Katia, remake, vingt ans après du film de Maurice Tourneur (1938) avec Danielle Darrieux et John Loder, est un avatar post-Sissi, qui se suit allégrement même si l’on a jeté son âme de midinette aux orties depuis longtemps. L’eau de rose est distribuée sans modération, mais le talent tout terrain de Robert Siodmak est à nouveau confirmé, même ici dans le mode mineur. On lui doit nombre de classiques du film noir hollywoodien : “Les tueurs”, “La double énigme”, “La proie” et du cinéma français “Mollenard” ( (1938) – l’un de mes films de chevet – ou le formidable “Pièges”. La Russie tsariste est presque crédible avec sa distribution franco-allemande, Siodmak se révélant à nouveau un maître. Il utilise les décors avec efficacité, loin de l’atmosphère empesée du cinéma qualité France, assez sclérosée des années 50. Curd Jürgens joue un Tsar Alexandre II, assez caricatural, – il prend conscience du servage, en voyant un pauvre serf – inattendu Paul Mercey -, obligé de vendre son cheval. Il tombe amoureux de la jeune Katia – Romy Schneider, sur le mode mutin, doublée ici nous informe “La gazette du doublage” par Janine Freson –.

Romy Schneider & Curd Jürgens
Il a beaucoup d’excellents interprètes de Monique Mélinand, tsarine Maria, malade mais lucide, elle est très touchante, Margo Lion en surveillante de pensionnat rigoureuse, Gabrielle Dorziat en directrice de ce même pensionnat amusée par les petits mensonges de Katia, Germaine Delbat inévitable servante des Dolgorouski, le maniéré Hubert Noël en frère de Katia, Robert Le Béal en baron messager, et on s’amuse à reconnaître la voix et la silhouette de la débutante Monique Tarbès en jeune pensionnaire . Et il y a Paul Mercey – oublié des dictionnaires de Raymond Chirat -, qui pour une fois ne joue pas un français barbu, mais un pauvre paysan inféodé, qui accueille avec générosité le Tsar, ne le reconnaissant qu’en voyant son profil sur une pièce. On ne le reconnaît pas tout de suite d’ailleurs son visage étant mangé par une barbe fournie. Dans le petit groupe des révolutionnaires, on retrouve Michel Bouquet inquiète en révolutionnaire intransigeant – une présence incroyable déjà -, Françoise Brion en révolutionnaire sensible, Alain Saury attentiste nerveux, un inhabituel Bernard Dhéran raisonnable mais déterminé, Yves Barsacq en fourbe de service, Antoine Balpêtré ancien sentencieux et le débutant Laszlo Szabo – avant d’être l’acteur fétiche de la nouvelle vague -, l’un des plus virulents, abattu suite à une sombre ruse. Et il y a Pierre Blanchard en Koubaroff, chef de la police, complotant allègrement contre les réformes du Tsar transformé par l’amour (envoyez les violons). Il s’impose encore une fois comme l’un des acteurs démesurés – cabotin ? – du cinéma mondial. La nuance n’étant pas un concept intégré dans son jeu, ça en devient (presque) jubilatoire, entre électrocution et épilepsie. Ce film d’un honnête artisan, est à conseiller, même si l’on n’est pas trop amateur de “guimauve”.
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Annonce de la mort l’acteur canadien James Doohan, célèbre pour avoir été Scotty, dans la série “Star Trek”.

“Plus ça va moins ça va” (1977) est un film atypique, déconcertant, loin d’être la comédie attendue et franchouillarde telle qu’est définie sur l’affiche du film. C’est l’été. Le film commence par l’enquête d’un tandem inédit de policiers fatigué enquêtant sur un crime particulièrement odieux – une femme pendue dont les poils pubiens ont été mis dans sa bouche ! », dans une campagne écrasée de soleil. Le tandem anthologique est incarné par Jean-Pierre Marielle & Jean Carmet, que l’on retrouvera souvent ensuite chez Jean-Daniel Verhaeghe pour la TV… Ils se retrouvent devant une villa somptueuse habitée par de riches oisifs, peu concerné et qui s’ennuient mollement avec une indolence cynique. Il y a Henri Garcin – il est excellent en n’ayant pas grand chose à faire -que trompe sa femme avec un jardinier frustre – Niels Arestrup -, Mort Schuman en producteur décalé parlant italien avec Carlo Ponti, et retrouvant seulement là un peu d’entrain. Il semble amoureux encore de sa femme. Il y a également un acteur célèbre, joué par Louis Jourdan qui s’amuse à écorner son image en incarnant un vieux beau, dont personne ne semble se souvenir des rôles – Carmet parle d’un film avec une épée, sans se souvenir du titre. Il promène un spleen encore plus grand que les autres invités, désabusé il se déguise en clown blanc et discute avec sa maîtresse et il semble revenu de tout. Sa jeune compagne est jouée par Caroline Cartier, qui est morte prématurément, leur discussion sur la mort prend ici un tragique aspect, Jourdan la voyant mourir sans bruit, et elle évoquant le panache (selon elle) du suicide de Georges Sanders. Le reste de la distribution est espagnole, pour cause de co-production, ce qui rajoute encore en bizarrerie.
