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Il y aurait un domaine intéressant à explorer, ce sont les séries policières. Il y a eu un excellent livre à ce sujet « Meutres en séries, les séries policières de la télévision française » de Jacques Baudou & Jean-Jacques Schleret, il date de 1990. Si 15 ans après il devait y avoir une réédition gageons que ce livre doublerait de volume, on n’arrive même plus à les énumérer.

La télévision française policière est assez aseptisée, voire irréaliste (Roger Hanin, Pierre Mondy, policiers octogénaires, l’uniforme de Corinne Touzet, etc…), et nombreux sont les héros à avoir la peau dure (« Le commissaire Moulin », depuis 1976). Les enquêteurs originaux ne durent pas (Julien Guiomar dans « Commissaire Chabert », Patrick Catalifo dans « Novacek ». Il ne faut pas trop bousculer le public, Télérama précisait sur « Dolmen » – adieu donc les vieilles sagas familiales -, qu’Éric Summer est remplacé par Didier Albert, en raison d’une première version trop noire pour nos dealers de coca cola, le scénario prévu pour 5 épisodes est étiré pour en avoir un de plus, on en profite pour retourner dans les lieux touristiques de la Bretagne – lieu propice à la terreur voire les personnages de l’Ankou et de Patrick Le Lay, Brrrhhhh !!!! -. Et ça marche ! Restons pépère !

Pendant ce temps là, le polar si présent dans les écrans français déserte les écrans – à l’exception notable de « 36 quai des Orfèvres » d’Olivier Marchal. C’était souvent la carte de visite pour un jeune metteur en scène, dommage… « La télévision française : La saison 2005 » cordonné par Christian Bosséno vient de paraître. C’est un ouvrage indispensable – hélas, très mal distribué en Province -. On retrouve des analyses formidables. Cédric Legrand explique très justement sur un article sur « Malone » : « C’est une habitude : à la télé, les enquêtes se mènent en famille (« Diane », « Sauveur Giordano » et « Malone », donc), on concilie les contraintes quotidiennes « scènes de ménages, éducation des enfants » -, et dénonce que l’enquêteur, joué par Bernard Verley, « exécute de sang froid un braqueur à coup de fusil », reproche souvent fait à Yves Renier, d’ailleurs. C’est donc un révélateur de nos sociétés, trouvant une résonance tragique, avec le « Shoot to Kill », préconisé par Scotland Yard, sans parler de la démagogie d’un de nos plus remuants ministres.

« Les Montana », dont la revue « Synopsis », continue la tradition d’une famille de flic, et semble plus originale que la moyenne – excellente distribution Didier Flamand, Anne Caillon, Yvon Back -, mais l’effort de sortir du ronron habituel est assez rare « Crimes en séries », bien ficelé, « P.J. », mais qui semble tourner un peu à vide, et feu « Police district », inventé par Olivier Marchal. Ce devrait être une sorte de nouvelle série B., mais pour avoir entendu quelques comédiens en parler, le temps de tournage est très bref, les situations peu inventives, et les clichés accumulés. Il y avait beaucoup de témoignages de scénaristes dans la revue « Synopsis » première version, où il fallait se battre avec les contraintes.

Je ne m’aventure que très peu dans ces séries – Je n’ai vu qu’un « Navarro », dans ma vie, honte sur moi -, mais je contribue au sujet en rentrant les « guest stars » chaque semaine sur Internet Movie Data Base, via Voilà TV, qui propose même les programmes suisses et belges, histoire de sauvegarder une mémoire. Il est vrai que le système s’est considérablement simplifié, d’où l’apparition de nombreuses séries, à la fin des fiches d’acteurs. Le nouveaux épisodes et des rediffusions, – Paparoff, le J.A.P., Anne Le Guen – font le régal du câble, qui diffuse même quelques épisodes inédits. TPS rediffuse même « Les cinq dernières minutes » version Jacques Debary, puis Pierre Santini, et personne sauf Yvan Foucart ne rend hommage au bon « Ménardeau » joué par Marc Eyraud, qui vient de mourir.

Christine Citti

Mais l’une des rares séries que je suivais avec intérêt était « Les enquêtes d’Éloïse Rome », mettant en vedette la formidable Christine Citti, elle a décidé d’arrêter la série, hélas, mais on peut comprendre de ne pas vouloir s’enfermer dans ce rôle – elle était d’ailleurs dans les premières saisons de P.J. La série est loin d’être réaliste, il a des clichés – Éloïse entend les voix faisant un bilan de la situation – et les personnages ne s’échappe que très peu des caractérisations de la « bible » du scénario…  La date de tournage des derniers épisodes est de 2003.

