Agnès Laurent dans « Mademoiselle Strip-tease »
Triste destin que celui de cette jolie Lyonnaise que fut Agnès Laurent récemment décédée, à Grenoble ce 16 février 2010.
Ses études secondaires terminées, elle débute comme sténo-dactylo chez Pigier, puis travaille deux mois au Ministère de la guerre comme secrétaire tout en s’appliquant sur la sculpture et en lorgnant vers les scènes de théâtre.
Nantie d’un mot de recommandation d’un journaliste lyonnais pour le producteur de films René Thévenet, lui aussi originaire de la capitale des Gaules, celui-ci la fait inscrire chez l’agent artistique Jacques Allain. Tous deux l’amènent à fréquenter les cours d’art dramatique d’Eve Francis et de Charles Dullin.
C’est sous le pseudonyme d’Agnès Laurent qu’elle débute par la petite porte en acceptant un rôle mineur dans Axelle et son clochard, un court métrage produit par Thévenet. Il n’empêche, Luis Buñuel qui se prépare à tourner La mort en ce jardin au Mexique avait prévu Michèle Girardon, autre Lyonnaise, pour le rôle de la fille sourde et muette de Charles Vanel avant de reporter son choix sur Agnès. Le père de Michèle ayant refusé que sa fille parte aussi loin, revient très vite sur sa décision et le film se fait finalement sans Agnès.
Certes chagrinée, on ne le serait à moins, elle se contente d’apparaître parmi les Mannequins de Paris qui tourbillonnent avec la grâce souhaitée par André Hunebelle, ainsi que dans Les collégiennes du même réalisateur.
Tout évolue dès l’année suivante. Maurice Cloche lui accorde sa confiance ainsi que le premier rôle féminin auprès de Georges Marchal, sémillant agent d’Interpol au sein de son Marchands de filles. En demoiselle bien sage, la voilà amenée à se dévêtir pour les besoins de Mademoiselle Strip-tease que produit René Thévenet. Elle enchaîne ensuite avec Un amour de poche, la première réalisation de Pierre Kast, où rivale de Geneviève Page, elle interprète l’élève virginale et follement éprise de son beau professeur qu’incarne Jean Marais.
Le 21 décembre de cette même année, elle noue avec le théâtre, celui des « Nouveautés » à Paris pour Auguste une comédie de Raymond Castans dont Jean Wall assume la mise en scène. Fernand Raynaud, Guy Tréjan, Paul Préboist et Pierre Mirat l’entourent pour son rôle de jeune starlette à la recherche de notoriété en simulant un suicide… ce qui nous fait immanquablement penser à une certaine Martine Carol.
Simultanément, René Thévenet, en parrain décidemment fidèle, l’engage pour Péché de jeunesse, où nous la retrouvons en orpheline de l’Assistance travaillant comme vendeuse dans une pâtisserie. Une peinture dénonçant les mesquineries d’une petite ville de province avec une mère castratrice (Madeleine Robinson) paralysant un fils pusillanime (Gil Vidal) mais soupirant éperdu et tenace de la petite vendeuse… enceinte. Un film aujourd’hui bien oublié qui fut cependant agréablement accueilli et qui par ailleurs obtint un prix au référendum de Vichy.
Fin des années cinquante, une déferlante s’abat sur le cinéma français. C’est ce que Françoise Giroud appellera la « Nouvelle Vague ». Elle se veut être le renouveau du cinéma hexagonal, des réalisateurs et des comédiens. Et Agnès en sera, comme tant d’autres, une injuste victime.
Elle se tourne vers d’autres cieux et s’engouffre dans des productions espagnoles, anglaises et italiennes dont les titres n’évoquent plus rien.
