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Fragments d’un dictionnaire amoureux : James Whitmore

 

James Whitmore dans l’épisode « Équation danger » de la série « Les envahisseurs »

On peut difficilement mieux évoquer son parcours que l’ont fait Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon dans « Trente ans de cinéma américain » (Éditions C.I.B, 1970) : « Encore un de ces acteurs que l’on n’a jamais vus mauvais. Grand spécialiste des personnages sympathiques, forts en gueule, critiquant tout mais prêts à se dévouer pour leur travail, leur cause, leur ami, Whtimore a créé plusieurs silhouettes foudroyantes, de celles qui mettent une salle en joue par une répartie, une boutade bien placée. Souvent sous l’uniforme moderne (Battleground) ou westernien (The command), il fut un sergent truculent dans Battle Cry. Trappeur bougonnant dans The Last Frontier, il partait seul en reconnaissance dans un pays infesté d’indiens, ce qui nous valait un mouvement de grue et une séquence fameux, et dans un rôle semblable de l’excellent Chuka de Gordon Douglas, comparait avec une certaine lucidité la vie de soldat et celle d’aventurier, tout en s’alcoolisant en compagnie de Rod Taylor. Il apparaissait avec Keenan Wynn au beau milieu de Kiss Me Kate, en pseudo-gangster, et leur duo, Brush Up Your Shakespeare, reste un grand moment du musical. A l’occasion Whitmore peut se révéler très efficace dans un rôle dramatique, comme celui du barman bossu de Asphalt Jungle, ou du social worker qui essayait de réformer John Cassavetes dans Crime in the streets. Co-star de ce dernier film, il fut vedette de quelques autres, dont Them, où il luttait contre des fourmis géantes, et The Next Voice You Hear, allégorie généreuse sur la société américaine où Dieu se faisait entendre à la radio. Il joua plus récemment le rôle de John Howard Griffin, ce journaliste qui se fit passer pour un Noir dans « Black Like Me ». » Il jouait souvent des rôles representant l’autorité, il joua même Harry S. Truman dans « Give’em Hell, Harry ! » et Teddy Roosevelt dans « Bully : an adventure with Teddy Roosevelt ». Un parcours exceptionnel auquel on peut rajouter ses rôles de prêtre dans « L’oeuf du serpent » (Ingmar Bergman, 1977), du juge humaniste dans « Cinglée » (Martin Ritt, 1987) et le vieux prisonnier supportant mal sa remise en liberté dans « Les évadés » (Frank Darabont, 1994). Son fils, James Whitmore jr, qui a débuté comme acteur, est un réalisateur pour la télévision. Bibliographie : « Quinlan’s character stars », par David Quinlan (Reynolds & Hearn Ltd, 2004) ; Ciné-Revue (La vedette de la semaine), filmographie.

 

