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UNE VIE DIFFICILE

Il y a des films que l’on désire voir ardemment, et que l’on finit par découvrir tardivement. L’occasion était trop belle pour ne pas aller voir « Una vita difficile / Une vie difficile » de Dino Risi, datant de 1961, et sauf erreur étant sorti tardivement en France en 1976. Il est encore à l’affiche de l’Utopia de Bordeaux au moins jusqu’au 14 novembre, dans une copie parfaitement restaurée. C’est un petit bijou en noir et blanc,  dans la filmographie pourtant brillante de Dino Risi, qualifié justement par les critiques de « moraliste acerbe ». On découvre le destin de Silvio Magnozzi – Alberto Sordi dans l’un de ses meilleurs rôles – qui s’occupe d’un journal clandestin dans l’Italie de 1944. Surpris par une attaque des Allemands, il doit fuir et se réfugie dans une petite auberge. Sa propriétaire, une femme mûre particulièrement déplaisante refuse de l’accueillir. Il manque de se faire arrêter par les occupants, mais il doit son salut avec une intervention inattendue d’une belle jeune femme, fille de l’aubergiste Elena Pavinato – éblouissante Léa Massari -. Il file ensuite le parfait amour dans un vieux moulin, avant de l’abandonner pour rejoindre les partisans, pris par le remord de ne pas continuer à faire son devoir. La guerre terminée, il devient un journaliste dans un petit journal d’opposition qui le rémunère très mal. Emporté, il prend prétexte d’un article de son ami Franco Simonini – Franco Fabrizi, figure sympathique du cinéma italien -, pour aller rejoindre Elena et voir ce qu’elle est devenue… Il y a une maestria dans ce film, porté par l’incroyable composition d’Alberto Sordi, au sommet de son art. Il excelle dans un personnage complexe, à la fois révolté et veule, naïf et cynique, il n’hésite pas à aller au bout de son personnage. Même si son personnage est odieux, il finit par devenir touchant. A ses côtés Léa Massari, rayonne, elle doit supporter les humiliations de Silvio qui la rabaisse, en lui disant qu’elle n’a pas de culture, et plus tard, aura des réactions particulièrement odieuses sous l’emprise de la boisson.

Léa Massari & Alberto Sordi

Il faut voir sa réaction quand il apprend qu’elle tombe enceinte, il lui reproche de ne pas avoir fait attention, car pour lui il faut qu’une femme travaille pour subvenir à son avenir. Mais le film n’est pas dénué d’espoir, car Silvio est un rebelle. Il a le choix de se laisser corrompre ou non quand il dévoile un scandale financier. S’il se compromet, il n’aura plus aucun souci d’avenir, même il préfère garder sa dignité. Il est tiraillé entre le désir de sa femme et de sa belle-mère, cette dernière voulant le voir retourner au village au volant d’une belle voiture, ce qu’il finira par faire de manière détournée. Il se bat pour imposer son roman, impubliable s’il ne passe pas entre les ciseaux de la censure. Dino Risi nous propose une radiographie mordante de la société italienne d’après guerre, il est impitoyable avec le fameux miracle économique italien, qui ne profite qu’aux margoulins de tous poils. Il égratigne aussi son propre milieu, à l’instar des apparitions grotesques de Vittorio Gassman, Silvana Mangano et Alessandro Blassetti qui tourne un péplum. Il y a un petit côté chaplinesque chez ce couple, à l’exemple de la scène d’anthologie, un beau sommet de grotesque. En effet des royalistes les invitent à manger… pour ne pas être 13 à tables. Affamés, n’arrivant pas à manger tous les jours, Silvio et Elena ne veulent que manger, alors que la famille richissime appréhende les résultats sur un référendum concernant le futur système d’anthologie. Tout ici est admirable, de la scène de Silvio devant un jury, après avoir repris tardivement des études d’architectes, des petits matins blêmes le lendemain d’une nuit dans un night-club, ou une hilarante scène d’enterrement. Ce film est d’une richesse inouïe, le regard de Dino Risi étant à la fois lucide sur son temps, et tendre sur ce couple bancal mais amoureux. On peut aisément parler de chef d’œuvre avec ce film.

Fragments d’un dictionnaire amoureux ; François Berléand

François Berléand dans "Insoupçonnable"

François Berléand dans « Insoupçonnable »

 

« C’est un acteur tellement bon que quoi qu’on écrive, il y a forcément un rôle pour lui … », déclarait le cinéaste Pierre Jolivet à « Studio » lors du tournage du « Frère du guerrier ». Ce prodigieux comédien est de plus spirituel, perfectionniste et modeste, parfois féroce. Il est désormais tout simplement l’un des comédiens majeurs de son temps.

Ce jeudi 8 novembre, marque la parution du livre de souvenirs de François Berléand « Le fils de l’homme invisible« , sur son enfance singulière, dont il a fait souvent l’évocation dans les médias. C’est l’occasion d’actualiser un texte de mon ancien blog. J’avais commencé à le repérer dans « Les mois d’Avril sont meurtriers », peu dupe des directives nationales et philosophant sur l’humanité, prétendant que la chair de l’homme se rapproche du veau !.

Depuis son rôle de praticien hors normes dans « Septième ciel » il ne cesse de surprendre. Je l’ai suivi avec constance, avant de le rencontrer lors de l’avant-première du trop méconnu « les âmes câlines » en présence de Thomas Bardinet. On s’est trouvé des « atomes crochus »  – nous avons été marqués par les deux seul titre de Jean-René Huguenin, mort prématurément, lui par « La côte sauvage », moi par son « journal ». Et de le connaître un peu, n’a rien arrangé à mon admiration. Le succès ne semble pas l’avoir changé – Didier Flamand parlait de sa traversée du miroir, lors d’une émission de radio, il a gardé son humour ravageur et il continue à ne pas avoir de « plan de carrière ».

Attiré par le théâtre, il découvre tardivement qu’il est le petit-fils d’un metteur en scène russe de théatre, Micha Berliand, mort en déportation, et que sa grand-mère était comédienne. Mais personne dans sa famille n’en avait jamais parlé. « J’ai demandé la permission à mon père dedevenir comédien : – Bien, m’a-t-il dit, tu reprends le flambeau. Quel flambeau? Il m’a appris que mon grand-père avait dirigé un théâtre à Odessa, qu’il avait traduit Pirandello en russe et en hébreu » (1). Il suit, en 1973, les cours de Tania Balachova. Elle connaissait son grand-père, et « au détour d’une phrase, a déclaré que si je devais faire carrière un jour ce ne serait pas avant 40 ans… cette phrase m’a longtemps inhibé… » (2).

Puis, il manque de participer à la création du « Splendid », suite à une proposition de Josiane Balasko, pour s’engager dans la troupe de Daniel Benoin, au théâtre Sorano à Vincennes. Ceci, grâce à son meilleur ami de toujours, Hubert Saint-Macary, pour des créations collectives pendant 7 ans. C’est l’occasion pour eux de jouer de grands textes, et pour qui, avec une bonne dose d’autodérision « On a surtout réussi à faire fuir une génération de spectateurs ! » (2). Suit une belle carrière au théâtre avec Antoine Vitez (Hernani), Brigitte Jacques, Stéphan Meldeg, Sophie Loucachevcky etc….

Il commence à tourner des petits rôles : Pour la télévision, on le reconnaît en invité d’une soirée dadaïste dans la saga « Au plaisir de Dieu » (1977) avec Sacha Briquet, et en gendarme dans la série « Messieurs les jurés ». Au cinéma il est un jogger essoufflé aux côtés de David Gabison et Jacques François dans « Elles ne sont pas des anges, nous non plus » (1980).

Il rencontre également Alain Cavalier, pour « Martin et Léa », en 1977, son premier rôle de policier – un soupçonneux, indulgent la première fois -, face à Xavier Saint-Macary. C’est début d’une série, tel en 1982, un inspecteur de la mondaine dans « La Balance » : « Quand on réussit un rôle de flic, on vous demande souvent d’en refaire un autre » (3). En 1980, il retrouve Cavalier, dans le rôle d’un homme qui tente de gruger Jean Rochefort qui recherche sa mère dans une gare dans « Un étrange voyage ».

