Nouvelle édition du « Festival du film indépendant », à Bordeaux, 7ème édition déjà. L’occasion de retrouver des univers exigeants, et un regard lucide sur notre monde. Commençons par le film russe « L’homme qui a surpris tout le monde », accompagné d’une petite présentation filmée du duo de cinéastes Natasha Merkulova et Aleksey Chupov, qui font même l’effort de parler un peu en français. Un garde forestier vivant en Sibérie, père de famille, a une femme aimante enceinte de son deuxième enfant, et un beau-père bougon. La petite famille vit dans une ferme rustique. Un maire local défend mollement ses administrés, baratinant pour sa réélection, les problèmes de courant sont nombreux et les hivers sont rigoureux. Le héros du film, bien intégré, manque de perdre la vie face à deux braconniers, qu’il tue en légitime défense. Il apprend ensuite qu’il ne lui reste que deux mois à vivre, son cancer étant en stade terminal. Soucieux de régler l’avenir de sa famille après sa mort, il finit par adopter une attitude qui surprendra aussi bien ses proches que les villageois. Comme dit Léo Soesanto, accompagné de l’une des distributrices du film, la difficulté est de ne pas « divulgacher » le film comme disent les québécois. Avec un début naturaliste, et un côté « caméra à l’épaule », le film finit par trouver son rythme quand le personnage principal adopte un comportement totalement inattendu. Son interprète Evgeniy Tsyganov, est marquant dans une interprétation très sobre, en homme mutique, qui répond toujours à ce qu’on attend de lui mais finit par explorer des aspects cachés de sa personnalité, tant il doit faire face à une société patriarcale rude et impitoyable. La critique de la Russie est acerbe, si le système médical semble prendre en charge une « fin de vie » sans frais médicaux à avancer, la société reste violente, impitoyable et intolérante, les villageois après une période de sidération, montrent le vrai visage d’une société résignée et réfugiée dans le repli sur soi, le cocon familial n’étant plus forcément un refuge. Le film montre bien l’isolement et l’opprobre qui peuvent atteindre ceux qui sont réfractaires ou critiques. Dans le rôle de l’épouse, Natalya Kudryashova, prix d’interprétation au festival de Venise, est lumineuse en femme enceinte trop aimante. Le film dérange par son acuité, tout en flirtant avec le fantastique, à l’instar de jars sous la neige ou les incantations d’une rebouteuse folklorique. La lumière soviétique, si caractéristique, donne une étrangeté à ce conte réaliste, et finalement salutaire et critique, sur la difficulté de s’affranchir de carcans et d’œillères imbéciles. Un film qui a bien entendu une résonnance toute particulière en ce moment, et tombe à point nommé.
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