Filmographie : 1949  The undercoverman (Le maître du gang) (Joseph H. Lewis) – Battleground (Bastogne) (William A. Wellman) – 1950  Please believe me (J’ai trois amours) (Norman Taurog) – The asphalt jungle (Quand la ville dort) (John Huston) – The outriders (Le convoi maudit) (Roy Rowland) – The next voice you hear… (La voix que vous allez entendre) (William A. Wellman) – A lady without passport (La dame sans passeport) (Joseph H. Lewis) – Mrs. O’Malley and Mr. Malone (Norman Taurog) – 1951  Across the wide Missouri (Au-delà du Missouri) (William A. Wellman) -It’s a big country ) [sketch #1] (Richard Thorpe) – Shadow in the sky (Fred M. Wilcox) – 1952  Because you’re mine (Tu es à moi) (Alexander Hall) – Above and beyond (Le grand secret) (Melville Frank & Norman Panama) – The girl who had everything (La fille qui avait tout) (Richard Thorpe) – 1953  All the brothers were valiant (La perle noire) (Richard Thorpe) – Kiss me Kate (Embrasse-moi, chérie) (George Sidney) – The great diamond robbery (Le vol du diamante bleu) (Robert Z.  Leonard) – The command (La poursuite dura sept jours) (David Butler) – 1954  Them ! (Des monstres attaquent la ville) (Gordon Douglas) – Battle cry (Le cri de la victoire) (Raoul Walsh) – 1955  The McConnell story (Le tigre du ciel) (Gordon Douglas) – Oklahoma ! (Oklahoma) (Fred Zinnemann) – The last frontier (La charge des tuniques bleues) (Anthony Mann) – 1956  Crime in the streets (Face au crime) (Don Siegel) – The Eddy Duchin story (Tu seras un homme mon fils) (George Sidney) – 1957  The young don’t cry (Graine de révolte) (Alfred L. Werker) – The deep six (En patrouille) (Rudolph Maté) – 1958  The restless years (1) (Helmut Käutner) – 1959  Face of fire (Albert Band) – Who whas that lady (Qui était donc cette dame) (George Sidney) – 1964  The tenderfoot (Byron Paul) – Black like me (Carl Lerner) – 1967  Chuka (Chuka, le redoutable) (Gordon Douglas) – Nobody’s perfect (Alan Rafkin) – Waterhole #3 / Waterhole number 3 (L’or des pistoleros, en Belgique : Les insaisissables) (William A. Graham) – Planet of apes (La planète des signes) (Franklin J. Schaffner) – 1968  Madigan (Police sur la ville) (Don Siegel) – The split (Le crime c’est notre business) (Gordon Flemyng) – 1969  Guns of the Magnificent Seven (Les colts des sept mercenaires) (Paul Wendkos) – 1970  Tora ! Tora ! Tora ! (Id) (Richard Fleischer, Toshio Massuda & Kinji Fukasaku) – 1972  Chato’s land (Les collines de la terreur) (Michael Winner) – La polizia incrimina la legge assolve (Le témoin à abattre) (Enzo G. Castellani [Enzo Girolami]) – 1973  The Harrad experiment (Id) (Ted Post) – 1974  Where the red fern grows (Norman Tokar) – Il venditore di palloncini (Mario Garriazzo) – 1975  Give’em hell, Harry ! (Steve Binder & Peter H. Hunt) – 1977  Das schlangenei / The serpent’s egg (L’oeuf du serpent) (Ingmar Bergman) – 1978  Bully : an adventure with Teddy Roosevelt (Peter H. Hunt) – 1980  The first deadly sin (De plein fouet) (Brian G. Hutton) – 1984  Zoo ship (Richard Shorr) – 1987  Nuts (Cinglée) (Martin Ritt) – 1989  Old explorers (William Pohlad) – 1994  The Shawshank redemption (Les évadés) (Frank Darabont) – 1995  Wild Bill : Hollywood maverick (Todd Robinson, documentaire) – 1996  The relic (Relic) (Peter Hyams) – 2000  Here’s to live (Arne Olsen) – 2001  The majestic (Id) (Frank Darabont) – (1) Titre français selon Ciné-Revue : Des yeux pour pleurer, selon IMDB : Les années merveilleuses, mais ce film semble inédit en France, de la difficulté de donner un titre français à un film américain…. Voxographie : 1951  The red badge of courage (La charge victorieuse) (John Huston, voix du récitant) – Angels in the outfield / Angels and the pirates (Clarence Brown) – 1952  The hoaxters (Victor Lasky, William Hebert & Herman Hoffman, documentaire, voix du récitant) – 1982  Hail Colombia ! (Graeme Ferguson, CM documentaire, voix du récitant) – 1985  The adventures of Mark Twain (Will Vinton, animation). Télévision (notamment) : 1971  It tomorrow comes (George McCowan) – 1974  The Canterville ghost (Le fantôme de Canterville) (Robin Miller) – 1984  Celebrity (Paul Wendkos) – 1989  Glory ! Glory ! (Les prêcheurs du mensonge) (Lindsay Anderson) – 1999  Swing vote (Vote sous influence) (David Anspaugh) – 2002  A ring of endless light (Greg Breedman).

ARRÊT DE CINÉROTICA

Cinérotica s’arrête avec son quatrième numéro paru en kiosque. Les abonnés ont reçu cette nouvelle accompagnée d’un texte de à lire sur Zine. C’est l’occasion d’interroger son instigateur Christophe Bier, sur la fin – provisoire – d’une formidable aventure. Un grand merci à Christophe pour ses propos passionnants et à Laëtitia Mélierres pour ses photographies.

Christian Chauvaud & Christophe Bier, tournage pour YouTube – © Laëtitia Mélierres

 

 

 

 

 

  

Genèse de Cinérotica : 

  

– Peux-tu évoquer l’élaboration de « Censure –moi, histoire du classement X en France« , aux éditions de l’Esprit frappeur, un livre de référence paru en 2000 ?

