La diffusion intégrale de la série canadienne « Minuit, le soir » (2005-2007), sur CinéCinéma Culte le 29 et 30 mars dernier, permettait sûrement à quelques inconscient comme moi de faire une salutaire séance de rattrapage. La série passait il y a quelques mois, tous les samedis soir à raison de 3 épisodes. Elle compte 3 saisons, soit 38 épisodes de 23 minutes. Le propriétaire d’un bar de Montréal, « Le Manhattan » – Benoît Girard – décide de prendre sa retraite et de vendre son affaire à une jeune femme Fanny, elle-même fille d’un immigré italien qui en possédait plusieurs. Trois « doormens », videurs assez frustres, sont les figures du lieux… Marc Forest, ancien bourlingueur, poissard, impulsif et au « cœur d’artichaut » – Claude Legault très charismatique -, Louis Bergeron, trentenaire comme Marc, – Louis Champagne faussement débonnaire -, naïf et corpulent, travaillant chez les « cols bleus » – la voirie – le jour, et le doyen Gaétan Langlois, un quinquagénaire toujours prompt à vouloir aider les autres – formidable Julien Poulin, remarquable de justesse, conférant grande humanité à son personnage, sans doute le plus touchant -. Le trio est soudé et a une grande complicité. Ils partagent un langage codé commun – utilisation du prénom « Jo » pour définir un état d’âme -, et ils se serrent entre eux dans « une boule d’amour » en cas de coup dur. Fanny trouve les trois copains assez peu présentables pour son établissement, qu’elle voudrait transformer en endroit branché, « Le S.A.S. », où les habitants de Montréal pourraient décompresser. Mais le trio évincé, ayant perdu un équilibre, voire un refuge, dans un monde difficile, vont persister à rester dans le lieu. Quel bonheur cette œuvre magnifique vierge de toutes informations – évitez de visiter le web avant de la voir, le site Canoé notamment -. Le scénario est signé par Pierre-Yves Bernard et Claude Legault lui même. Il fourmille d’idées, comme le kit baptême pour animaux, une utilisation incongrue du costume de Batman. Il y a un gag d’anthologie, quand Marc passe ses nerfs, sur la poche en plastique, difficile à saisir quand on veut se servir des fruits et légumes dans un étal de supermarché. Cette oeuvre trouve matière à se renouveler constamment, sans jamais se répéter durant ses trois saisons. Montréal est montré de manière réaliste, de manière rude aussi parfois, mais toujours avec humour – une pancarte précisant dans un parc que le lieu est resté inachevé parque qu’un élu est parti avec l’argent qui devait servir pour les travaux ! –. Elle utilise aussi formidablement l’onirisme, et la mise en scène valorise le monde intérieur des personnages. Voir le personnage de Fanny, surveillé par elle-même déclinée de l’enfant à l’adolescente, montrant les freins que l’on a dans son existence.
Louis Champagne, Claude Legault & Julien Poulin dans « Minuit, le soir »
Les personnages sont très attachants, ce qui pourrait surprendre quand on des idées reçues sur le petit monde des videurs, on peut en tirer une leçon salutaire. Pour ma part, je me suis trouvé rapidement happé par la série, me précipitant pour visionner tous les épisodes, – mon appareil enregistreur n’a pas trop résisté -. Cela ne m’est arrivé que pour « Six feet under » et « Sur écoute », visionnés en DVD, un épisode en appelant un autre, on devient vite « accro ». Les autres personnages autour du trio, sont tous formidables. Fanny cache une sensibilité à fleur de peau derrière l’image d’une femme d’affaires dynamique. Ses lapsus à répétition et ses gaffes, démontrent qu’elle est loin de l’image de la femme froide qu’elle aimerait se donner. Autour des 4 principaux, tous les autres existent de Brigitte – Julie LeBreton – une call-girl qui tente de décrocher de son « métier » – à Agnès, une serveuse qui a un « grain » dans la tête – Marie-Eve Beaulieu -, en passant par le psychologue des toilettes (sic) – grande trouvaille – diplômé de Buenos Aires, joué par Igor Ovadis très convaincant, sans oublier Nino, le frère encombrant de Fanny – singulier Danny Gilmore – . Les méchants sont aussi à hauteur humaine. C’est un peu l’illustration du « tout le monde a ses raisons »» de Jean Renoir dans « La règle du jeu », comme le maffieux qui deale pour l’éducation de son fils. Il y a aussi un personnage central, Yan – excellent Stéphane Gagnon, on le déteste d’emblée -, rival de Marc, fat et déplaisant à souhait, qui finit cependant par obtenir une certaine empathie de notre part. Télérama nous annonce la diffusion prochaine de cette série sur France 2… en version doublée ! Évidemment sur la chaîne des Eve Ruggieri, Jean-Luc Delarue et autre Christophe Hondelatte, on ne va pas tout de même pas faire confiance à l’intelligence du spectateur. A l’heure du triomphe des « Bienvenue chez les Ch’tis », c’est un comble, ou comme dit Martin Winkler si justement dans son blog : « pire qu’un crime : une faute, un contresens absolu… Une hérésie pareille était très prévisible dans notre pôvrinet service public qui crie à l’événement quand il adapte Guy de Maupassant. Les films sont d’une grande qualité certes, mais c’était la norme il y a 20 ans avec celles de Claude Santelli… Si vous voyez un jour une édition DVD, et ou une diffusion TV, précipitez-vous, vous ne le regretterez pas.