Flanquée du fade Jean-Baptiste Martin – fils de Jacques Martin et Danièle Evenou -, on la devine meurtrie de ne pas avoir eu d’enfant, même si elle résout toutes les enquêtes, elle apporte toujours un côté maternel, et une empathie envers les suspects. Son personnage sort de la norme, elle a du caractère, boude, est gourmande. Christine Citti, est rayonnante et a beaucoup de charme, loin des canons de beauté imposés par nos médias. Elle dynamise la série, apporte une formidable humanité à son personnage, souhaitons-lui un joli parcours à venir. Elle a d’excellents partenaires comme Marc Berman, supérieur bougonneur, Sophie Mounicot – voir portrait dans l’index de ce blog -en médecin légiste acide, Smaïl Mekki jouant le mari psychiatre de cette dernière – personnage très absent de cette saison, dommage -, François Caron, en mari enseignant et aimant d’Éloïse, et Michel Melki – transfuge de l’univers de Philippe Clair ! – en agent de la main courante.

La dernière diffusion vient donc d’être diffusé en Juin-Juillet dernier. Il y a beaucoup de noms prestigieux en vedettes invitées, Michel Aumont en père trop aimant, Bernardette Lafont en mère d’Éloïse, Catherine Wilkening en employée intransigeante, et quelques revenants, comme Anicée Alvina – fantasme de pas mal de monde -, témoignant sur un écran vidéo, etc… , voir liste sur IMDB, si vous avez des compléments… Les scénarios de Philippe Setbon sans être transcendants sont efficaces, de même que la réalisation de Christophe Douchand. Sympathiquement habité par la lumineuse présence de Christine Citti.

COMMENT PARLER DE LA FERME, SANS LA REGARDER

ALRJ

Sur « + Clair », une émission d’hier de Canal +, on organise un champ-contre-champ, d’un côté Alexia Laroche-Joubert, cerbère incolore et inodore – ce sont les pires – d’Endémol, de l’autre la dernière victime en date, du « quart-d’heure Wharolien », Mallaury Nataf, expulsée de « La ferme » et voulant dénoncer la supercherie. Alexia Machin-Chose, boursouflée d’autosuffisance et de cynisme, explique que la parole est libre, mais que ce n’est qu’un jeu, et dénonce endémollement, la mauvaise joueuse.

Mallaury Nataf, explique avoir voulu dynamiter l’émission de l’intérieur, en tentant une sorte d’happening théâtral, – même si l’on voit un plan repris par « Arrêt sur images », où elle vante la chaleur humaine « fermesque » -. Elle est évidemment victime de cette stratégie, et de plus elle ne recevra aucun argent, c’est la règle de ce « jeu » ! pour le premier départ. Devenir indigne, pour RIEN.

On pose la question à Frison-Roche-Hiver, sur cette participation gratuite. Elle n’a pas prévu le coup, annone quelques stupidités, avec la vélocité d’un lapin pris dans la lumière des phares. Les nouvelles « femmes fatales » sont très « girl-next-door » ces derniers temps. On peut la comprendre, elle a une revanche à prendre sur son enfance difficile, dans un hôtel particulier classé monument historique près de Beaubourg… Mais personne ne va prendre en sympathie, Mallaury Nataf, c’est dommage. Guy Carlier, l’avait rencontrée, selon son témoignage sur France Inter, elle lui disait son désespoir avant d’entrer à la ferme, et ne vivre que du RMI. La machine à broyer, TF1, n’a pas d’état d’âmes… Mais que fait le CSA !

Admis à la ferme(r)

Et le Patrice Carmouze, relativise, ricane, s’amuse sur ce jeu de massacre, critique les « indignes » participants et leurs saletés supportées, mais présente un livre sur le milieu de la télé, histoire de surfer sur ce succès, chez Thierry Ardisson, entre la descente aux enfers d’un enfant de star, une médium pathétique, et « La femme d’Arthur » qui vient jusqu’au dans nos bras égorger le cinéma – « Cavalcade » prochainement -.

A voir dans le zapping de Canal +, Patrick Dupond, « séniliser » avec des chèvres et Mme la Baronne, pratiquer l’autruche-fucking, – elle présente son cul à cette pauvre bête, dans l’attente de quelques piques, évidemment aller trouver un scénariste pour imaginer ça -, on compatit sur ce petit monde lobotomisé et nouvelle illustration pitoyable du « L’enfer c’est les autres » de Sartre. On attend des scènes cannibales, pour l’année prochaine, ils vont bien nous supprimer la nourriture.