En 1982, il tourne pour Marc Jolivet, un film à petit budget : « Ôte-toi de mon soleil » où il profite d’une totale liberté de jeu pour expérimenter des techniques différentes, et même de participer au piano à la musique du film. En visualisant le grand nombre de rushes, il étudie la manière de progresser. C’est aussi l’occasion de rencontrer le frère de Marc, Pierre – dont il deviendra l’acteur fétiche pour 8 films -. Ce dernier le dirige avec justesse dans « Strictement personnel » (1984), puis en beau-frère encombrant « Le complexe du kangourou » (1986) et en homosexuel poursuivant Éric Métayer de ses assiduités dans »À l’heure où les grands fauves vont boire » (1992)…

Sa présence sur les plateaux est diffcile pour lui à cette époque : « Au tout début de macarrière, quand j’arrivais sur un tournage, j’avais un trac fou. J’étais mal. Je n’avais qu’une envie : c’est que le studio explose ou que la caméra tombe en panne pour pourvoir repartir… » (3). De ces années de second rôle, François Berléand m’a raconté une anecdote sur « Camille Claudel » (1987-88) dans lequel il tient le rôle d’un médecin de quartier durant les fameuses inondations parisiennes. Son propre fils, alors enfant, se retrouve à jouer avec Isabelle Adjani. Peu impressionné par la star, il lui demande si elle est aussi connue que son père. Isabelle répond «oui» et le fiston rétorque : « Alors, t’es pas connue ! ».

En 1986, l’importance des rôles grandit. Tel l’étrange collectionneur de timbres dans « La femme secrète », de Sébastien Grall, avec lequel il retravaille deux fois. Il progresse dans la hiérarchie en devenant le supérieur désabusé de Jean-Pierre Marielle dans l’excellent « Les mois d’avril sont meurtriers » de Laurent Heymann (qui l’emploiera souvent à la télévision).

Louis Malle, de retour des Etats-Unis, le remarque dans « Madame de Sade » mis en scène par Sophie Loucachevsky (dans le rôle d’une femme) et l’engage pour deux films en lui demandant humblement des renseignements sur le théâtre depuis son absence. Il joue un prêtre, que l’on devine travaillé par quelques pulsions, dans « Au revoir les enfants » (1987). Aussi, le notaire amoureux transi du personnage de Miou-Miou dans « Milou en mai » (1989). C’est l’occation à la troupe de faire quelques blagues à Paulette Dubost, jouant une morte en plein mai 1968.. Pour palier son trac habituel, François Berléand aime faire des farces et des plaisanteries sur les tournages. « Sur les plateaux de cinéma c’est un boute-en-train, intenable potache » (4).

Il se révèle très à l’aise dans la comédie. Notamment: en détective qui passe son temps à dormir dans « Suivez cet avion » (1989) et l’amoureux de Véronique Genest, ne voulant pas trop s’occuper de la fille de cette dernière, mais étant toujours présent dans l’adversité. Il est drôle et touchant en pion amoureuxdu théâtre, comédien en difficulté dans « Tableau d’honneur » (1991),- tournant une improbable publicité et collant un élève qu’il trouve sympathique, uniquement pour gagner un peu plus d’argent -. Les premières bonnes critiques de cinéma arrivent avec ce rôle. Mais la reconnaissance tarde un peu: on le cantonne souvent dans des rôles de policiers et de militaires et la critique semble le redécouvrir sans cesse…

Il personnifie le Général Montholon dans « L’otage de l’Europe » (1988), dirigé par le grand cinéaste polonais Jerzy Kawalerowicz qui dirige en Bulgarie une distribution brillante: Roland Blanche, Vernon Dobtcheff, Didier Flamand etc… avec l’aide d’un interprète. L’authenticité de la reconstitution de la captivité de Napoléon à Saint-Hélène, fait de ce film une œuvre à redécouvrir.

Il sera dirigé par Didier Flamand qu’il retrouve, dans un court-métrage culte « La vis » (1993), en employé d’un grand centre commercial, dont les personnages parle un curieux Espéranto. Il reste disponible chaque année à de jeunes réalisateurs de courts-métrages, qui ne renâclent pas sur les heures supplémentaires. Citons particulièrement « Liste rouge » (2000), avec Marc Citti, où il est brillant en chauffeur de taxi témoin impuissant d’une situation cocasse, et l’astucieux « Toi vieux » (2004), où il joue le personnage plus âgé de Jérémie Rénier, de retour… du futur .

En 1991, il fait une rencontre décisive avec Nicole Garcia dans la pièce « Le partage de midi » de Paul Claudel. Elle le dirigera successivement dans « Place Vendôme » (1997) et « L’adversaire » (2001) : « Elle m’a « relooké » – l’idée de porter la barbe c’est elle – et elle m’atoujours bien conseillé ». Ils seront partenaires en 2003 pour Josée Dayan, pour l’adaptation « Les parents terribles », de Jean Cocteau, avec Jeanne Moreau et Cyrille Thouvenin.

Dans les années 90, il participe à des téléfilms de qualité. Il est, par exemple le traître cauteleux de « Pardaillan », distillant une perfidie réjouissante. On le retrouve cuisinier, suspect idéal dans le pilote de « Crimes en série : Le silence du scarabée » avec Pascal Légitimus, ou le boiteux aigri dans « Le garçon d’orage ». Dans « Victoire ou la douleur des femmes » de Nadine Trintignant, il a un court rôle de médecin juif en fuite, mais il est prodigieux d’humour ravageur – ça manière de dire que les « Allemands ont une dangereuse tendance à se rapprocher ! » -.

Les belles rencontres continuent avec Bertrand Tavernier, en flic peu dupe de la naïveté du personnage de Marie Gillain dans « L’appât » (1994). Aussi en « sublime ganache », militaire borné dans « Le capitaine Conan » (1995). Puis vient Jean-Pierre Améris; avec le maire de village dans « Le bateau de mariage » (1992) et le père impuissant devant la détresse de sa fille dans « Mauvaises fréquentations » (1998). Il tiendra un rôle similaire dans « Vivante » (2001).

Il endosse volontiers des personnages contrastés: les deux jumeaux diamétralement opposés dans le méconnu « Dormez je le veux ! » (1997); ou à nouveau deux flics déjantés dans « La mort du chinois » (1997) et « Le sourire du clown » (1998). Quelle que soit l’importance de la durée de ses rôles, il arrive toujours à faire exister un personnage, tel celui, muet, du dîneur victime d’un quiproquo dans « L’homme idéal » (1996) ou le psy imperturbable de « L’homme de ma vie » (1998).

Dans « Les âmes câlines » DR

Deux films avec Vincent Lindon donnent un coup d’accélérateur à son parcours. Il faut avouer qu’il s’agit de deux superbes compositions : celui du policier tenace mais fragile dans « Fred » (1996) et celui – avec une présence charismatique – du docteur spécialiste de l’hypnose qui guérit la frigidité du personnage de Sandrine Kiberlain, et de manière peu conventionnelle,

dans « Le 7ème ciel » (1997). Ensuite, Catherine Breillat l’engage en directeur d’école séducteur, initiant Caroline Ducey au sado-masochisme dans « Romance » (1999) où il prouve à nouveau son grand talent dans la composition. Trois films qui marquent un tournant important dans son parcours.

Pierre Jolivet lui reste fidèle. Il sera l’avocat associé de Gérard Lanvin dans le remake de « En cas de malheur »: « En plein cœur » (1998). Il retrouve Benoît Jacquot en « protecteur » d’Olivier Martinez dans « L’école de la chair » (1998). Il rencontre Bertrand Blier pour « Les Acteurs » (1999) et se retrouve en homme de la rue – le réalisateur avait hésité de lui confier ce rôle, la notoriété arrivant et la plupart des comédiens jouant leurs propres rôles -, volant Maria Schneider à Pierre Arditi qui part se consoler dans les bras de Jean-Claude Brialy ! Il donne une distance ironique dans son rôle de châtelain étrange dans l’exercice de style « Promenons-nous dans les bois » (1999).

