Monsieur Besson,  la mode est à la pseudo-lettre pour un destinataire qui ne la recevra évidemment pas, du genre faussement intime. J’étais parti pour l’insulte genre  « A bas Luc Besson », à la vision de votre dernière bessonade « Bandidas », grâce au « Dictionnaire des injures » de Robert Édouard édité chez Tchou en 1970 et trouvé chez un bouquiniste. A bas signifie selon lui  : « Se lance sur le passage de quelqu’un qui n’a pas les pieds sur terre (qui est dans les nuages, ou dans la lune), pour l’inciter à reprendre contact avec le monde réel. Parfois, pour exprimer le désir – ou annoncer le projet qu’on a formé – de faire descendre un individu quelconque du piédestal où il est abusivement hisser… ou à qui l’on reproche, plus encore que d’être allé trop loin, d’en être revenu… » . Bon le début ça ne colle pas trop, vous avez les pieds sur la terre, mais la seconde partie est probante. Mais les insultes ne sont pas très constructives, et d’abord quand on va voir un film écrit par Luc Besson – je sais ça fait toujours rire -, il ne faut que s’en prendre à soi, on ne va pas se régaler quand on va voir un « speed rabbit movie ». Car j’ai changé de comportement depuis que je suis « ugécétifié »,  encarté quoi, je délaisse les films d’auteurs diffusés à l’UTOPIA uniquement, pour aller voir des divertissements sans âmes tel ce « Bandidas » bas de gamme. Je me dis pourquoi pas, c’est en V.O. dans l’UGC local, les deux comédiennes sont plaisantes, il y a Steve Zahn excentrique patenté, et même Sam Shepard, dans l’increvable cliché du mentor. Pour ce dernier, ce film est la seule ombre au tableau d’une filmographie exigeante, on dirait un des films tournés par son personnage d’Howard dans le film de Wim Wenders, « Don’t come knocking ». Le film est cornichon à souhait, même pas bandant, même pas plaisant. Penelope Cruz vous commande un projet pour qu’elle puisse tourner avec Salma Hayek. Ni une, ni deux, la machine à dupliquer les films déjà existants, est en marche, l’équation est simple « Les pétroleuses »,  film désinvolte, mais charmant de Christian-Jacque, avec le duo sensuel Claudia Cardinale – sublimissime – et Brigitte Bardot, + « Viva Maria » (1965) de Louis Malle avec Bardot toujours et Jeanne Moreau, à défaut d’être original. Donc on retrouve Sara – Salma Hayek -, fille d’un riche banquier et Maria fille d’un pauvre peone – Penelope Cruz -, aux prises avec un des méchants les plus pitoyables de ces dernières années, « Tyler Jackson » – joué par Dwight Yoakam zombiesque à souhait -.

Hayek + Cruz : Europacorp… fixe

Au final entre deux gags lamentables – le hoquet de Sara, répété à l’envi… -, l’esthétique publicitaire – et pour cause vous avez péché deux publicitaires norvégiens Joachim Roenning & Espen Sandberg, on dirait un canular -, des animaux crétins-malins à la Morris – on finit par regretter les « Dalton » de Philippe Haïm, c’est dire…-, on subit la musique poussive d’Éric Serra. Pourtant il y a des moyens, une belle photo de Thierry Arbogast mais que l’on préfère au service d’un Jean-Paul Rappeneau, des décors reconnus de l’État de Durango, si souvent utilisés. On ressort de ce film avec une triste impression de gâchis. Monsieur Besson, donc, non content de planquer votre cynisme derrière une roublardise, de celui qui n’a pas cédé aux sirènes hollywoodiennes, et est resté simple circulant à Paris en moto. Tout chez vous est calcul, entre les déclinaisons « Nikitesques », service minimum du film européen louchant sur l’International, vous faites même des petits comme Roselyne Bosch et son pathétique « Animals », la prétention en plus, les effets d’annonce et la stratégie du secret. Tout est assez vain chez vous, de l’apologie du suicide du « Grand bleu » – quand on attend un enfant de Rosanne Arquette céder à l’abîme c’est d’une noirceur inouïe -, à l’improbable cliché du tueur solitaire. Comme je suis un peu couillon  – d’ailleurs je suis resté chez 20six après migration, pensant naïvement qu’il va y avoir quelques progrès, c’est dire si j’ai ma dose d’imbécillité… -, j’attends de vous une prise de conscience, un changement de cap dans votre fumisterie généralisée, que vous aidiez quelques metteurs en scènes, et non d’utiliser certains talents qui font bien dans le CV – j’ai entendu le témoignage de Jean-Paul Rouve sur le film « Bunker paradise », distribué sans conviction par « Europacorp » -. Vous dites travailler pour le public, dont je fais parti, mais on vous soupçonne de participer à la restauration de votre château, et cessez votre chantage affectif et  puéril sur votre présumé abandon comme cinéaste après menace de largage de créatures Minimoys. Je suis assez naïf, mais un auteur qui avait pour acteur fétiche Jean Bouise, ne peut pas être foncièrement mauvais.