A côté de ça les « Guignols » rivalisent d’inexistence, se moquant stupidement de Monica Bellucci et de l’ouvreuse de service « Laurent Weil ». On compatit bien sûr sur les déboires de Bruno Gaccio, et de son entrée dans « 1984 », mais lui et son équipe – qui ne risque pas de lui faire de l’ombre – tournent en roue libre, et ne démordent pas sur moindre trouvaille, (« ouinezeyesagainstzeno », pour la 8753ème fois). Heureusement qu’il y a « Grosland », sur Canal + également, plus radical, plus drôle.

Le Festival de Cannes devrait être une respiration, mais on privilégie une icône trash « Paris Hilton », ou insiste lourdement sur le glissement de la bretelle de Sophie Marceau – joli moment cela dit – . Seul Atmen Kelif, chroniqueur le temps du festival, apporte un peu d’air pur dans « Le Grand journal »… On attend encore le nouveau Guy Debord pour nous écrire une « Nouvelle société du spectacle », avant de vomir un peu, à voir le déferlement de démagogie dans la dernière pub Total. Si l’on a la télé que l’on mérite, on ne doit pas valoir grand chose…

ET UN PAS DE PLUS DANS L’ABJECTION…

Samedi soir, il est près de 2h30, du matin, terminant « Tout le monde en parle », petit tour vers TF1 – en direct – pour voir les nouveaux cobayes de « La ferme has been ». Le sadisme érigé au niveau des beaux-arts… Carmouze & Dechavanne ricanent… Les « similis-pipoles » comme on les nomment désormais, arrivent dans la ferme en limousines, après deux heures d’avion.

Ils n’auront, ni eau courante, ni même une couche décente pour dormir -Ils doivent en construire une de fortune eux mêmes- et auront la joyeuse compagnie de l’odeur pestilentielle de la bergerie. Et personne ne moufte ! La méthode de lobotomie collective du tandem LeLaye/Mougeotte, de sinistre mémoire, fonctionne parfaitement.

Le repas risque d’être frugal (fruits & légumes), mais je me dis qu’au moins ils auront quelquechose d’autre à manger, une meringue géante trônant dans la cour… Sauf que, gourance, elle se met à bouger, glousser, imiter un cri très improbable de volatile… C’est en fait la baronne Marianne Brandstetter, qu’il serait d’ailleurs indécent de reconnaître, tant elle doit avoir été victime d’un chirurgien esthétique fou. C’est une ex esthéticienne, – avatar trash de la starlette Nadine Tallier, brillant par sa vulgarité, et devenue « le comble de la distinction » sous le pseudo de Nadine de Rotschild… –

On nous rappelle bien que tout ce cirque est pour la bonne cause, pour aider des associations… C’est une hypocrisie totale, une manière de se dédouaner. Le casting est hallucinant, feu Jango Edwards – on l’imagine aisément mimer la brouette infernale dans le poulailler avec Mme la baronne -, feu Philippe Risoli complètement hagard – c’est Claude Chabrol qui va être content -, feu Plastic Bertrand déchaîné, le « petit chef » Henri Leconte, feu Mallaury Nataf déguisée en arbre de Noël, feu Patrick Dupont en zombie évadé d’un film de Lucio Fulci, feu Jordi, chanteur enfant étoile filante et amère déception feu Princesse Erika, que l’on n’attendait vraiment pas là… Il y a les rituelles autres nouvelles têtes que personne ne connaît – je vais avoir du mal à trouver les noms pour compléter la fiche IMDB, que j’avais eu le vice de créer l’année dernière -. Saluons le sens du directeur du casting, difficile de faire pire…

Il ne manquait en fait, bien qu’annoncés, que Christine Deviers-Joncours et une célèbre personnalité de la set set -connue pour ses problèmes de drogue- Ils auraient pût faire l’effort à TF1, de pousser l’indécence jusqu’à nous montrer une crise de manque en direct ! Il y a également feu Régine (perdue dans la nature, annonce Dechavanne) !

Les similis-pipoles de l’année dernière sont re-tombés dans l’anonymat… Tout ce petit monde -en attente d’un peu de reconnaissance- va se rendre indigne. On parle de télé-réalité, mais ce n’est qu’une nouvelle forme de sitcom (comédie de situation) pas chère, sans scénaristes, plus fort que « Voisin, Voisine »! C’est censé être ludique, c’est complètement pervers et abject. Désolé, mon vieux « fond sadique », mais je préfère retourner à mes nanars -et en plus mon cerveau disponible n’aime pas le coca-. De toute manière on se régalera dans le « zapping » de Canal + ». Vivement les chroniques de Guy Carlier, pour nous venger de tout ça…

Déjà le côté laboratoire de « La ferme » / « Ferme-là ! », pouvait faire penser aux souris blanches de « Mon oncle d’Amérique » (Alain Resnais, 1979), mais l’autruche… est-ce une citation au « Fantôme de la liberté » de Luis Buñuel ?