En 2000, il compose un salaud d’anthologie dans « Le prince du Pacifique », en militaire fou furieux, colonialiste et despote. Caricature obligée du film d’action, la moindre de ses apparitions est jubilatoire, mais le film est un échec financier. À noter bien que n’ayant pas encore la cinquantaine, il ne dédaigne pas jouer le thème du vieillissement alors que d’autres comédiens plus âgés l’évitent soigneusement : tel le patient au début de « Comment j’ai tué mon père » (2000), ou le truand usé dans un climat qui se veut « Tarantinesque » dans « HS » (2000).

Pour Pierre Jolivet, il devient un réjouissant assureur escroc dans « Ma petite entreprise », taraudé par ses origines slaves, incapable de voir l’amour que lui porte le personnage de Catherine Mouchet. Il obtient pour ce rôle le César 2000 du meilleur second rôle.

Il devient l’interprète principal de deux films : « La fille de son père » (2000) de Jacques Deschamps, en personnage qui s’invente une paternité – profitant de la démission du vrai père de Natacha Régnier, joué par Frédéric Pierrot -. En 2001, Il est remarquable en peintre bohème et dragueur embarqué dans situations délirantes, dans « Les âmes câlines », une mise en scène loufoque et inventive de Thomas Bardinet. Il tient cette même année, le rôle d’un informaticien génial berné par la belle Delphine Rollin, dans « Une employée modèle », mais le film est assez décevant.

Avec « Stardom » de Gabriel Arcand (1999) et « Casanova » pour la télévision, il re-joue en anglais dans « The transporteur » (2001) de Louis Leterrier (fils de François Leterrier). Il y est un commissaire niçois narquois, face à l’imperturbable Jason Statham et Qui Shu vedette à Hong Kong. Il déclare assumer lui même une cascade… la marche arrière de sa voiture !. Il retrouve son personnage de Tarconi en 2004, pour une suite tournée à Miami où il arrive à tirer son épingle du jeu malgré un semblant de rôle.

En 2002, il est remarquable en abbé souffrant de maux d’estomac dans « Le frère du guerrier ». Une idée récurrente dans la distribution de tous les rôles de François Berléand pour Pierre Jolivet qui se rapproche avec humour avec la B.D. « le combat des chefs » en hommage à « Astérix ». Il y retrouve aussi Vincent Lindon et Guillaume Canet – son partenaire dans « Trait d’union », « Pardaillan », « En plein coeur » et « Narco »- .

Guillaume Canet l’engage dans son premier long métrage « Mon idole ». Un coup d’essai transformé en coup de maître et l’occasion de prouver toute la gamme de son talent. Dans le rôle de Jean-Louis Broustal, en célèbre producteur de télévision, François alterne entre antipathie et bonhomie, en cynique « deus ex machina », fuyant quelques démons. Il y est manipulateur, drôle et pathétique, cyclothymique pouvant passer allègrement du proche au distant, parfois touchant – scène de la photographie de sa mère au milieu d’anonymes -, souvent féroce. Du très grand art et il manque de peu de emporter le César du meilleur acteur en 2003. Il retrouvera son metteur en scène dans « Ne le dis à personne », sorti en 2006, habile adaptation de l’oeuvre d’Harlan Coben, mais hélas pour le rythme du film, quelques scènes d’une guerre des polices avec Brigitte Catillon, et quelques tocs de son personnage doivent disparaître sur la table de montage.

Avec Diane Kruger dans « Mon idole »

Par les hasards du calendrier, de nombreux films sortent avec François Berléand en 2003 et 2004: On le retrouve en victime du destin pathétique dans la comédie noire « En territoire indien ». En escroc spécialiste en faux jetons de casino, et victime de tachycardie après avoir bu le café explosif de Sylvie Testud dans « Filles uniques » – rôle d’une incroyable drôlerie, on en redemande – et en responsable d’un supermarché en mal de paternité dans « Les amateurs ».

En convoyeur déjanté – avec la réplique choc « ça va charcler ! » – à la gâchette facile dans « Le convoyeur ». Sur un mode moins délirant, il est l’irrésistible ancien mari en « panne » de Nathalie Baye dans « Une vie à t’attendre » et le garagiste qui devient héros national pour s’être accusé d’un crime dans une comédie noire de Dominique Deruddere : « Pour le plaisir ».

En pleine canicule 2003, il tourne « Les choristes », film qui devient un véritable phénomène de société. Brillant remake de la « Cage aux rossignols » de Jean Dréville, François Berléand est un directeur d’école autoritaire nommé Rachin, vindicatif et sournois – il s’est inspiré des rôles de Louis De Funès). Il contribue largement avec Gérard Jugnot au succès de ce film (il faut le voir s’énerver dans la scène fameuse du « pion, pion, pion… »-. Succès qui se confirme en DVD et qui vaut à Christophe Baratier une nomination aux Oscars, comme meilleur film étranger.

En parallèle, il poursuit aussi sa carrière théâtrale: dans « L’enfant-do » en 2002, où vieux père de famille, il converse avec un ours en peluche géant. Dans la saison 2003-2004, il est remarquable dans « Café chinois », pièce d’Ira Lewis. Il retrouve son camarade de classe, et partenaire dans « La balance » et « le joueur de violon » (1993) dans la formidable réussite adaptée et mise en scène par Richard Berry (un projet vieux de 10 ans). Dans son rôle de photographe raté et blasé, Berléand excelle en personnage aigri et blessé, face à Berry, touchant en auteur nerveux, vivant mal une situation précaire.

Tourné en 2002, juste après « Mon idole », le film « Je suis votre homme » de Danièle Dubroux, présenté sur le marché du film du festival de Berlin, sort le 25 août 2004 sous le titre d’ »Éros Thérapie ». Il est le mari de Catherine Frot, rendu amnésique – ou feignant de l’être – parce que sa femme vit une relation avec Isabelle Carré. Il se réfugie dans le garage de sa maison familiale et conclut que faire l’amour avec sa femme est une sorte d’inceste ! Il retrouve Jacques François dans son dernier rôle, prodigieux en père dépassé par les évènements. En octobre 2004, sort le subtil « Grand rôle » qui malheureusement ne rencontre pas son public. Il y tient le rôle payant de l’agent zélé et survolté de jeunes comédiens.

 

Dans « Edy » Dans « Narco » sorti en novembre 2004, premier film de Tristan Aurouet et Gilles Lellouche, il campe à nouveau un personnage cynique. C’est un riche éditeur, manquant de flair, – il refuse de publier Yann Queffélec dans son propre rôle -. Son personnage est décalé et pitoyable. Se prenant pour un nouvel Lenny Bruce, il monte sur scène dans l’ombre d’un talent. Il faut le voir s’engouffrer dans sa somptueuse limousine, content de sa prestation, malgré un « bide » saignant. Il joue également le mari volage mais aimant et fatigué du personnage d’Isabelle Huppert dans « Les sœurs fâchées », et un aventurier blasé, père dupersonnage d’Hélène de Fougerolles dans « Le plus beau jour de ma vie ». Il est irrésistible en rusé fauché, pour faire payer la note d’un restaurant au personnage de Michel Duchaussoy, ou raviver sa flamme avec son ancienne femme jouée par Marisa Berenson. Dans le morne « Quartier V.I.P. », il incarne un financier incarcéré, roublard et manipulateur, instrumentalisant un gardien de prison joué par un minéral Johnny Hallyday. Avec le premier film de Stephan Guérin-Tillié, « Edy » il trouve un de ses meilleurs rôle en assureur à bout de course. Il déclare volontiers que ce film reste son préféré.Il y a une constante chez lui, c’est sa manière d’humaniser ses personnages, même les pires crapules, à l’instar de son pathétique Gilles Triquet, petit chef rigolard et incompétent, dans « Le bureau » pour Canal+ , heureuse adaptation française de la série culte de la BBC, « The office ». Sa prestation de roi prêtre à céder sa fille à quelques princes pour retrouver la fortune dans « Aurore » de Niels Tavernier, et celle du paysan bourru, façon Gabin dernière manière dans « Le passager de l’été » de Florence Moncorgé-Gabin, jubilant comme un gosse en étant un des premiers à avoir son propre tracteur, confirme qu’il apporte toujours une empathie avec ses personnages.  Claude Chabrol l’engage une première fois pour « L’ivresse du pouvoir », en lui offrant un de ses meilleurs rôles en PDG détendant de son piédestal, et payant de sa personne en lieu et place de plusieurs personnalités corrompues. Il vient de terminer son second tournage avec lui, pour « La fille coupée en deux », tourné à Lyon avec Ludivine Sagnier, Benoît Magimel, Mathilda May, Caroline Sihol, Didier Bénureau, Jean-Marie Winling, Hubert Saint-Macary et Édouard Baer.  Pour François Berléand, les projets se bousculent, il est demandé partout et ce n’est que justice. Les honneurs tombent avec la remise le 12 janvier 2006 des insignes de chevalier de la Légion d’Honneur des mains du ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres, mais il garde les pieds sur terre « Je sais que l’on peut tutoyer les étoiles, et malgré tout, redescendre en une seconde… » (5) Il devrait continuer à nous réserver beaucoup de surprises, son « minimum » étant le « maximum » de beaucoup d’autres. Salut l’artiste !Citations :1) (Le Point, avril 2004). 2) (Studio, octobre 1999). 3) (La lettre des comédiens N°15-16). 4) (Marie-Hélène Martin, Libération du 24/08/2004). 5) (Studio, novembre 2005).

