« Plus ça va moins ça va » (1977) est un film atypique, déconcertant, loin d’être la comédie attendue et franchouillarde telle qu’est définie sur l’affiche du film. C’est l’été. Le film commence par l’enquête d’un tandem inédit de policiers fatigué enquêtant sur un crime particulièrement odieux – une femme pendue dont les poils pubiens ont été mis dans sa bouche ! », dans une campagne écrasée de soleil. Le tandem anthologique est incarné par Jean-Pierre Marielle & Jean Carmet, que l’on retrouvera souvent ensuite chez Jean-Daniel Verhaeghe pour la TV… Ils se retrouvent devant une villa somptueuse habitée par de riches oisifs, peu concerné et qui s’ennuient mollement avec une indolence cynique. Il y a Henri Garcin – il est excellent en n’ayant pas grand chose à faire -que trompe sa femme avec un jardinier frustre – Niels Arestrup -, Mort Schuman en producteur décalé parlant italien avec Carlo Ponti, et retrouvant seulement là un peu d’entrain. Il semble amoureux encore de sa femme. Il y a également un acteur célèbre, joué par Louis Jourdan qui s’amuse à écorner son image en incarnant un vieux beau, dont personne ne semble se souvenir des rôles – Carmet parle d’un film avec une épée, sans se souvenir du titre. Il promène un spleen encore plus grand que les autres invités, désabusé il se déguise en clown blanc et discute avec sa maîtresse et il semble revenu de tout. Sa jeune compagne est jouée par Caroline Cartier, qui est morte prématurément, leur discussion sur la mort prend ici un tragique aspect, Jourdan la voyant mourir sans bruit, et elle évoquant le panache (selon elle) du suicide de Georges Sanders. Le reste de la distribution est espagnole, pour cause de co-production, ce qui rajoute encore en bizarrerie.
Revenons à notre duo, qui ne veut surtout pas déranger nos notables. Racistes et veules ils vont s’en prendre gratuitement à un travailleur maghrébin Mostéfa Stiti (excellent et vu beaucoup dans les années 70), qui va être sauvé par des vacanciers déguisés en indien après avoir été interpellé par des cow-boys ! Nos amis les flics demandent sans cesse les papiers aux plus faibles – il y a aussi El Kébir, qualifié également de « bicot » mais qui va les faire tourner en bourrique -, la dénonciation de la société des années 70 est subtile et vacharde. Mais nos deux inspecteurs sont moins simplistes, ont des lettres, Melville – formidable Jean Carmet -, déplorant qu’il n’y ait pas de policiers dans « La recherche du temps perdu ». Et il y a Pignon – Marielle démesuré, génial -, qui maugréait en silence contre les privilégiés, se rappelle qu’il ne supporte plus la solittude en voyant des boîtes de conserve, refuse de voir un cadavre et prétend – histoire de déstabiliser son prochain – que la mort est à la gauche de chacun de soi et que si on tend son bras, on peut même la sentir. Il tombe amoureux de la belle Caroline Cartier, et se comporte alors comme un adolescent timide… Nous avons droit ici à un beau festival Carmet-Marielle, qui surprend à chaque instant et il est vrai que l’ennui s’installe un peu quand ils sont absents de l’écran. Ce film non conventionnel est à découvrir et montre le beau talent du cinéaste Michel Vianey, dont on aimerait pouvoir voir son premier film « Un type comme moi ne devrai jamais mourir » (1976), mettant en vedette le dessinateur Jean-Michel Folon. Une curiosité salutaire diffusée en ce moment sur CinéExtrême.