Le producteur Matthew Vaughn, sage producteur de Guy Ritchie, transcende assez ici un polar routinier, où un trafiquant de drogue, voulant se retirer, se voit comme précurseur, sorte de représentant nouvel âge dans une société qu’il compare au temps béni du polar de la prohibition. Le film est une adaptation d’un roman de J.J. Connelly’s l est vrai que l’on est en manque côté français, à part les films d’Olivier Marchal, le polar s’est réfugié chez nous à la TV, où d’innombrables flics irréalistes rivalisent en clichés et en médiocrité. Ce film réveille donc chez nous un plaisir de cinéphile, faisant preuve d’ingéniosité et de roublardise, d’une bande son efficace. On suit donc avec intérêt le minéral Daniel Craig, archétype du voyou solitaire sans nom, dans ses pérégrinations et la succession de problèmes aux quels il est confronté.
On pense en voyant ce film d’Edmond Bensimon, à “I Vitelloni”, des marginaux qui se laissent vivre aux crochets du système, curieuse vision des choses vu le contexte économique ayant changé. Mais nos sympathiques marginaux trouvent ici grâce au yeux du metteur en scène, grâce à la folie contagieuse du personnage de Jean-Claude Meunier. La cinquantaine fatiguée, il est incarnée par un impérial Gérard Darmon. Jean-Claude survie à sa petite condition, grâce à son admiration idolâtre de Charles Aznavour – il s’est engagé à la Légion, après avoir vu “Un taxi pour Tobrouk” -. Il bafoue son neveu orphelin, qu’il élève comme il peut. Il supporte les sarcasmes des pipelettes locales et noie son désarroi dans l’alcool. Mais le film débute par son sursaut de dignité, il décide d’aller en pèlerinage à pied de Roubaix à Paris, voir le célèbre chanteur en concert. Il embarque son neveu, qui se prend au jeu de le filmer, Jean-Claude voulant laisser une K7, au grand Charles. On suit donc leur trajet picaresque, on n’est pas loin de l’esprit des “Brancaleone”, ils entraînent dans leur folie Arsène un chômeur antillais exilé, pour des histoires familiales, et Boris – Zinedine Soualem – un éboueur simplet, qui ne peut commencer une phrase sans dire “en tout cas”.
Le nanar du jour est “O.K. Patron” film réalisé en 1973, et sorti en février 1974. On dirait un film de Georges Lautner, mais même s’il est bien placé au générique du film et sur l’affiche comme surperviseur, le réalisateur est ici Claude Vital. C’est son premier film et il va régaler bien souvent ensuite les amateurs de navets – “Le chasseur de chez Maxim’s” (1976), “Le maestro” (1977), “Le temps des vacances” (1979), “Une merveilleuse journée” (1980), “Si elle dit oui… Je ne dis pas non !” (1982) -. Que du bonheur ! C’est là qu’il faut rendre hommage au talent de metteur en scène de Lautner, en opposition tout est ici poussif, lent et presque sinistre. L’histoire, est un décalque sans imagination du “Grand blond”, agrémenté de la mode lancée par le film de Coppola, “Le parrain” – les photos de Brando et Pacino, servent de la pub pour Smalto ! -. Mario, un maffioso important se meurt suite à une attaque sournoise – apparition amicale et non créditée de Michel Constantin -. Sa veuve – Mireille Darc -, charge ses deux gros bras – Henri Guybet & Jean Luisi, très drôles dans des rôles de truands idiots -, de trouver un leurre, pour éviter que des bandits à la gâchette facile, se goinfre sur l’héritage d’un empire maffieux. Ils trouvent en la personne de Léon Bonnet, hâbleur représentant en croix miraculeuses !, flanqué de sa petite amie BCBG – Axelle Abadie, dans son registre habituel de bourgeoise -. Selon certaines biographies de Michel Audiard, il aurait fait du rafistolage – ce qui n’améliore pas grand chose, d’ailleurs. Seule la distribution est digne d’intérêt ici. Si Mireille Darc, Maurice Biraud et Daniel Ceccaldi semblent s’ennuyer ferme et Francis Blanche montre des signes évidents de fatigue, dans l’un de ses derniers rôles. Mais on peut s’amuser à retrouver Renée Saint-Cyr, dans son rôle habituel de bourgeoise pas du tout décontenancée par les évenements, André Pousse en tueur baladé dans un avion, de détournements en détournements, Paul Préboist en chef des représentants., etc…
Cet habile petit chef d’œuvre de 1953 signé Byron Haskins, sur une initiative du producteur George Pal, n’a pas à souffrir avec son prestigieux successeur. Le talent est au rendez-vous et le budget important pour l’époque. Steven Spielberg l’a d’ailleurs habilement cité en reprenant les vedettes du films Gene Barry et Anne Anderson, dans le rôle des grands-parents, le temps d’un clin d’œil final. On reste bluffé par les effets spéciaux de l’époque, signés Gordon Jennings – récompensés par un oscar -, l’état du monde est une reprise assez inégale, mais les créatures à trois yeux sont une pure réussite – l’idée de l’œil télescopique est reprise par Spielberg dans la scène de la cave -. Le film a gardé pouvoir d’effroi, il y a dans ce film des scènes encore saisissantes, comme celle de l’oncle pasteur qui tente de communiquer avec les Martiens. La grande différence entre ces deux films est l’abandon de l’idée des martiens – idée pouvant devenir bien sûr hautement ridicule 50 ans après -. Nos amis martiens, vivent dans un univers inhospitalier et observant l’humanité, en vue de l’occuper. Le film met en vedette deux scientifiques, en goguette dans une Amérique profonde rassurante et bonne enfant – la soirée de danse de quadrille-. Les journaux constituent alors le média majeur, soulignés par la première rencontre du “troisième type” de trois nigauds qui veulent figurer à la une, où une crieuse de journaux désinvolte – elle tricote – mais efficace. Haskins souligne la vie qui continue, d’un chat ou le garçon qui ramasse un ballon d’une petite fille. 