   

François Berléand dans « Un territoire indien »

Filmographie : 1977  Martin et Léa (Alain Cavalier) – 1980  Un étrange voyage (Alain Cavalier) – On n’est pas des anges… elles non plus (Michel Lang) – 1981  Les hommes préfèrent les grosses (Jean-Marie Poiré ) – 1982  La balance (Bob Swaim) – Stella (Laurent Heynemann) – Ote-toi de mon soleil (Marc Jolivet) + musique – 1984  Marche à l’ombre (Michel Blanc) – La voix de son maître ou deux jours dans la vie de M. Léon (Patrick Zeyen, CM) –  Signé Charlotte (Caroline Huppert) – Strictement personnel (Pierre Jolivet) – 1985  Le souffleur (Franck Le Witta, inédit) – 1986  Le complexe du kangourou (Pierre Jolivet) – La femme secrète (Sébastien Grall) – Les mois d’avril sont meurtriers (Laurent Heynemann) – 1987  Au revoir les enfants (Louis Malle) – Histoires de familles (Marion Lary, CM) – Poker (Catherine Corsini) – Camille Claudel (Bruno Nuytten) – 1988  Jours de vagues (Alain Tasma, CM) – Jeniec Europy (L’otage de l’Europe) (Jerzy Kawalerowicz) – 1989  Suivez cet avion (Patrice Ambard) – L’orchestre rouge (Jacques Rouffio) – Perdue (Marion Lary, CM) – Un père et passe (Sébastien Grall) – Milou en mai (Louis Malle) – Elle aima, fut aimée et mourut (Serge Lalou, CM) – 1990  Sans rires (Mathieu Amalric, CM) – Copie conforme ou la sœur d’Albert (Jean-Claude Marchant, CM) – 1991  Tableau d’honneur (Charles Némès) – 1992  Le bateau de mariage (Jean-Pierre Améris) – À l’heure où les grands fauves vont boire (Pierre Jolivet) – 1993  La vis (Didier Flamand, CM) – Le joueur de violon (Charles Van Damme) – 1994  3000 scénarios contre un virus : Poisson rouge (Cédric Klapisch, CM) –  Les Milles – Le train de la liberté (Sébastien Grall) – Une belle âme (Éric Besnard, CM) – Chacun pour soi (Stéphane Brisset, CM) –  L’appât (Bertrand Tavernier) – 1995  Fugueuses (Nadine Trintignant) – Capitaine Conan (Bertrand Tavernier) – Un héros très discret (Jacques Audiard) – 1996  Ultima hora (Laurence Meynard, CM) – Gorille, mon ami (Emmanuel Malherbe, CM) – L’homme idéal (Xavier Gélin) – Fred (Pierre Jolivet) – 1997  Place Vendôme (Nicole Garcia) – Dormez, je le veux ! (Irène Jouannet) – La mort du Chinois (Jean-Louis Benoît) – Le pari (Didier Bourdon & Bernard Campan) – C’est déjà Noël (Siegfried, CM) – Bonjour (Bruno Herbulot, CM) – Le septième ciel (Benoît Jacquot) -1998  Mauvaises fréquentations (Jean-Pierre Améris) – Romance / Romance X (Catherine Breillat) – Le plus beau pays du monde (Marcel Bluwal) – L’homme de ma vie (Stéphane Kurc) –  L’école de la chair (Benoît Jacquot) – En plein cœur (Pierre Jolivet) – Tout le monde descend (Laurent Bachet, CM) – Le sourire du clown (Eric Besnard) – Ma petite entreprise (Pierre Jolivet) – Innocent (Costa Natsis) – Coup de lune (Emmanuel Hamon, CM) – 1999  Les acteurs (Bertrand Blier) –  Promenons-nous dans les bois (Lionel Delplanque) – La débandade (Claude Berri) – Une pour toutes (Claude Lelouch) – Trait d’union (Bruno Garcia, CM) – Stop (Rodolphe Marconi, CM) – Stardom / Quinze moments (Denys Arcand) – Six-pack (Alain Berberian) – 2000  Vivante (Sandrine Ray) – Comment j’ai tué mon père (Anne Fontaine) – HS – Hors service (Jean-Paul Lilienfeld) – Le prince du Pacifique (Alain Corneau) – Recrutement (Didier Lauret, CM) – Liste rouge (Jérôme Bonnell, CM) – Pas d’histoires ! : Cyrano (Vincent Lindon, CM) – La fille de son père (Jacques Deschamps) – Parce que notre besoin de consolation (Jacques Fontanel, CM) – 2001  Le transporteur ( The transporter ) (Louis Leterrier & Corey Yuen) – En territoire indien (Lionel Epp) – Requiem(s) (Stéphane Guérin-Tillié, CM) – Grand oral (Yann Moix, CM) – Le frère du guerrier (Marc Jolivet) – Féroce (Gilles de Maistre) – Une employée modèle (Jacques Otmezguine) – Les âmes câlines (Thomas Bardinet) – L’adversaire (Nicole Garcia) – 2002  La mentale (Manuel Boursinhac, non crédité ) –  Remake (Dino Mustafic) –  Langue de cuivre (Aurélien Cabat, CM) – Mon idole (Guillaume Canet) – Je suis votre homme (Danièle Dubroux) –  Filles uniques (Pierre Jolivet) – Les amateurs (Martin Valente) – 2003  Le convoyeur  (Nicolas Boukrief) – La chaîne du froid (Hervé Lavayssière, CM) – Une vie à t’attendre (Thierry Klifa) – Le grand rôle (Steve Suissa) – Pour le plaisir (Dominique Deruddere) – Les choristes (Christophe Barratier) –  Méprise (Éric Le Roux, CM) – Narco (Tristan Arouet & Gilles Lellouche) – 2004  Le plus beau jour de ma vie (Julie Lipinski) – Les sœurs fâchées (Alexandra Leclère) – Toi vieux (Pierre Coré, CM) – Gemo 13 (Stéphane Rybojad, inédit) – Quartier VIP (Laurent Firode) – The transporter 2 (Louis Leterrier & Corey Yuen) – Edy (Stephan Tillié-Guérin) – 2005  L’ivresse du pouvoir (Claude Chabrol) – Le passager de l’été (Florence Moncorgé-Gabin) – Au royaume des cendres (Michaël Massias, CM) – Ne le dis à personne (Guillaume Canet) – Aurore (Nils Tavernier) – Pablo, mon père et moi (Stéphanie Tchou Cotta, CM) – 2006  Je crois que je l’aime (Pierre Jolivet) – Pur week-end (Olivier Doran) – Fragile(s) (Martin Valente) – La fille coupée en deux (Claude Chabrol) – 2007  Cash (Éric Besnard) – 15 ans et demi (François Desagnat & Thomas Sorriaux) – La différence c’est que c’est pas pareil (Pascal Laethier) – 2008  Transporter 3 (Olivier Megaton) – Le concert (Radu Mihaileanu) – Le siffleur (Philippe Lefebvre) – 2010  Au bistro du coin (Charles Nemes) – Un jour mon père viendra  (Martin Valente) – Escalade (Charlotte Silvera) – Blanche nuit (Fabrice Sébille) – 2011  Une vie de chien (Cyril Ethan Robert, CM) – La vie d’une autre (Sylvie Testud) – Un bonheur n’arrive jamais seul (James Huth) – Dead Man Talking (Patrick Ridremont) – 2012  La stratégie de la poussette (Clément Michel) – Max (Stéphanie Murat) – 12 ans d’âge (Frédéric Proust) – 2013  Palais de justesse (Stéphane de Groodt, CM) – Faim de vie (Jessica-Salomé Grunwald, CM) – 2014  Entre amis (Olivier Baroux) – 2015  Vicky (Denis Imbert) – 2016  C’est tout pour moi (Ludovic Colbeau-Justin). Voxographie : 2012  The Lorax (Le Lorax) (Chris Renaud & Kyle Balda, version française).