Sévices publics
Diffusion enfin de « Minuit, le soir » ce dimanche 5 à 23h55 sur France 2…. en Version doublée ! et c’est catastrophique… On n’en attendait pas moins de France 2, histoire de ne pas trop trancher dans le robinet d’eau tiède aseptisée de cette chaîne, malgré quelques trop rares efforts « Suite noire » série originale française diffusée juste avant. Virginie Félix et Lucas Armati parle parfaitement de cette version indigne dans « Télérama N°3103 » :
« Ça tourne au Manhattan. Changement de propriétaire et changement d’ère pour ce night-club de Montréal où Louis, Marc et Gaétan sont videurs depuis des lustres. Le nouveau patron est une patronne, Fanny, bien décidée à bâtir un temple de la hype. A la porte, les physionomistes vieille école ! Mais les trois « chums », accrochés à leur job comme à une planche de salut, refusent de se plier au diktat de la branchitude…Des mois que l’on attendait que France 2 se décide à programmer cette formidable chronique québécoise, repérée lors de sa diffusion sur Cinécinéma Culte… Et quelle déception ! Alors que l’une des singularités de Minuit, le soir réside dans ses dialogues, crus, savoureux, rehaussés par l’argot et l’accent québécois, le service public a choisi de la doubler, dans une version bien plate du réalisme montréalais. Un parti pris incompréhensible compte tenu de l’heure de diffusion, et qui édulcore l’âpreté de cette série douce-amère sur l’amitié entre mâles en peine. Reste, derrière l’absurdité de la VF, l’audace formelle (avec ses déconstructions, ses ellipses, ses raccourcis narratifs) et l’exploration profonde des rapports humains. »
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« Ça tourne au Manhattan. Changement de propriétaire et changement d’ère pour ce night-club de Montréal où Louis, Marc et Gaétan sont videurs depuis des lustres. Le nouveau patron est une patronne, Fanny, bien décidée à bâtir un temple de la hype. A la porte, les physionomistes vieille école ! Mais les trois « chums », accrochés à leur job comme à une planche de salut, refusent de se plier au diktat de la branchitude…Des mois que l’on attendait que France 2 se décide à programmer cette formidable chronique québécoise, repérée lors de sa diffusion sur Cinécinéma Culte… Et quelle déception ! Alors que l’une des singularités de Minuit, le soir réside dans ses dialogues, crus, savoureux, rehaussés par l’argot et l’accent québécois, le service public a choisi de la doubler, dans une version bien plate du réalisme montréalais. Un parti pris incompréhensible compte tenu de l’heure de diffusion, et qui édulcore l’âpreté de cette série douce-amère sur l’amitié entre mâles en peine. Reste, derrière l’absurdité de la VF, l’audace formelle (avec ses déconstructions, ses ellipses, ses raccourcis narratifs) et l’exploration profonde des rapports humains. »
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« Ça tourne au Manhattan. Changement de propriétaire et changement d’ère pour ce night-club de Montréal où Louis, Marc et Gaétan sont videurs depuis des lustres. Le nouveau patron est une patronne, Fanny, bien décidée à bâtir un temple de la hype. A la porte, les physionomistes vieille école ! Mais les trois « chums », accrochés à leur job comme à une planche de salut, refusent de se plier au diktat de la branchitude…Des mois que l’on attendait que France 2 se décide à programmer cette formidable chronique québécoise, repérée lors de sa diffusion sur Cinécinéma Culte… Et quelle déception ! Alors que l’une des singularités de Minuit, le soir réside dans ses dialogues, crus, savoureux, rehaussés par l’argot et l’accent québécois, le service public a choisi de la doubler, dans une version bien plate du réalisme montréalais. Un parti pris incompréhensible compte tenu de l’heure de diffusion, et qui édulcore l’âpreté de cette série douce-amère sur l’amitié entre mâles en peine. Reste, derrière l’absurdité de la VF, l’audace formelle (avec ses déconstructions, ses ellipses, ses raccourcis narratifs) et l’exploration profonde des rapports humains. »
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« Ça tourne au Manhattan. Changement de propriétaire et changement d’ère pour ce night-club de Montréal où Louis, Marc et Gaétan sont videurs depuis des lustres. Le nouveau patron est une patronne, Fanny, bien décidée à bâtir un temple de la hype. A la porte, les physionomistes vieille école ! Mais les trois « chums », accrochés à leur job comme à une planche de salut, refusent de se plier au diktat de la branchitude…Des mois que l’on attendait que France 2 se décide à programmer cette formidable chronique québécoise, repérée lors de sa diffusion sur Cinécinéma Culte… Et quelle déception ! Alors que l’une des singularités de Minuit, le soir réside dans ses dialogues, crus, savoureux, rehaussés par l’argot et l’accent québécois, le service public a choisi de la doubler, dans une version bien plate du réalisme montréalais. Un parti pris incompréhensible compte tenu de l’heure de diffusion, et qui édulcore l’âpreté de cette série douce-amère sur l’amitié entre mâles en peine. Reste, derrière l’absurdité de la VF, l’audace formelle (avec ses déconstructions, ses ellipses, ses raccourcis narratifs) et l’exploration profonde des rapports humains. »