La critique attendait au tournant, ce film de Marco Tullio Giordana, seul film italien en compétition officielle au festival de Cannes 2005. On le sait, elle aime bien démolir, ce qu’elle a adulé, ici pour « Nos meilleures années » (2002), traversée fleuve très réussie de l’histoire de l’Italie. Le réalisateur renoue avec la tradition du néo-réalisme italien, en prenant pour base un livre de Maria Pace Ottieri. Il dresse un portrait de l’Italie contemporaine, et de l’immigration, dans un pays où traditionnellement on émigrait plutôt. Je pose un SPOILER, ici, si comme moi, vous voulez avoir le plaisir de voir le film, vierge de toutes informations. Le film retrace l’histoire de Sandro – Matteo Gadola, très juste -, âgé de 12 ans, fils d’un industriel, intelligent,  qui a toutes les chances pour démarrer dans la vie. Un été, il part en croisière sur un navire de plaisance, avec son père, Bruno – Alessio Boni, déjà vu dans « Nos meilleurs années », en papa-copain -, et son ami propriétaire du bateau. Une nuit, il tombe malencontreusement à l’eau, il pense qu’il va mourir, mais est finalement sauvé grâce à un bateau d’immigrés 17 ans, et il est rapidement pris sous la protection de Radu, un jeune roumain en exil, accompagné de sa très jeune sœur…

Matteo Gadola 

Le film parle habilement de survie, pour Sandro, dans un élément qu’il n’était pas préparé à affronter, et dans cette épreuve, il va se retrouver face à la détresse d’une humanité d’infortunés abandonnés à un sort tragique. Sandro, va se trouver des capacités insoupçonnées, loin de son confort bourgeois. Le cinéaste évite le pathos, pour trouver la manière juste, de faire confronter deux univers, l’un aisé, l’autre, composé de ceux qui doivent fuir clandestinement de leur pays, et composer face à la roublardises de deux passeurs profiteurs, et l’intransigeance d’une administration peu compatissante.  Le cinéaste ne joue pas avec les rouages d’un scénario manipulateur, il nous donne des informations susceptibles de nous laisser entrevoir la vérité derrière l’apparence. Si on peut noter quelques maladresses, dont les scènes d’exposition un peu trop longues, Marco Tullio Giordana, montre bien les affres de l’adolescence, et la dure route pour arriver à la maturité. Si ce n’est le décalage de retrouver la musique de Georges Delerue,  « La peau douce », nous ramenant à un curieux décalage, et quelques maladresses de scénario, le film reste probant, sans angélisme. La distribution de comédiens peu connus chez nous, à part Adriana Asti, en responsable d’adoption, est très juste, saluons la jeune Ester Hazan, très poignante dans le rôle de la soeur de Radu. Évitant tout didactisme, même si un peu lénifiant, il fait l’effort de parler de son époque, ce qui manque cruellement au cinéma français en ce moment. Le cinéma italien a tellement frappé nos mémoires cinéphiles, que l’on est toujours heureux d’avoir de ces nouvelles.