Divers : 2004, Participation aux « nouveaux refus » proposés en bonus du DVD du film de Laurent Baffie : « Les clefs de bagnole »

Dans « Le bureau »

Télévision : 1977  Au plaisir de Dieu (Robert Mazoyer) – 1978  Hamlet (Renaud Saint-Pierre, captation) – 1980     La cantatrice chauve (Alexandre Tarta, captation) – 1982  Messieurs les jurés : L’affaire Tromsé (Jean-Marie Coldefy) – Elle voulait faire du cinéma (Caroline Huppert) -1985  Meurtres pour mémoire (Laurent Heynemann) – 1987  Série noire : Main pleine (Laurent Heynemann) – 1989  Ceux de la soif (Laurent Heynemann, inédit) – 1990  La belle anglaise : La course contre la montre (Jacques Besnard) – En un mot / La valise en Karbau (Laurent Heynemann, CM) – Flash, le reporter / Libre comme l’air (Philippe Triboit) – C’est quoi ce petit boulot (Michel Berny) – 1991  Le piège (Serge Moati) – La femme de l’amant (Christopher Frank) – Feu Adrien Muset (Jacques Besnard) – 1992  Le bal (Jean-Louis Benoît) – Papa veut pas que je t’épouse / Mariage express (Patrick Volson) – La place du père (Laurent Heynemann) – 1993  Julie Lescaut : Harcèlements (Caroline Huppert) – Avanti (Jacques Besnard) – Pas si grand que ça ! / Le baby sitter (Bruno Herbulot) – Des héros ordinaires : La porte du ciel (Denys Granier-Deferre) – Entre chien et loups (Caroline Huppert) – Cherche famille désespérément (François Luciani) – 1994  Une page d’amour (Serge Moati) – La fidèle infidèle (Jean-Louis Benoît) – 1995  Madame le consul : Pili, prince des rues (Bertrand Van Effenterre) – Tous les hommes sont menteurs / Transports (Alain Wermus) – Un si joli bouquet (Jean-Claude Sussfeld)  – Madame le consul : Les disparues de la Sierra Madre (Joyce Buñuel) – 1996  Anne Le Guen : Les raisons de la colère (Stéphane Kurc) – Les Cordier, juge et flic : Refaire sa vie (Bruno Herbulot) – Le garçon d’orage (Jérôme Foulon) – Un homme (Robert Mazoyer) – Pardaillan (Édouard Niermans) – La parenthèse (Jean-Louis Benoît) – J’ai rendez-vous avec vous (Laurent Heynemann) – Le juge est une femme : La fille aînée (Pierre Boutron) – 1997  Commandant Nerval : Opération simulacres (Arnaud Sélignac) – Crimes en série / Le profileur : Le silence du scarabée (Patrick Dewolf, pilote) –  Un flic presque parfait (Marc Angelo) –  La grande béké (Alain Maline) – 1998     Victoire ou la douleur des femmes (Nadine Trintignant) – Un morceau de soleil / L’été de mes 16 ans (Dominique Cheminal) – Fleurs de sel (Arnaud Sélignac) – Baby Blues- Le boiteux (Paule Zadjermann) – 1999  Ces forces obscurent qui nous gouvernent (Olivier Doran) – Passeur d’enfant au Portugal (Franck Apprédéris) – 2000  L’héritière (Bernard Rapp) – 2001  Il Giovane Casanova (Le jeune Casanova) (Giacomo Battiato) – 2003  Les parents terribles (Josée Dayan) – 2005/06 Le bureau (Nicolas & Bruno) – 2007  Chez Maupassant : Le petit fût (Claude Chabrol) – Faisons un rêve (Bernard Murat, captation en direct) – 2008  Tailleur pour dames (Bernard Murat, captation en direct) – Le gendre idéal (Arnaud Sélignac) – Batailles (Jean-Michel Ribes, captation) – La vraie vie d’Omar & Fred (Tristan Carné, divertissement) – 2009  L’évasion (Laurence Katrian) – Les associés (Alain Berliner) – L’éloignement (Emmanuel Murat, captation en direct, présentation seulement) – Le pot de colle (Julien Seri) – Le gendre idéal 2 (Arnaud Sélignac) – 2010  Sentiments provisoires (Emmanuel Murat, captation en direct) – Le grand restaurant (Gérard Pullicino, divertissement) – Vieilles canailles (Stéphane Kurc) – Main basse sur une île (Antoine Santana) – 2011  Insoupçonnable (Benoît d’Aubert) – La chartreuse de Parme (Cinzia TH Torrini) –  2011/2012  Le transporteur (Andy Mikita, série) – 2012  Le dindon (Emmanuel Murat, captation en direct) – Zak (Arthur Benzaquen & Denis Thybaud, saison 3) – Crime d’état (Pierre Aknine) – Surveillance (Sébastien Grall) – Au cabinet (Camille Saféris, CM, série) – 2014  La clef des champs (Bertrand Van Effenterre) – Peplum (Philippe Lefebre) – 2015  Dix pour cent : François (Lola Doillon) – La main du mal (Pierre Aknine) – 2016  Du vent dans les branches de Sassafras (Emmanuel Murat, captation en direct). Voxographie TV : 2002  Mission banquise : Le voyage immobile (Emilio Maillé, documentaire, récitant) – 2015  J’parle pas aux cons, ça les instruit (Yves Riou, documentaire, récitant) – 2016  Le crunch toute une histoire (Félicien Taris, documentarire, récitant).