Fin octobre 1958, les faits divers de quelques journaux nous apprennent, au retour d’une tournée, l’accident dont elle est victime avec le conducteur du véhicule, un chanteur-compositeur très connu. Souffrant de plusieurs blessures, elle est transportée à l’Hôtel-Dieu de Paris. L’un et l’autre en garderont des séquelles. Après un an d’hospitalisation, le chanteur poursuivra sa carrière tant bien que mal malgré des problèmes physiques toujours présents. Quant à Agnès, elle doit son dernier sursaut à Michel Boisrond qui l’appelle pour son sketch des Amours célèbres, où elle assiste spectatrice aux dévolus concupiscents du roi Louis XIV / Philippe Noiret et du duc de Lauzun / Jean-Paul Belmondo pour la belle Madame de Monaco / Dany Robin.
Encore deux ou trois films peu glorieux, et puis plus rien.
La « Nouvelle Vague » a fait son œuvre, on entendra plus parler de la ravissante et prometteuse Agnès Laurent qui, après d’autres déboires davantage douloureux, s’exilera définitivement de Paris.
C’est d’ailleurs sous son vrai patronyme que l’on apprendra son décès.
@ Yvan Foucart (Dictionnaire des comédiens français disparus)
Filmographie : 1956 Axelle et son clochard (court métrage, Pierre Foucaud) – Bonjour Monsieur La Bruyère (court métrage, Jacques Doniol-Valcroze) – Mannequins de Paris (André Hunebelle) – Les collégiennes (André Hunebelle) – 1957 Marchands de filles (Maurice Cloche) – Mademoiselle Strip-tease (Pierre Foucaud) – Un amour de poche (Pierre Kast) – 1958 Péché de jeunesse (Louis Duchesne) – Die grünen teufel von Monte Cassino / Les diables verts de Monte Cassino (Harald Reinl) – 1959 Un mundo para mi / Tentations (José Antonio De La Loma) – 1960 A french Mistress (Roy Boulting) – Altas variedades / Cibles vivantes (Francisco Rovira Beleta) – La notte del grande assalto / Dans les griffes des Borgia (Giuseppe Maria Scotese) – 1961 Les amours célèbres, sketch « Lauzun » (Michel Boisrond) – Mary had a little… / Marie avait un petit agneau (Edward Buzzell). Divers : 1964 Dictionary of sex (Radley Metzger, anthologie, utilisation d’images d’archives). Nota : Elle n’apparaît pas dans « Nina » (Jean Boyer, 1958), c’est une confusion avec Agnès Laury et ni dans « A. Constant » (Christine Laurent, 1976), est une comédienne homonyme, merci à Armel de Lorme pour ces précisions.
En aparté : À lire également l’hommage qu’a consacré Yvan à Marie-Christine Barrault, sur l’excellent site « L’encinémathèque ».
Encore et toujours la NV
Beaucoup d’acteurs ont fait carrière en dehors de la Nouvelle Vague. Cette dernière n’est pas responsable de tous les maux de son époque ni de ceux d’aujourd’hui, comme vous semblez le sous-entendre. En quoi les Verneuil, La Patellière,Autant-Lara et consorts seraient-ils moins responsables de la courte carrière médiocre de cette comédienne? Qui vous dit d’ailleurs que sa vie n’a pas été plus heureuse sans le cinéma qu’avec, qu’en savez-vous ?
Par ailleurs, j’apprécie votre site, la richesse de vos articles et je vous en remercie car j’y apprends plein de choses.
Encore et toujours la NV
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Encore et toujours la NV
Beaucoup d’acteurs ont fait carrière en dehors de la Nouvelle Vague. Cette dernière n’est pas responsable de tous les maux de son époque ni de ceux d’aujourd’hui, comme vous semblez le sous-entendre. En quoi les Verneuil, La Patellière,Autant-Lara et consorts seraient-ils moins responsables de la courte carrière médiocre de cette comédienne? Qui vous dit d’ailleurs que sa vie n’a pas été plus heureuse sans le cinéma qu’avec, qu’en savez-vous ?
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Elle a bon dos, la Nouvelle Vague…
Entièrement d’accord avec le commentaire signé Bronez qui a précédé.
