune de Jacques Charby dans Le Monde, le 5 novembre, à la faveur du livre d’Henri Alleg, puis il y a eu une réponse de Saddek Hadjérès dans Le Quotidien d’Oran et El Watan, à laquelle Jacques Charby a répondu dans El Watan, le 13 décembre dernier, réponse publiée par Le Quotidien d’Oran, jeudi dernier. Il y a eu aussi la réaction de Jacques Fat, secrétaire de la commission des relations internationales du Pcf, et Hélène Cuénat, ex-membre du Réseau Jeanson, membre du Pcf. Hélène Cuénat, qui avait connu Jacques Charby dans le réseau Jeanson, dont ils étaient membres l’un et l’autre, nous dit que « ce n’est pas un livre que Charby aurait dû écrire (Les porteurs d’espoir. Les réseaux de soutien au FLN pendant la guerre d’Algérie : les acteurs parlent. Editions La Découverte, 2004), mais une pièce de théâtre avec tous les acteurs qu’il avait recrutés. C’était une force de conviction, un homme généreux, chaleureux et drôle. Sa mort me fait comme un ouragan alors que nous n’étions pas d’accord sur le plan politique ». Jacques Charby était un homme de combats, d’engagements pour des causes justes : l’indépendance de l’Algérie, la défense des comédiens, des sans-papiers… « L’expérience du syndicalisme de son père, du nazisme ont fait de Jacques Charby un homme à fleur de peau sur le plan politique. L’Algérie en est la suite. Cela a représenté un retour au pays, l’Algérie, lui dont les parents étaient des Arabes judaïsés, exilés en France pour des raisons économiques », souligne Katia. Le père de Jacques Charby était un ouvrier du livre, un juif de Tlemcen chassé de sa ville natale en 1920 par la misère. « Il avait ce qu’on a appelé le refus de parvenir. Jacques avait la même position. » Jacques Charby a exercé 17 métiers différents. Il a commencé sa carrière de comédien – qu’il a interrompue en 1958 pour rejoindre le réseau Jeanson en 1958 – au Grenier de Toulouse avec Daniel Sorano. Le théâtre a occupé une place importante dans sa vie. Le rôle dont il était le plus fier, c’est celui d’Arnolphe dans L’Ecole des femmes. Il a joué plus récemment Electre. Il était au sein de la CGT, pendant 30 ans, un représentant apprécié du SFA pour sa capacité de trouver des solutions. « C’était un homme généreux, il avait reçu, accueilli, hébergé un nombre incroyable de gens », dit Marie. Il était drôle. « Ah le beau garçon que voilà, Jacques Charby est passé par là », disait-il en passant devant un miroir, ce qui a toujours fait rire sa fille. Quelques jours avant sa mort, il écrivait une chanson : Quand j’étais vieux. Il a animé des émissions à France Culture. Il avait eu l’idée de faire une émission sur la Libération de Paris à partir des plaques commémoratives en hommage aux gens morts pendant la guerre. « Jacques était un intellectuel à la fois affirmé et timide, car il était autodidacte. Il avait une révérence pour le savoir universitaire. » En 1962 il écrit Les enfants d’Algérie aux éditions Maspero. Des récits et dessins d’enfants de l’orphelinat Yasmina. Un livre traduit en plusieurs langues dont il ne reste qu’un exemplaire, celui que tient précieusement en mains Marie. Jacques Charby revient en France avec Mustapha Belaïd, un enfant de dix ans qu’il adopte. Le récit de Mustapha, mort il y a deux ans – un grand déchirement pour le père adoptif – figure dans le livre. Mustapha joue son propre rôle dans Une si jeune paix dont le scénario a été écrit par Jacques Charby. Jacques Charby disait que Mustapha, qui ne s’était jamais remis de ses douloureux souvenirs (la mort de ses parents sous ses yeux, son bras brûlé par des soldats, son errance…), était « une victime tardive de la guerre ». Pour ses obsèques, Jacques Charby a interdit le moindre signe religieux. Il sera inhumé cet après-midi auprès de sa mère, morte victime du racisme. Elle s’était suicidée en 1941 pour échapper à la police française alors que son mari était en prison. Jacques (12 ans) et son frère Pierrot (10 ans) avaient alors traversé tout seuls la France pour rejoindre un ami de leur père en zone libre. Arrivés à destination, celui-ci venait d’être arrêté. L’errance des deux enfants a duré longtemps. Ils finissent par retrouver leur père libéré et s’installent tous les trois à Toulouse.