Théâtre  : 1973 à 1980 : une dizaine de spectacles avec Daniel Benoin, dont :  Les corbeaux de Henri Baecque, Théâtre Daniel Sorano, Vincennes / Deutch requiem de Pierre Bourgeade, Théâtre Daniel Sorano, Vincennes / La mandore de Romain Weingarten,  Théâtre Daniel Sorano, Vincennes /  La cantatrice chauve d’Eugène Ionesco, Comédie de Saint-Etienne /  Cache ta joie de Jean-Patrick Manchette,  Théâtre de Paris / 1982  Aldebert le botaniste de Van Chamisso – Mise en scène : Sophie Loucachevsky – Théâtre National de Chaillot /  1983   Déshabillage de Jean-Michel Rabeux  – Mise en scène : Jean-Michel Rabeux – Théâtre National de Cergy Pontoise / 1985  Mme de Sade de Mishima –  Mise en scène : Sophie Loucachevsky – Théâtre National de Chaillot et Athénée / 1986  Les désossés de Sirjacq – Mise en scène : Sophie Loucachevsky – Théâtre National de Chaillot / 1988  Judas Pilate de Paul Claudel – Mise en scène : Sophie Loucachevsky – Théâtre National de la Villette – 1990   La dame de chez Maxim’s de Feydeau – Mise en scène : Alain Françon – Théâtre du Huitième à Lyon – 1991 Partage de Midi de Paul Claudel – Mise en scène : Brigitte Jacques – Théâtre de l’Atelier et tournée en France /  L’empire de Michel Deutsch – Mise en scène : Michèle Foucher – Théâtre des Amandiers à Nanterre / 1992  Brûlez tout de Lanford Wilson – Mise en scène : Stephan Meldeg – Théâtre de La Bruyère /  1994-1995  Le retour de Harold Pinter – Mise en scène : Bernard Murat – Théâtre de l’Atelier – Tournée 1999-2000  Biographie : Un jeu de Max Frisch – Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia – Théâtre de Nice, Théâtre de l’Aquarium à Paris, Théâtre de la Commune à Aubervilliers et en tournée /  2002  L’enfant Do, de Jean-Claude Grumberg –   Mise en scène : Jean-Michel Ribes – Théâtre Hébertot / 2003/2004  Café Chinois, d’Ira Lewis – Mise enscène : Richard Berry – Théâtre de la Gaîté Montparnasse, + tournée province 2005 / 2007  L’arbre de joie, de Louis-Michel Colla et David Khayat – Mise en scène de Christophe Lidon / 2008  Batailles, de Jean-Michel Ribes et Roland Topor – Mise en scène : Jean-Michel Ribes (Rond-Point) – 2009  Sentiments provisoires, de Gérald Aubert – Mise en scène : Bernard Murat (Théâtre Edouard VII) – 2011 – 2013 : Quadrille de Sacha Guitry – Mise en scène : Bernard Murat (Théâtre Édouard VII, + tournée) – 2012  Le dindon, de Georges Feydeau : Mise en scène Bernard Murat (Théâtre Édouard VII, + captation) – Bons baisers de Manault, de Manault Deva (Théâtre La Bruyère, lecture) – 2013  ina d’André Roussin – Mise en scène Bernard Murat (Théâtre Édouard VII) – 2014  Deux hommes tout nus de Sébastien Thiéry – Mise en scène Ladislas Chollat, (Théâtre de la Madeleine).  Mise en scène théâtre : 1986  William de Bernard Crombey – Co-mise en scène avec Hubert Saint-Macary – Bataclan  

Nota :   On lui attribue très souvent les films de son presque homonyme François Berland dont la voix est connue (Le « Nicolas » des  « Carnets de Monsieur Manatane » par exemple). Pour la petite histoire, ils sont tout deux au générique du film de Gabriel Arcand « Stardom » sans avoir de scènes communes.    

Bibliographie :   « La lettre des Comédiens » N° 15/16 Décembre-Janvier 1999 : « François Berléand, comédien de notre temps » par Stéphane Copeau et Jean-Jacques Jouve. 

Sur les avatars du plagiat de la contre-façon, lire Dvdrama, un site pas très classe

THE QUEEN

Un certain dimanche 31 août 1997, la princesse Diana succombe à un accident de voiture survenu sous le pont de l’Alma. La popularité de cette personnalité est si importante, que la planète entière se met à la pleurer. Tony Blair- Michael Sheen – qui jouit d’une grande popularité, depuis sa récente élection comme « prime minister », pressent le phénomène. Il ne gardera pourtant pas cette clairvoyance durant toute sa carrière et le réalisateur nous le fait remarquer avec beaucoup de justesse. Elizabeth II, la reine – Helen Mirren -, confinée dans son château de Balmoral en Écosse, n’appréciait guère le comportement de Diana Spencer. Aussi elle préfère garder le silence, ne se rendant pas comte dans son isolement de l’ampleur de ce mouvement, ce qui choque les Britanniques. Tony Blair, après une prise de contact assez froide, finit par vouloir la convaincre. Dans ce rôle Michael Sheen, avait déjà expérimenté dans un téléfilm « The deal » en 2003, signé pour la télévision par Frears également, le comédien excelle dans un registre matois et arriviste. Son conseiller de communication lui conseille de célébrer cette icône iconoclaste naissante en qualifiant de « Princesse du peuple ». Il conforte ainsi sa côte médiatique. Cette radiographie de la société anglaise, signée Stephen Frears, dans cet épiphonème qui a suivi ce deuil tragique, est ici faite avec beaucoup de mordant. Mais ce n’est pas une satire, il y a réellement un effort de compréhension de découvrir la véritable personnalité de ceux cachés derrière les arcanes du pouvoir et des rites d’un autre âge et d’une rigueur inouïe. La royauté pouvant présenter pour nous un anachronisme pesant, on finit pourtant par ressentir l’attachement des Anglais envers elle. Le scénario de Peter Morgan est particulièrement brillant – il a reçu d’ailleurs l’Osella du scénario lors de la 63ème Mostra de Venise -, même s’il cède parfois à une symbolique un peu lourde, – l’anecdote du cerf, décidément très en vogue en ce moment -. Il montre brillamment l’inconstance de l’opinion publique, et la manipulation roublarde des médias. Évidemment, ça ne manque pas de sel quand on connaît la position actuelle de Tony Blair, dont l’image est désirlaus ternie pour les Anglais. Le Premier ministre est égratigné avec justesse quand la reine mère – Sylvia Syms – évoque son célèbre sourire du « chat du Cheshire » de Lewis Carroll. l faut voir la colère de cette dernière, quand elle voit que la cérémonie funèbre préparée à son intention, finit par servir pour celle qu’elle déteste. Tout ce petit monde est personnifié, avec un réel bonheur, dans ce petit jeu des convenances, James Cromwell – inoubliable interprète de « Six feet under », et américain type – est réjouissant en Prince Philip, réactionnaire à souhait.

Michael Sheen & Helen Mirren

Mais il faut s’attarder sur l’extraordinaire composition, tout en nuances d’Helen Mirren, dans le rôle d’Elizabeth II – elle a reçu la coupe Volpi toujours à Venise. Elle incarne avec beaucoup de justesse le destin exceptionnel de cette reine. Il suffit de faire la comparaison avec traitement poudré et compassé de Golda Meir et Ben Gourion, joués respectivement par Tovah Feldshuh et Ian Holm dans « O Jérusalem », pour souligner ici les mérites de ce film. Helen Mirren trouve l’essence de son personnage, en lui donnant une grande complexité, une noblesse de port, et nous faisant comprendre ce personnage à priori peu discernable à nos yeux.  Il y a une formidable empathie avec son personnage, dont la grande noblesse est la sauvegarde de son sens du devoir. Elle s’humanise malgré les travers d’une hypocrisie construite. Elle est même touchante quand elle finit par voler des moments de liberté au protocole de sécurité, au volant de son vieux véhicule. Tony Blair et elle, s’observe sans vouloir faire trop de concessions, Cherie Blair s’amusant en plus de ce protocole désuet autour de cette souveraine – Helen McCrory d’une drôlerie superbe -. Ils finissent par s’apprécier finalement, dans une idée de partager des intérêts communs. Ils baisseront la garde devant une situation qui les dépasse, Blair finissant même par la défendre la monarque devant son état major, en maugréant après de l’inconstance la princesse Diana, statufiée par l’opinion comme une sainte laïque. Il faut saluer l’audace de vouloir évoquer la vie privée des grands de ce monde, même si on du mal à retrouver le Prince Charles dans l’incarnation d’Alex Jennings, et d’imaginer avec un vérisme certain ce qui se cache derrière la comédie du pouvoir. Frears prouve que l’on peut être vachard, tout en étant respectueux finalement. On est très loin de la grosse farce que l’on pouvait attendre dans le traitement de ce sujet. Stephen Frears de film en film, continue à se renouveler, garde son acuité au monde, aussi bien dans une grosse machinerie américaine que dans un petit budget se passant en Irlande. Derrière le travail de reconstitution minutieux, il arrive à nous faire comprendre ce que représente cette monarchie, pourtant ruineuse, pour les Anglais, ce qui n’est pas une petite affaire. La mise en scène est enjouée, et il arrive, cas extrêmement rare, à faire parfaitement coexister des images d’archives – celles de Lady Di -, et le jeu de comédiens. Il est étonnant de voir que ce réalisateur avec Mme Henderson présente, nous propose deux des meilleurs films de l’année et continue avec une belle constance de nous montrer son grand talent. God Save the Frears !