En ce qui concerne Agnès Laurent, il me paraît nécessaire de rappeler en premier lieu que la Nouvelle Vague et sa « périphérie », si elles ont effectivement inventé à l’écran Anna Karina, Bernadette Lafont, Marie Dubois, Alexandra Stewart et quelques autres, ont énormément puisé dans le cinéma dit « de Papa » lorsqu’il s’est agi d’imposer de nouveaux visages pas si nouveaux que cela (en fait). Pour mémoire, Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, Claire Maurier, Albert Rémy, Jean-Pierre Léaud, Gérard Blain, Michèle Girardon, Françoise Brion, Françoise Prévost, Françoise Vatel, Betty Schneider, Stéphane Audran, Dorothée Blanck, Jean-Claude Brialy, Eddie Constantine, Giani Esposito, Sami Frey, Elina Labourdette, Anne Vernon, Corinne Marchand, Jeanne Moreau (ouf…) et des dizaines d’autres vus dans les premiers films des Nouveaux-Vagues, venaient tous et toutes du cinéma dit « commercial ». Agnès Laurent elle-même a flirté à l’écran, sinon avec les vrais Nouveaux-Vagues stricto senso, du moins avec deux des réalisateurs les plus proches, Doniol et Kast, ce qui confirme encore que la Nouvelle Vague n’était pas là seulement pour faire table rase des acteurs l’ayant précédée. Le problème d’Agnès Laurent, comme avant elle Marie-Hélène Arnaud, Annie Andersson et autres découvertes-maison de la bande « Duchesne-Thévenet-Hunebelle », réside peut-être à la fois dans leur incapacité à s’affirmer en dehors de la maison-mère, et dans une personnalité artistique en demi-teinte (c’est vrai aussi d’Etchika Choureau et de quelques autres), ce qui constitue a priori un handicap pour faire une carrière dans la durée. Enfin, le cinéma français (mais pas seulement) n’a jamais eu besoin de la Nouvelle Vague pour débarquer prématurément ses comédiennes, talentueuses ou pas : le milieu des années 30 a expédié Gina Manès et Jeanne Helbing dans les seconds rôles, les années 40 ont eu « la peau » de Betty Stockfeld, Lisette Lanvin, Madeleine Ozeray, Josseline Gaël, Annabella et Rosine Deréan, le milieu des années 50 a cantonné Arletty, Renée Saint-Cyr, Ginette Leclerc et Viviane Romance, jugées désormais trop âgées, dans la série B, et ainsi de suite… En ces conditions, effectivement, elle a bon dos, la Nouvelle Vague. Ou pas.
Armel.
Elle a bon dos, la Nouvelle Vague…
Entièrement d’accord avec le commentaire signé Bronez qui a précédé.
En ce qui concerne Agnès Laurent, il me paraît nécessaire de rappeler en premier lieu que la Nouvelle Vague et sa « périphérie », si elles ont effectivement inventé à l’écran Anna Karina, Bernadette Lafont, Marie Dubois, Alexandra Stewart et quelques autres, ont énormément puisé dans le cinéma dit « de Papa » lorsqu’il s’est agi d’imposer de nouveaux visages pas si nouveaux que cela (en fait). Pour mémoire, Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, Claire Maurier, Albert Rémy, Jean-Pierre Léaud, Gérard Blain, Michèle Girardon, Françoise Brion, Françoise Prévost, Françoise Vatel, Betty Schneider, Stéphane Audran, Dorothée Blanck, Jean-Claude Brialy, Eddie Constantine, Giani Esposito, Sami Frey, Elina Labourdette, Anne Vernon, Corinne Marchand, Jeanne Moreau (ouf…) et des dizaines d’autres vus dans les premiers films des Nouveaux-Vagues, venaient tous et toutes du cinéma dit « commercial ». Agnès Laurent elle-même a flirté à l’écran, sinon avec les vrais Nouveaux-Vagues stricto senso, du moins avec deux des réalisateurs les plus proches, Doniol et Kast, ce qui confirme encore que la Nouvelle Vague n’était