Il me semble salutaire de rappeler le texte de Robert Guédiguian sur la télévision, paru l’an dernier :

  Dernier samedi avant Noël. Je regarde la finale de « Star Academy ». Une jolie brune chante et puis pleure, ou l’inverse. Un jeune homme la regarde, au bord du sanglot, et la serre dans ses bras de toutes ses forces. Musique… Une autre jeune fille, blonde cette fois, dans le public, pleure. Ses larmes coulent, abondantes. Je m’abandonne. Soudain, en une fraction de seconde, grâce à une erreur de montage, je m’aperçois qu’un des personnages attend que la caméra soit sur lui pour étreindre, pleurer et sourire. Et là, j’ai honte de m’être un instant laissé aller.

Ce personnage veut nous faire croire qu’il ne joue pas. Il fait là le contraire de ce que je considère comme la plus noble figure de la représentation, le contraire de l’aparté dans la commedia dell’arte lorsqu’un acteur interrompt son action, se tourne vers la salle pour réclamer son approbation, puis reprend l’action laissée en suspens comme si de rien n’était. La noblesse de cette manière réside dans le fait qu’elle est destinée à rendre le public intelligent, maître de lui-même. C’est en pleine possession de ses moyens qu’il choisira de siffler ou d’applaudir. C’est lui qui décidera du rapport entre la réalité et la représentation de la réalité qu’on lui propose.

Dans « Star Academy », comme dans toutes les émissions de ce genre, il s’agit, à l’inverse, de berner, d’abuser, de manipuler le public… De l’assujettir en lui faisant croire que la réalité représentée est la réalité elle-même.

Toutes ces émissions diffusent, distillent, vaporisent sur tous les sujets qu’on les laisse traiter – et les limites ne cessent de reculer – un seul message : la réalité est faite de vainqueurs et de vaincus, de forts et de faibles… La compétition est la vie elle-même. Elle est affective, psychologique, sexuelle et, bien sûr, sociale, économique et encore physique, esthétique… Et les perdants doivent aller embrasser les gagnants car la Réalité leur a assigné leur place. C’est comme si c’était de l’ordre de la Nature. Il n’y a donc aucune raison de se fâcher.


Il ne faut pas être devin pour comprendre à qui profite le crime. Si l’on me démontre que cela n’est pas de l’Idéologie Libérale, de la Propagande Capitaliste, je veux bien me taire définitivement. Il faut peut-être à nouveau dire capitalisme, dont le radical « capital » me paraît mieux indiquer la nature de ce système que le radical « libre »du mot libéralisme.

J’ai lu, par ci, par là, des analyses sur la télé-réalité dont la finesse ne sert qu’à masquer l’ambition autoproclamée dans le mariage contre nature de ces deux mots et de ces deux choses. La complexité des analyses finit par rejoindre le sens commun… Vous savez, les idées reçues comme « Tout est dans tout », « Il y a du bon et du mauvais partout », « Il faut en prendre et en laisser »… Bref, toutes les idées qui conduisent tout droit à la résignation et au désengagement.

Ceux qui ont le pouvoir et l’argent, dans l’ordre que vous préférez, savent cela. Ils ont trouvé un nouveau moyen de garder le pouvoir et l’argent, toujours dans l’ordre que vous voulez.

Les enfants des actionnaires de nos chaînes de télévision vont à l’Ecole alsacienne, à l’Ecole de la Légion d’honneur ou je ne sais quel couvent des Oiseaux. Des lieux où ils ne regardent pas la télévision que leurs pères fabriquent. Les enfants de nos banlieues qui regardent ces émissions plus qu’ils ne vont dans les écoles de notre République auront leur cerveau disponible pour penser que le Coca-Cola est la meilleure boisson du monde, et surtout pour penser que leurs conditions de vie sont mauvaises à cause de la Nature. Donc il est impossible de les améliorer.

Ils resteront sagement là où ils sont, en bas comme dit l’autre. L’autre, dont le conseiller est le talentueux producteur de « Popstars » et surtout de « Koh- Lanta », où les protagonistes doivent se battre pour survivre… Jusqu’où iraient-ils pour gagner, si tous les coups étaient permis ? Jusqu’à s’entre-tuer ? Qui le sait ! Mais l’exploitation commerciale de l’aliénation, de la frustration et de la misère en France est autorisée par le CSA, qui continue à jouer avec ses petites figures géométriques de toutes les couleurs et à se demander si « Popstars » est un documentaire de création.