C’EST BEAU UNE VILLE LA NUIT

C’était le début 1994, je croise le chemin de Richard Bohringer, venu accompagner le cinéaste Charles Matton et le chef opérateur Jean-Jacques Flori, venus présenter l’avant-première de « La lumière des étoiles mortes » au cinéma L’Arlequin à Paris. La semaine suivante, était présenté « L’Italien des roses », grand premier rôle du flamboyant Richard, signé Matton également, l’occasion de retrouver sa grande flamme dès le début de sa carrière. L’homme est très plaisant, accessible, il est sorti un petit peu avant, peu très sensible au débat d’après film. Je me retrouve à discuter avec lui, ainsi qu’une autre personne. Il nous parle de la mort tragique du cinéaste Maroun Bagdadi, et de l’impossibilité pour lui de lui rendre hommage, dans l’indifférence des médias. Tout naturellement, il parle de son projet de film adapté de son beau roman « C’est beau une ville la nuit », et des divers refus des réseaux de production. Il cite l’institution de « L’avance sur recettes » qui le boude, « Je suis ennemi des intelligents ! », déclarait t’il. A voir sa ferveur, je me mettais à avoir des images du film dans ma tête, et quand on croise un homme comme ce grand comédien, il reste une trace indélébile devant sa passion. Près de 13 ans plus tard, c’est l’avant-première de ce film enfin, à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux, organisé en sa présence, que je découvre enfin ce film. Et ça valait le coup d’attendre toutes ces années pour retrouver son énergie, fort de son expérience de réalisateur à la télévision, avec « Les coquelicots sont revenus » et « Poil de carotte ». Dès les premiers plans, la tendresse est au rendez-vous, avec le petit monde du  » bar de la dernière chance », où chacun refait le monde. Il était conscient de devoir ne pas rater cette scène. C’est le quartier général des amoureux de la nuit, et le point de ralliement des amis. La scène a son dynamisme, tout ce petit monde est embarqué dans la folie ambiante.  Avec le budget d’un téléfilm, et l’absence des régions au financement, Bohringer a réussi enfin à faire son adaptation en trouvant de belles fulgurances, co-écrites avec Gabor Rassov. Il nous montre sa chaleur sur les hommes, et sur ses compagnons de routes, au dénominateur commun d’avoir une âme blessée. Il sublime, la poésie des zincs, la rumeur des villes, il a tourné en France, au Canada et au Sénégal – Il a, on le sait, adopté la double nationalité franco-sénégalaise -. Conciliant 50% d’écritures, et 50% de spontanéité, il nous dresse le portrait de Richard, homme blessé, mais à l’enthousiasme intact. Autour de lui, gravitent ses compagnons de beuveries. Chanteur, il suit ses tournées musicales autour de la France, peu aidé par un manager excentrique – belle folie de Jacques Spiesser -, avec ses fidèles musiciens. Il se sert de ses souvenirs et de ses écrits, pour les récréer, en tirer des essences de vie. Il nous racontait avoir débuté d’ailleurs, en première partie de Vince Taylor, sous le nom, trouvé par ce fameux manager… de Richard Blues ! Le personnage hilarant du cycliste sous amphétamines – joué par Nicolas Tronc -, est aussi un personnage réel.

Richard Bohringer

Il y a beaucoup d’humour, du musicien amoureux trahi qui ne cesse de vouloir se supprimer, aux concerts parfois miteux dans quelques campagnes, tel la répétition organisées dans un local, royaume des poules. L’écriture tourmentée de Richard Bohringer trouve ici un écrin dans ce film. Sa manière de filmer les lumières des cités et de ses murmures lointains, son ode amoureux au Sénégal, aux paumés du petit matin chers à Jacques Brel, nous électrise tant son humanité éclate. Il parle de ses dérives, de sa jeunesse meurtrie broyée par le démon de la drogue, mais émaillée de rencontres spectaculaires, comme une prostituée, junkie un musicien noir, un policier désabusé mais humain – Daniel Duval d’une grande justesse – ou l’amour de sa grand-mère – Annie Cordy dont il a salué l’énergie et sa vitalité dans ses improbables tenues de scènes -. Sa fille est aussi présente – lumineuse Romane Bohringer -, présente à ses côtés quand l’alcool lui fait tutoyer les anges, et qui nous donne sa vision du métier d’actrice. Robinson Stévenin personnifie très bien le Paulo, avec sa machine à écrirede la marque « Underwood », une véritable antiquité qui ne serait pas indigne d’un Chester Himes. Les périodes, les livres, les films se télescopent pour cette machine à vivre, si bien personnalisée par ce comédien. Il y a aussi une belle idée d’utiliser quelques mal-aimés du cinéma français, souvent réputés ingérables, suivant quelques échos nous parvenant du petit monde du cinéma français. Le réalisateur dénote n’avoir eu aucun problèmes avec eux, il les utilise avec chaleur, citons Farid Chopel en berbère aveugle, Luc Thuillier en cafetier enthousiaste ou Rémi Martin en ami perdu de vue. François Négret incarne parfaitement Bohringer jeune, apportant avec lui ses propres blessures. Il est ici très touchant, curieux parcours pour ce comédien prometteur, qui se retrouvait, il y a peu, simple figurant dans une scène d’ascenseur dans « Caché » de Michael Haneke. On retrouve aussi Annie Girardot, dans une brève apparition – on la préfère ainsi qu’aux mains de sinistres charognards style « Paris Match » -, Sonia Rolland dans un rôle inattendu, ou une Gabrielle Lazure amusée. On retrouve ici l’univers de « La blonde » et de « Paulo » cher à Bohringer. Il trouve dans une économie de moyens, aidé au financement par l’ex-rugbyman Denis Charvet, présent également avec ses deux musiciens. Le réalisateur tient à défendre son film – il venait de faire le jour même une interview pour RTL -. Il fallait le voir parler des techniciens, avec lesquels ce n’était pas « Une lune de miel », et mimer celui qui désigne sa montre lors de la pause déjeuner. « Mais les poètes n’ont jamais faim ! » -. L’enthousiasme du comédien, inentamé dans ce voyage initiatique, renouait ce soir là avec son public. Si vous aimez cet acteur, nous ne pouvez qu’aimer son film… 

LES FRAGMENTS D’ANTONIN

Avant-première le lundi 23 octobre, du premier long-métrage de Gabriel Le Bonin, en sa présence, celle de la productrice Alexandra Lederman et du comédien Grégory Dérangère. Le film commence sur des images d’archives, d’une grande force, comme intactes et préservées par le temps. Des grands traumatisés de la première guerre mondiale, sont filmés par les psychiatres soignants de l’armée. Ils sont secoués de tics, et montrés nus pour bien montrer que leurs attitudes ne proviennent pas de blessures physiques. Intervient ensuite le personnage d’Antonin, qui alterne cinq gestes de manière obsessionnelle. Antonin est joué par Grégory Dérangère, et il passe aisément le test impitoyable de jouer ses scènes après des archives à fort pouvoir émotionnel. C’est au travers de son regard que l’on va suite les conséquences de la guerre. Il est un colombier, un peu en retrait face aux atrocités des étrangers, mais vite rattrapé par les dures réalités. Il ne trouve de consolation qu’à retrouver l’accorte Madeleine Oberstein – la trop rare Anouk Grinberg, une humanité blessée et un charme fou -, infirmière blessée par la vie, qui doit faire au mieux dans un hôpital de fortune dirigé cyniquement par le professeur Lantier – impressionnant Niels Arestrup -. Il termine pourtant, très traumatisé dans le service du professeur Labrousse – Aurélien Recoing égal à lui-même -, pionnier de la psychiatrie, qui cherche à décoder ses tics nerveux, et refaire surgir l’homme derrière la souffrance, quitte à lui faire revivre des moments limites. Grande est la satisfaction de découvrir un film sans rien connaître de son sujet, et de découvrir une indéniable maîtrise de mise en scène. Le film doit le jour grâce à la ferveur de la productrice Alexandra Lederman, qui séduite par le talent de Gabriel Le Bomin, en ayant vu ses courts-métrages, a souhaité développer un sujet avec lui. La recherche et la documentation, font de ce film, une œuvre originale, d’une grande probité, il est vrai que le metteur en scène avait pour modèle le méconnu « Les hommes contre » de Francesco Rosi – film assez rare, bien que parfois diffusé par Patrick Brion -. La genèse du film, n’a pas été simple, les divers partenaires télévisuels et les maisons de productions furent particulièrement rétive devant ce sujet. C’est donc dans une économie de moyens – difficilement visible tant le film est réussi -, et l’enthousiasme de ses divers participants, que ce film a réussit à voir le jour. Les scènes de guerres sont ici véristes, loin des aspects carton-pâtes de certains films français récents. La vision des tranchées est saisissante, on se souviendra longtemps du lieutenant poussant ses troupes au casse-pipe – formidable Pascal Demolon -, quitte à fustiger les siens.

