Cet habile petit chef d’œuvre de 1953 signé Byron Haskins, sur une initiative du producteur George Pal, n’a pas à souffrir avec son prestigieux successeur. Le talent est au rendez-vous et le budget important pour l’époque. Steven Spielberg l’a d’ailleurs habilement cité en reprenant les vedettes du films Gene Barry et Anne Anderson, dans le rôle des grands-parents, le temps d’un clin d’œil final. On reste bluffé par les effets spéciaux de l’époque, signés Gordon Jennings – récompensés par un oscar -, l’état du monde est une reprise assez inégale, mais les créatures à trois yeux sont une pure réussite – l’idée de l’œil télescopique est reprise par Spielberg dans la scène de la cave -. Le film a gardé pouvoir d’effroi, il y a dans ce film des scènes encore saisissantes, comme celle de l’oncle pasteur qui tente de communiquer avec les Martiens. La grande différence entre ces deux films est l’abandon de l’idée des martiens – idée pouvant devenir bien sûr hautement ridicule 50 ans après -. Nos amis martiens, vivent dans un univers inhospitalier et observant l’humanité, en vue de l’occuper. Le film met en vedette deux scientifiques, en goguette dans une Amérique profonde rassurante et bonne enfant – la soirée de danse de quadrille-. Les journaux constituent alors le média majeur, soulignés par la première rencontre du « troisième type » de trois nigauds qui veulent figurer à la une, où une crieuse de journaux désinvolte – elle tricote – mais efficace. Haskins souligne la vie qui continue, d’un chat ou le garçon qui ramasse un ballon d’une petite fille.
L’habilité de Spielberg est de n’avoir pas repris les clichés de l’époque, utilisés encore il y a peu dans l’immonde « Independance day ». Il y a donc ici beaucoup de discussions militaires, les militaires étant aidés par le Dr. Clayton Forrester, un scientifique paisible et portant lunettes – pour voir de loin -, loin du fantasme de la jeune Sylvia Van Buren, passionnée par les chercheurs. Les nations vont donc faire converger leurs connaissances pour neutraliser les aliens, mais ici aussi l’humanité est capable du pire, comme voler le véhicule de Clayton, contenant des instruments susceptibles de les sauver. Il y a beaucoup de similitude finalement avec le nouveau remake, des scènes communes, celle de la ferme transposée dans la cave, le bras martien, le film bascule un tantinet dans l’œcuménisme et une bondieuserie finale, les rescapés se cachant dans une église. La richesse du cinéma fantastique permet de réfléchir sur toute une époque, la peur de la guerre froide (la planète rouge…), chez Haskins devenant le traumatisme post « 11 septembre » chez Spielberg. Le film diffusé en ce moment sur TPS Home Cinéma, est également disponible en DVD. Pour en savoir plus sur le cinéaste Byron Haskins, il convient de lire le formidable « Série B » de Pascal Mérigeau et Stéphane Bourgoin (Édilig, 1983), hélas épuisé mais qui mériterait une réédition.