Membre de l’équipe de cinéastes gravitant autour de Lars Von Trier, Susanne Bier suit ici les voies du dogme, avec le bonheur d’un cousinage avec le beau « Festen » de Thomas Vinterberg, auquel on pense beaucoup en retrouvant son protagoniste principal : Ulrich Thomsen. La réalisatrice qui a déjà filmé « Open Hearts » respectant les contraintes du « dogme », gimmick efficace Vontrierien, cite d’ailleurs ce grand film, avec quelques scènes ironiques de repas, dont une où une petite fille règle ses comptes avec son père. Même si ce film danois n’égale pas la réussite du précédent, le film a une acuité de regard indéniable. Le postulat de départ est le suivant, Michael – Ulrich Thomsen donc – va chercher son frère Jannik de prison – Nikolaj Lie Kaas -. Tout oppose les deux frères qui s’aiment énormément, Michael est le fils préféré de son père, a une épouse sublime – Connie Nielsen, vue il y a peu en femme fatale dans « Faux amis » d’Harold Ramis -, deux filles adorables, un métier solide de militaire, une maison de rêve, Jannik, lui est asocial, a raté lamentablement un braquage de banque, boit beaucoup et est anti-conformiste. Le retour du fils prodigue ne fait pas plaisir à son père, un taiseux patenté, mais Jannik tente de s’intégrer. Michael part lui en mission pour l’ONU en Afghanistan…
Connie Nielsen & Ulrich Thomsen
Sans vouloir déflorer l’histoire, le postulat de départ va être malmené sérieusement. Dans un climat faussement rassurant d’un pavillon familial, un évènement redéfinit les liens, certains étant rapidement effilochés, d’autres se solidifiant. Le scénario d’Anders Thomas Jensen, est brillant et non dénué d’humour, à l’image de la mère de Jannik qui lui prépare un canard, croyant par on ne sait quel quiproquo, que c’est le plat préféré de son cadet. Les deux frères ont du caractère qu’ils vont utiliser parfois de manière surprenante pour des questions de survie. Comme « Festen » les apparences vont valdinguer, laissant poindre la détresse ou même la folie. Avec beaucoup de pudeur, malgré quelques maniérismes de mises en scènes, comme l’inévitable caméra portée séquelle du dogme – ce film ne respectant pas toutes les contraintes, ne peut donc pas y appartenir – assume ici les névroses de ses personnages. Les acteurs sont solides, la musique est envoûtante. On retrouve de réelles qualités, une aptitude à décrire l’intimité comme une agressivité étonnante. Susanne Bier a réussi à faire un film à l’atmosphère prenante de bout en bout.