Enfin, nous venons d’apprendre que ce monsieur a signé avec le service public pour l’année prochaine. Décidément, on est coincé de tous les côtés.

Voyez-vous, au début de ce texte, je parlais de Noël… Je voulais intervenir à ce moment-là contre la télé-réalité… Et puis le temps a passé jusqu’à ces jours-ci où a été publiée cette déclaration incroyable de : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » M. Le Lay exécute les ordres, et il le fait très bien. C’est un très bon technicien. Il n’est pas au service d’un Etat, d’une morale, d’une religion, d’une idéologie… Il est au service de l’argent. C’est un travailleur consciencieux. Il s’applique de toutes ses forces pour que ses riches patrons soient encore plus riches, de plus en plus riches. Il faut, dit-il, vendre du temps de cerveau disponible. Il ajoute : « Et rien n’est plus difficile. » Oui, l’humanité résiste encore aux génocides, à la décérébration, à la lobotomie…

Est-ce qu’il n’est pas temps de cesser de pérorer sur nos admirables démocraties occidentales alors que les « maîtres du monde » nous disent ouvertement, sans ciller, que leur but est de vendre du temps de cerveau humain disponible ?

Pourquoi cette déclaration ne fait pas la « une » des journaux ? Pourquoi les intellectuels, les hommes politiques (Fabius avoue ne pas détester « Star Ac' », Copé était prêt à participer au projet de télé-réalité sur les hommes politiques…), les artistes n’abordent-ils pas frontalement ce sujet ?

Est-ce que leur indépendance à l’égard de ces nouvelles organisations du pouvoir du capital a déjà disparu ? Est-ce que le fossé qui sépare les élites de l’immense majorité de notre population est devenu infranchissable ?

Robert Guédiguian est cinéaste.

Le site du jour : CARLIER Site suisse où l’on peut écouter les chroniques du « Fou du roi », sur France Inter, du formidable Guy Carlier .

BON DIEU, MAIS C’EST BIEN SUR

J’ai la chance d’avoir un collègue passionné de l’âge d’or des séries TV, et qui vient de me passer le 13ème DVD  – deux disques pour 3 films, et hélas pas d’autre bonus qu’un texte commentaire – des « Cinq dernières minutes » de Claude Loursais  première version. Bizarrement ces DVD sont difficiles à trouver, mais on peut les retrouver en consultant le site d’LCJ ÉDITIONS ou passer par France Loisirs. A noter l’éditions de ces volumes ne respectent pas la chronologie.

La célèbre réplique « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » est en fait « Bon Dieu, mais c’est bien sûr ! ». On prend un grand plaisir à visionner ces oeuvres. L’ancrage sur le réel (sur ce DVD, les mariniers « Poison d’eau douce », l’impression d’un journal « Un sang d’encre » , donne presque une radiographie de la société et des mentalités des années 50-70. Une mine pour les sociologues.. Pour plus de détails, il faut lire le formidable livre de Jacques Baudou & Jean-Jacques Schleret « Meutres en séries, les séries policières de la télévision françaises » (Éditions 8ème art – 1990) qui mériterait une ré-édition.

Jean Daurand & Raymond Souplex

Cette série doit beaucoup à la connivence entre Raymond Souplex (souvent râleur, et choisi pour sa mémoire prodigieuse, les épisodes étant en direct) et Jean Daurand, dont on apprend dans le livre de Baudou & Schleret, qu’il a repris son rôle de Dupuy dans la série plus réaliste « La brigade des mineurs » 1977-1979, sur Antenne 2. Dupuy est hélas absent des derniers épisodes des années 70.

On s’amuse bien sûr, à voir les plantages, tel les interventions laborieuses des candidats – intervenant en direct -, et les hésitations des comédiens devant rejouer certaines scènes, – il n’est pas rare d’entendre comme ici,  les indications du metteur en scène soufflant à Bourrel de renvoyer Dupuy -. Certes le rythme est loin d’être haletant, surtout en comparaison avec nos séries actuelles, mais le pittoresque, une certaine nostalgie et le jeu de l’énigme, amusent bougrement. Raymond Souplex y est d’ailleurs remarquable (malgré une « moumoute » à géométrie variable), de même que Jean Daurand, raisonneur et humain.

Raymond Souplex

Il est amusant de voir dans cette série, souvent les mêmes acteurs, passant allègrement de statut de victime à celui d’assassin dans un épisode suivant. Dans l’épisode « Sang d’encre » on retrouve même le familier Yvon Sarray, tenir deux rôles un médecin et un livreur du bougnat (Jean Clarieux).