pas là seulement pour faire table rase des acteurs l’ayant précédée. Le problème d’Agnès Laurent, comme avant elle Marie-Hélène Arnaud, Annie Andersson et autres découvertes-maison de la bande « Duchesne-Thévenet-Hunebelle », réside peut-être à la fois dans leur incapacité à s’affirmer en dehors de la maison-mère, et dans une personnalité artistique en demi-teinte (c’est vrai aussi d’Etchika Choureau et de quelques autres), ce qui constitue a priori un handicap pour faire une carrière dans la durée. Enfin, le cinéma français (mais pas seulement) n’a jamais eu besoin de la Nouvelle Vague pour débarquer prématurément ses comédiennes, talentueuses ou pas : le milieu des années 30 a expédié Gina Manès et Jeanne Helbing dans les seconds rôles, les années 40 ont eu « la peau » de Betty Stockfeld, Lisette Lanvin, Madeleine Ozeray, Josseline Gaël, Annabella et Rosine Deréan, le milieu des années 50 a cantonné Arletty, Renée Saint-Cyr, Ginette Leclerc et Viviane Romance, jugées désormais trop âgées, dans la série B, et ainsi de suite… En ces conditions, effectivement, elle a bon dos, la Nouvelle Vague. Ou pas.
Armel.
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En ce qui concerne Agnès Laurent, il me paraît nécessaire de rappeler en premier lieu que la Nouvelle Vague et sa « périphérie », si elles ont effectivement inventé à l’écran Anna Karina, Bernadette Lafont, Marie Dubois, Alexandra Stewart et quelques autres, ont énormément puisé dans le cinéma dit « de Papa » lorsqu’il s’est agi d’imposer de nouveaux visages pas si nouveaux que cela (en fait). Pour mémoire, Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, Claire Maurier, Albert Rémy, Jean-Pierre Léaud, Gérard Blain, Michèle Girardon, Françoise Brion, Françoise Prévost, Françoise Vatel, Betty Schneider, Stéphane Audran, Dorothée Blanck, Jean-Claude Brialy, Eddie Constantine, Giani Esposito, Sami Frey, Elina Labourdette, Anne Vernon, Corinne Marchand, Jeanne Moreau (ouf…) et des dizaines d’autres vus dans les premiers films des Nouveaux-Vagues, venaient tous et toutes du cinéma dit « commercial ». Agnès Laurent elle-même a flirté à l’écran, sinon avec les vrais Nouveaux-Vagues stricto senso, du moins avec deux des réalisateurs les plus proches, Doniol et Kast, ce qui confirme encore que la Nouvelle Vague n’était pas là seulement pour faire table rase des acteurs l’ayant précédée. Le problème d’Agnès Laurent, comme avant elle Marie-Hélène Arnaud, Annie Andersson et autres découvertes-maison de la bande « Duchesne-Thévenet-Hunebelle », réside peut-être à la fois dans leur incapacité à s’affirmer en dehors de la maison-mère, et dans une personnalité artistique en demi-teinte (c’est vrai aussi d’Etchika Choureau et de quelques autres), ce qui constitue a priori un handicap pour faire une carrière dans la durée. Enfin, le cinéma français (mais pas seulement) n’a jamais eu besoin de la Nouvelle Vague pour débarquer prématurément ses comédiennes, talentueuses ou pas : le milieu des années 30 a expédié Gina Manès et Jeanne Helbing dans les seconds rôles, les années 40 ont eu « la peau » de Betty Stockfeld, Lisette Lanvin, Madeleine Ozeray, Josseline Gaël, Annabella et Rosine Deréan, le milieu des années 50 a cantonné Arletty, Renée Saint-Cyr, Ginette Leclerc et Viviane Romance, jugées désormais trop âgées, dans la série B, et ainsi de suite… En ces conditions, effectivement, elle a bon dos, la Nouvelle Vague. Ou pas.
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Armel.