Grégori Dérangère & Anouk Grinberg

Chaque scène a sa cohérence, le réalisateur décortiquant habilement les mécanismes de l’armée à l’instar du grand comédien Yann Collette, figurant un capitaine pris en contradiction entre ses devoirs de meneurs, et l’absurdité de la guerre. Collette avec son histoire amène une authenticité, une force considérable, et une bel analyse des combats à mener, il a une mission à tenir, il passe outre de ses états d’âmes. On passe aisément des moments douloureux, des choix à tenir, l’ennemi n’étant pas forcément l’Allemand, à l’exemple de la belle scène avec Laure Duthilleul et Richard Sammel. Tout manichéisme est évité avec intelligence. L’émotion est présente, des mains qui se frôlent entre Madeleine et Antonin, ont une sensualité exacerbée. Le débat fut passionnant, Gabriel Le Bonin, parlant admirablement de son travail, de son regard sur la guerre, de ses recherches. Avec une grande force de conviction, il a réussi à faire tenir des propos louangeurs de la part de hauts-militaires présents – il n’y a rien à en dire, venir au cinéma avec la légion d’honneur, ça le fait !, quitte à faire déguerpir quelques pécores venus malencontreusement s’installer à côté d’eux. Il est vrai que de voir un premier film aussi abouti devient extrêmement rare. C’était plaisant de découvrir aussi l’énergie de sa productrice – une jeune femme au lumineux regard -, voulant retrouver la force de films comme « Midnight express » et « Voyage au bout de l’enfer ». Autre force du film, l’interprétation de Grégori Dérangère, qui dégage une grande force, sans que l’on sente aucunement un effort de composition. Il est conscient que c’est un rôle payant, l’Antonin d’avant le traumatisme n’étant pas le même homme en 1919, mais il transcende son personnage. Il a dû commencer par les scènes de l’hôpital – il se mettait en retrait de ses partenaires -, avant de jouer les scènes intimes avec Anouk Grinberg, avant de finir sur les scènes de carnages. Ce comédien est véritablement l’un des meilleurs comédiens actuels, comme le confirme sa superbe incarnation d’un paysan secret, mouvance Gabin première manière dans « Le passager de l’été ». Il reste formidablement modeste, attribuant tous les mérites à son metteur en scène, alors qu’il incarne un homme blessé à la perfection, avec beaucoup de vérisme et de force. Le film ne devant pas avoir beaucoup de couvertures médiatiques, vu son petit budget, il est important de ne pas le rater. Contribuons donc à un « bouche-à-oreille » enthousiaste, car on ne voit que très peu de films de cette qualité. Vous ne le regretterez pas. Sortie le 8 novembre.

LE COIN DU NANAR : C’EST PAS PARCE QU’ON A RIEN A DIRE…

« …Qu’il faut fermer sa gueule ! ». Non ce n’est pas le sous-titre du « support-technique » – je mets des guillemets, bien sûr – de mon ancien hébergeur de blog, où un énervé destitué insulte les blogueurs, avant de censurer ensuite une de ses notes vipérine. Ce n’est pas non plus, le résumé général de l’actuelle campagne présidentielle… C’est en fait le titre de l’un des sommets de la comédie désolante franchouillarde. On doit ce monument au cinéastes Jacques Besnard, sorti en janvier 1975, d’après une idée originale de Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Christian Clavier – ce dernier étant alors, coïncidence, le beau-fils du producteur Yves Rousset-Rouard -. L’histoire est simple, une minable histoire de casse, entre « Le pigeon » et « Faites sauter la banque ». Riton et Max – Jean Lefebvre et Michel Serrault -, deux escrocs pathétiques et benêts, sont renvoyés par Phano, receleur qui se prend pour un génie – Bernard Blier, au mieux de sa forme -, vu la petitesse des résultats. Mais Phano a l’idée du siècle, fracasser le mur dans les toilettes publiques de la Gare de l’Est, dans le WC N°3, qui se trouve être mitoyen avec une pièce contenant un coffre-fort richement pourvu… L’idée n’est pas fracassante, rajoutant à cela les poussifs dialogues de Jean Halain et Albert Kantoff, louchant méchamment sur l’écriture de Michel Audiard, le talent en moins, à l’exemple de cette phrase de Blier à Serrault : « Le jour où on mettra les cons dans un panier, tu ne seras pas sur le couvercle ». Evidemment, à la lourdeur ambiante, aux vapeurs d’urine, vient un petit côté scatologique. Notre trio de bras cassés, doivent percer le mur en plein jour, dans un lieu de forts passages, histoire de voler les recettes de la SNCF. Et il y a un obstacle colossal, le cerbère local qu’est la dame-pipi, – Tsilla Chelton, hilarante, excentrique, et professeur de l’équipe du théâtre du Splendid -. Il faut la voir véritable furie, gouverner son petit monde, déployer ses dons pour les langues avec les touristes étrangers. Mais elle ménage les habitués, dont Gaston, un contrôleur SNCF – mais qui contrôle plus l’accès des quais que sa vessie -. Gaston c’est Gérard Jugnot, dans un running-gag désolant, accompagné d’une petite musiquette de Gérard Calvi.

Tsilla Chelton, Bernard Blier, Michel Serrault & Jean Lefebvre

Evidemment, difficile pour le trio infernal de passer inaperçu avec cette terreur. Ils ne trouvent rien de mieux, que d’aligner les déguisements les plus improbables, un moine, un anglais, un pêcheur, des plombiers, et se disputent même certains costumes – moment culte où Michel Serrault chiale comme un gosse, parce que Lefebvre lui a piqué son costume d’Écossais -. Pas un modèle de discrétion ! Le petit monde trouble des sanisettes n’arrange rien à l’affaire, c’est une série de trognes qui défilent – dont Marcel Gassouk et Sébastien Floche, noms que je viens de soumettre dans la fiche du film chez IMDB -. Cerise sur le pudding, arrive Christian Clavier, en policier homosexuel. Il faut le voir draguer Bernard Blier, grand moment de n’importe quoi, il hume amoureusement sa nuque à grande force de mimiques. Le Clavier 75, ressemblant furieusement à Nicolas S., version minaude, cette représentation des forces de la loi a un petit côté furieusement subversif. Pas de Thierry Lhermitte pourtant souvent crédité dans se film – rôle coupé au montage ? -, mais on retrouve quelques seconds rôles comme Maurice Travail en automobiliste pressé, Max Amyl en agent de police narquois, Marion Game qui ne fait que passer, et Armel de Lorme me signale aussi Henri Coutet en contrôleur et Madeleine Bouchez en vieille dame outragée. Mais le film malgré l’absence de mise en scène chère à Jacques Besnard – déjà évoqué ici même – a un charme fou, un petit côté transgressif dans le mauvais goût assumé, malgré tous les clichés du cinéma comique d’alors. Bernard Blier est superbe, il fait preuve de grandeur même avec ces dialogues frelatés, Michel Serrault joue la carte du décalage amenant un brillant non-sens, et Jean Lefebvre, en improbable tombeur qui a du « Peps » ne démérite pas de ses deux partenaires monstres sacrés, ce qui prouve à nouveau que son talent est sous-estimé. Combien de nos nanars actuels auront ce même charme dans trente ans, tant nos comiques actuels se galvaudent rapidement…