Vous pouvez retrouver la liste des acteurs de cette série, que je complète régulièrement via IMDB. Ce qui forme un sacré casting grâce aux génériques des 13 DVD que j’ai presque visionné en intégralité. A noter par exemple la présence de Marcel Bozzuffi et Marie Dubois – alors Claudine Huzé -, dans l’épisode « Poison d’eau douce », oubliés de la jaquette du DVD, par l’éditeur qui manque un peu du sens du commerce.

Il faut évoquer également Pierre Collet, qui sur ce DVD, n’apparaît que dans l’épisode « Poison d’eau douce » (1959). On le retrouve ensuite, régulièrement au début des années 70, il est le planton, plus enclin à parler de ses week-ends en voitures, que de tenir compagnie à quelques suspects agités.

Léonce Corne

Pour en finir sur ce 13ème volume, on retrouve dans deux épisodes l’acteur Léonce Corne. Dans « Poison d’eau douce » il est un vieux marinier grincheux, père de Marie Dubois et dans « Un sang d’encre », un typographe sourdingue.

C’est un parcours assez tragique : « …Léonce Corne, soupçonné d’être juif doit prouver qu’il est aryen, mais, malgré cette démarche, les Allemands lui impsent d’interpréter une série de sketches sous peine de lui retirer sa carte de travail, ils vont jusqu’à lui proposer de travailler en Angleterre au service de l’espionnage allemand ». (Jean-Pierre Bertin-Maghit, Le cinéma français sous l’occupation, Éditions Perrin).

De nombreux cinéastes après guerre, ne semblent pas lui avoir tenu rigueur de cette participation forcée aux pires films de propagande nazis comme « Forces occultes ».

EN ATTENDANT LES ROIS MAUDITS

Philippe Torreton et Jeanne Moreau

Dans la série des questions existentielles dans une vie de cinéphile, il y a celle ci. Qui est l’équivalent d’Ed Wood, à la française, Philippe Clair ??? Max Pécas ??? Émile Couzinet ??? C’est en fait, Josée Dayan ! (mais avec des stars). On la voit ce jour, parler du  nouvel avatar des « Rois Maudits »chez Michel Denizot. Cette saga  tournée en 70 jours, seulement vient d’être présentée hier au MIP TV à Cannes. Elle se vante de tourner jusqu’à 24 minutes utiles par jour… Le chien de Rainier de Monaco vient à son enterrement, Dayan est présentée comme une cinéaste de génie, « tout fout le camp ma brave dame » !

Légitimé par l’impatience de Gérard Depardieu, son talent de captation est indéniable. Mais il y a trop souvent deux options à la vision d’une de ses oeuvres, soit l’ennui – « Balzac », « Les liaisons dangereuses » -, soit le ridicule – « Le comte de Monte-Cristo » -… On peut se demander, s’il n’y a pas une imposture, par sa capacité de « casser les marchés » des téléfilms historiques. On est très loin du talent d’un Jean-Daniel Verhaeghe…

Le personnage de Josée est assez peu sympathique. C’est de notoriété publique, elle est odieuse avec les techniciens et déférentes avec les vedettes. Elle rechigne a tourner un deuxième plan, sauf si un acteur fait bouger le décor ! Il est assez vain d’être sardonique, quand on annonce « Les rois maudits » comme un événemment. ..

La bande-annonce ne laisse pourtant augurer rien de glorieux. Le décor préstigieux de Philippe Druillet contre l’abstraction de la série de Claude Barma, pléthore de stars contre une série d’excellents comédiens (Piat, Virlojeux, Hélène Duc, Georges Marchal, Louis Seigner, etc…). La première faisait preuve d’innovation, assez rare dans cette période très ORTF (1972), sur la présentation des personnages en plan fixe, une sensualité frontale, une violence inhabituelle.  Une oeuvre majeure de la télévision, même à la vision d’un coffret VHS fatigué trouvé dans une solderie.

La barre est très haute, attendons donc le résulat final de ce remake, sur France 2 en Septembre. Note du 22 novembre : compte-rendu ici.