Il convient de saluer le nouveau film de Steven Spielberg, qui arrive à se renouveler constamment avec des blockbusters de qualité avec un (presque) rythme d’un Woody Allen. Ce film joue habilement avec nos peurs ancestrales, il est rare de voir un film qui vous glace d’effroi et de cette qualité. Tom Cruise joue un anti-héros Ray Ferrier, dont l’ancienne femme qui attend son troisième enfant et vie avec un homme aisé – Miranda Otto, réellement enceinte lors du tournage -, lui confit à l’improviste la garde de ses deux enfants Rachel et Robbie. Le climat est assez tendu donc, Ray a un travail difficile, et manque de se faire exploiter… La suite est connue, elle est l’adaptation du roman d’H.G. Wells, transposée habilement au XXIIème siècle… La star a donc l’intelligence de montrer ici un personnage égoïste qui devra en plus de secourir sa famille retrouver la considération de ses enfants, les reproches fusent dans les moments de troubles, voire l’ahurissante anecdote du “beurre de cacahuète”, Rachel – étonnante Dakota Fanning -, étant allergique depuis sa naissance. Spielberg montre à nouveau son génie (sens non galvaudé du terme), en faisant monter l’angoisse d’une invasion extra-terrestre. Les signes avants-coureurs des attaques sont montrés avec maestrias, d’un vol d’oiseau déroutant ou de changements inédits du climat (la foudre sans orage). Le scénario du film reprend avec justesse les traumatismes du XXème siècle (le 11 septembre 2001 évidemment, les diverses exodes, ou catastrophes). Ce thème on le sait avait semé la panique lors de l’adaptation radio d’Orson Welles, en 1938, disponible en CD il y a quelques années. Les aliens sont une menace évidente, avec seul but la colonisation de la terre en exterminant une humanité arrogante, le sang humain servant même d’engrais pour une végétation grimpante. Tout est ici hyperréaliste, et les progrès des effets spéciaux aident à croire à l’histoire.
On a envie d’être indulgent pour ce “buddy movie” convenu réalisé par Philippe de Chauveron,. Un film où l’on retrouve Dominique Zardi, ne peut pas être complètement mauvais. Le film est porté par son trio de comédiens sympathiques, Jean Dujardin, Caterina Murino et Pascal Elbé après sa belle performance des “Mauvais joueurs”. On retrouve une tradition bien française des comédies policières françaises. Reste un évident problème de rythme et d’écriture, ses personnages sont pourtant attachants. Il y a beaucoup d’excellents seconds rôles, malheureusement ils ont plus une présence à tenir, plutôt que de véritables rôles, Jean-Luc Porraz en chef de la police, Cyril Lecomte en policier volubile, Patrick Rocca en commissaire antipathique, Dominique Bettenfeld en caïd, etc…. Il manque beaucoup de rôles sur la fiche 
Je me souviens d’un article des Cahiers du Cinéma de 2002, concernant le tournage du dernier film de Michelangelo Antonioni. On sait depuis que ce film est une initiative des producteurs d’utiliser le prestige du cinéaste, en rajoutant à cet inachevé deux autres épisodes, Pedro Almodovar était d’ailleurs envisagé. Nous avons donc à faire à un produit manufacturé un poil racoleur, continuant la mode assez nostalgique des années 60 des films à sketches. 
Qu’est-il arrivé à Danny Boyle ? On pouvait penser son attitude méritoire de vouloir continuer à œuvrer au Royaume Uni après son succès international. Après ses zombies sous acides, il nous surprend en faisant un conte pour enfants, vaguement critique envers l’Euro et le pouvoir de l’argent. Le résultat est assez déconcertant, passant de la virtuosité trop préparée, à une imagerie clipesque et quelques clichés mollement dynamités. Le tout se laisse voir sans efforts, l’histoire étant vue à travers les yeux d’enfants. L’idée de base était assez sympathique, deux orphelins de mère, aménagent avec leur père dans une zone pavillonnaire anglaise.