Josée Dayan superstar

Articles : « Les rois maudits sont de retour »

France 2 présentait hier son grand téléfilm de la rentrée au MIP TV

CANNES Décidément, le Moyen Age et les univers qui s’en inspirent ont le vent en poupe au MIP TV de cette année, le grand marché de la télé qui se tient à Cannes. C’est peut-être le succès de Harry Potter et autres Seigneur des anneaux, mais la mode est aux périodes obscures de notre histoire. Dans le genre, le grand événement, c’est bien sûr le nouveau téléfilm que France 2 diffusera à la rentrée de cette année. Les rois maudits, réalisés par Josée Dayan, réunissent un casting impressionnant jamais vu auparavant à la télévision: Jeanne Moreau, Philippe Torreton, Gérard, Julie et Guillaume Depardieu, Jean-Claude Brialy, Julie Gayet, Tcheky Karyo, Jérôme Anger, Jeanne Balibar, Line Renaud, Claude Rich… La liste est longue. Quant au récit, après avoir fasciné les foules dans les années 70, il revient sous la forme de cinq fois 90 minutes, pour passer en revue les treize générations de rois de France maudites par Jacques de Molay, le grand maître des Templiers.

On aura à nouveau l’occasion de suivre les aventures de Robert d’Artois (Philippe Torreton) qui se bat contre sa tante Mahaut (Jeanne Moreau) afin de récupérer les terres qui, selon ses dires, lui reviennent de droit. Le tout sur fond de malédiction, de traîtrise, d’empoisonnements, d’amour et de luttes de pouvoir. Une formule qui a déjà fait ses preuves et sera très probablement un très gros succès lors de sa diffusion.

Hier matin, au Noga Hilton de Cannes, sur la Croisette, l’ambiance était nerveuse. Tout le monde attendait avec impatience de pouvoir visionner le montage de 40 minutes résumant les cinq épisodes de la saga. Parmi les acteurs présents, Jeanne Moreau, Philippe Torreton, Julie Gayet et d’autres n’avaient pas encore vu la moindre image. Le tournage s’est terminé il y a juste un mois et demi et c’était l’occasion de voir un aperçu de ce que sera le résultat final. Les images, même montées en vitesse, avec un son non étalonné et une musique d’emprunt, donnent tout de suite envie de voir la suite et de se plonger dans la lecture du roman-fleuve de Maurice Druon. Les décors, créés spécialement pour le tournage, renforcent l’impression de tragédie et de solennité du récit.

Après la projection qui s’est terminée sous une salve nourrie d’applaudissements, tout le monde est venu féliciter Josée Dayan et son équipe, visiblement satisfaits du résultat. On apprend, au fil des discussions qui s’ensuivent lors du cocktail, que toute la troupe s’est merveilleusement bien entendue. Jeanne Moreau explique que ce tournage était l’une des plus belles aventures de sa vie, Philippe Torreton surenchérit en expliquant à quel point il est fier d’être dans cette production: «Ce n’est pas tous les jours qu’on a un texte de cette qualité et un casting de cette envergure! On ne m’avait jamais proposé un projet pareil et c’est exactement ce que j’attendais de la télévision. Sans cette télé, de tels sujets ne verraient jamais le jour, car cela demande trop d’argent».

Effectivement, vous ne serez pas nostalgiques de la version des années 70. Comme l’explique Josée Dayan: «Chaque époque a sa propre vision d’un récit. Les années 70 étaient plus douces. Cette vision des Rois maudits correspond à l’an 2000, avec toute sa violence et ses questionnements». Un téléfilm qu’on attend déjà avec beaucoup d’impatience…

Envoyée spéciale en France Valérie Sohie

© La Dernière Heure 2005 Source : La dernière heure

LE DVD QUI REND INTELLIGENT

Serge Daney (1944-1992)

C’était un critique de cinéma certes intransigeant mais passionnant, initiateur de la revue « Trafic ».

« L’intérêt du travail critique de Serge Daney, dont l’influence en France a été déterminante, est d’avoir réussi à lier le cinéma au monde comptemporain grâce aux métaphores qui peuplent son écriture : chaque film sous sa plume, pouvait éclairer une manière de penser la réalité politique, médiatique, philosophique, quotidienne de notre temps… »
« La critique de cinéma en France » (Ramsay cinéma, 1997).

J’avais un souvenir très marquant de « Serge Daney, itinéraire d’un cinéfils », lors de sa diffusion sur feu FR3-Océaniques en 1992. Il était interrogé par Régis Debray, qui avait eu l’intelligence de s’effacer devant la parole donnée. J’ai eu la surprise combien sa parole m’a durablement marqué à l’époque (Il y avait également à cette époque, des entretiens avec Noël Simsolo sur France Culture). Une manière d’analyser sa cinéphilie (l’absence du père remplacée par les pères cinéastes ?).

Cette émission existe désormais en DVD aux Éditions Montparnasse. Lien : Éditions Montparnasse

 

C’est passionnant, Serge Daney, fait oeuvre de passeur (selon sa propre formule), sentant sa mort très proche. Il est émacié, des lunettes mangent son visage, mais très vite on oublie son état de santé pour écouter sa voix. Son regard sur son parcours de cinéphile est juste, sa parole ne se voulant pas élitiste. Sa lucidité, ses analyses sur la nouvelle vague, la « qualité France », sa visite aux pionniers hollywoodiens, ses critiques dans « Les cahiers du cinéma » et « Libération », la télévision – l’amorce de la « télé réalité » que l’on nommait alors « reality show » – , est éblouissante. Il est seul présent à l’image, on suit sa parole sans décrocher un seul instant, Son regard sur notre monde comptemporain nous manque… Un DVD à voir absolument…

Parmi les livres écrits par Serge Daney, pour approcher son oeuvre, on peut débuter par le ludique « Devant la recrudescence des vols de sacs à main » (1991) et le recueil de ses articles « La maison cinéma et le monde » (Éditions P.O.L. Trafic, 2001) deux volumes parus pour l’instant.

Article dans Libération :

Ça reste à voir
La voix Daney, par Olivier Séguret, mercredi 27/04/2005


 

Le cinéma est un miroir qui reflète autant qu’il donne à réfléchir. Penser le cinéma, produire de la réflexion à sa périphérie, publier à son propos des études critiques, des monographies, des albums savants, tout cela fait depuis longtemps partie d’une certaine tradition intellectuelle française qui va de soi. Depuis au moins André Bazin, le cinéma a gagné bon nombre de ses quartiers de noblesse dans cet hommage que les élites intellectuelles lui ont rendu par le simple fait d’y reconnaître un objet de réflexion valable. Une telle tradition a nécessairement produit le pire et le meilleur, mais la critique contemporaine est sans doute la plus mal placée pour arbitrer ce match : en aurions-nous les moyens, il faudrait encore rester neutres… En revanche, ce que l’on peut facilement observer, c’est la tendance, la forme, pour ne pas dire l’emballage, par lesquels la réflexion sur le cinéma se développe ces temps-ci. Résumé possible des événements : le cinéma est une machine à philosopher. Ce que l’on voit se dessiner clairement dans l’actualité éditoriale des derniers mois, c’est une sorte de conjuration philosophique prenant d’assaut les forteresses du cinéma. Parmi les assiégeants les plus frappants, on distingue deux camps. L’un affiche des résolutions amicales : un numéro spécial de la revue Critique, justement baptisé «Cinéphilosophie», avec des textes parfois stimulants de Badiou, Bullot, Laugier, et un fort bel entretien avec Jacques Rancière. L’autre bombarde férocement, mais philosophiquement, une «trouvaille de foire» responsable du nihilisme mondial : c’est le désormais fameux pamphlet de Stéphane Zagdanski, la Mort dans l’oeil (Libération du 13 janvier). Entre ces deux pôles, les revues ad hoc (Simulacres, Cinéma, Trafic, Cinergon…) maintiennent elles aussi le rythme d’une cogitation soutenue, où la cinéphilie est le relais de réflexions qui, naturellement, la débordent. Le cinéma ayant lui-même vocation et prétention à parler de tout, à être un miroir complet du monde, il est normal qu’il puisse servir en retour de tremplin conceptuel vers l’infini des problématiques humaines. On pourra notamment trouver un bon exemple d’extrapolation philo-poétique avec le texte de Jean-Baptiste Thoret publié dans le numéro que les Cahiers de l’Herne consacrent à Baudrillard : «Seventies Reloaded», théorisation astucieuse autour de l’idée de remake. Parallèle à cette foison littéraire, la sortie DVD des entretiens donnés par Serge Daney dans Itinéraires d’un Ciné-Fils (1) ne peut être tout à fait un hasard : beaucoup des gens qui font profession de philosopher et d’écrire autour du cinéma ont appris à penser le cinéma en lisant ou en écoutant Daney. Et, plus de dix ans après sa disparition, il reste encore le dernier grand nom en date pour ce qui est de l’influence critique et cinéphile. Mais quel écho en perçoit-on ? L’écart entre la pensée d’un Daney et celle des théoriciens actuels ne tient pas dans la teneur des idées proposées. C’est l’écart qui sépare une voix d’un discours. La plume de Daney, comme sa pensée, c’était avant tout une voix. La réflexion ciné contemporaine elle, académique ou pas, n’échappe qu’exceptionnellement à l’ordre du discours. Autodidacte, Daney n’a d’ailleurs jamais prétendu à une vérité universitaire ni scientifique de la critique. Il n’a pas de remplaçant, mais son legs est à la disposition de tous : une voix nous parle plus près et plus longtemps qu’une idée.

(1) Editions Montparnasse (avec un prologue inédit : la Carte du monde est une promesse), 25 €.