 

A l’époque, Baise-moi venait de sortir en salles, interdit aux moins de 16 ans, avec ensuite toutes les difficultés dont les médias se sont fait l’écho. Une association conservatrice, Promouvoir, traquant les bédés érotiques dans les Fnac, homophobe et pour la « préservation des valeurs de l’Occident chrétien », tout cela mérite un [sic !], voit rouge et  conteste l’exploitation du film en vertu de l’article Jolibois, le 227-24 du code Pénal, stipulant que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. » Bref, pour ces tenants de l’ordre moral, Baise-moi tombe bien sous le coup de cet article puisqu’il comporte des scènes sexuelles explicites mais est autorisé à des mineurs de 16 et 17 ans. Il faut savoir que depuis que Jack Lang avait fait ramener à 12 et 16 ans les interdictions aux mineurs de 13 et 18, la seule manière d’interdire aux 18 ans le film de Despentes et Coralie était de le classer X ou de l’interdire totalement. Le classement X qui est ipso facto une interdiction aux moins de 18 ans existait et existe toujours bien qu’au cinéma il n’y ait plus un seul porno. J’ai donc voulu raconter ce problème et surtout rectifier un certain nombre d’âneries publiées à l’époque et qui montraient au mieux l’ignorance au pire le mépris, ou les deux, dont bénéficiait le cinéma porno. Il a été dit que Baise-moi était le premier film censuré depuis « La Religieuse » de Rivette sans que personne ne s’offusque de ce mensonge ! Et La Comtesse est une pute ? Et Langue de velours ? Et Prostitution clandestine ? Et Les Petites Filles et un millier d’autres films pornos qui furent classés X de 1976 à 1992, entraînant la ghettoïsation d’un genre, son appauvrissement et sa disparition lente, qu’est-ce que c’est sinon une censure économique et politique ? C’est donc pour rappeler au souvenir de tout ce patrimoine du cinéma français, honorable selon moi, victime d’une censure implacable, que j’ai écrit ce livre qui a toutes les apparences d’un Que sais-je ? Informatif, historique mais qui est aussi très polémique. C’est quasiment un pamphlet qui reprend des idées reçues sur la censure, dénonce des positions hypocrites. On entend souvent : je suis contre la censure, mais… Ce qui sous-entend qu’il y aurait une littérature ou un cinéma noble et un autre qui serait… ignoble et pouvant être censuré. Oui au Fleurs du mal, non à C’est bon la bite ! Oui à La Religieuse non à Inonde mon ventre qui serait censé ne pas être du cinéma donc indigne d’être défendu. Le silence assourdissant des intellectuels et des critiques de cinéma pendant les presque vingt ans d’action de la loi X les ont rendus complices – et beaucoup s’en félicitent peut-être – de la mort d’un genre cinématographique. L’Esprit Frappeur, qui appartient au groupe de la NSP, l’éditeur de Cinérotica, était l’éditeur engagé idéal pour éditer ce petit livre. Et c’est comme cela que j’ai rencontré Michel Sitbon, l’éditeur, lequel s’est plus tard courageusement lancé dans l’aventure de Cinérotica.

  

© Laëtitia Mélierres

 

 

  

– Comment s’est faite la promotion de la revue, tu as fait preuve d’inventivité notamment avec des clips sur You tube ?

 

Nous avons engagé une attachée de presse que je connaissais bien, Karine Durance. Elle avait longtemps travaillé pour la chaîne câblée Ciné Cinéma, elle avait aussi fait la promotion du long métrage et du coffret DVD de HPG. Elle avait toute sa place pour faire connaître au mieux Cinérotica. Et sur ce plan-là, on ne peut qu’être satisfaits car nous avons rencontré un très bel accueil critique. Libération, Nouvel Obs, Paris Match, Brazil, Siné Hebdo, Technikart, Les Inrocks dont nous avons fait, modestement, la couverture avec Obama ! Des sites comme Bakchich, le blog d’Aurélien Ferenczi dans Télérama, d’autres. Nous avons bénéficié de quelques soutiens spontanés sur les forums spécialisés comme La Cochonne, DevilDead, la liste est longue… Les clips sur You Tube, c’était un clin d’œil que nous nous sommes offert. Je m’en suis occupé personnellement avec des amis qui m’ont tous aidés bénévolement. Disons que c’est un cadeau que j’ai offert à mon éditeur, ça n’entre pas dans son budget promotionnel. Il a juste réglé la facture du costume de cardinal que je porte. C’est Jean-Claude Guillosson qui tenait la caméra, faisait le cadre et a fait le montage. Il a été extraordinaire de gentillesse et de compétence. Un autre copain, Dominique Forma, tenait la perche alors qu’il avait dirigé Jeff Bridges à Hollywood dans un excellent polar, Scenes of the Crime ! J’ai écrit les spots, choisi les acteurs et on a tourné tout cela en une journée dans les bureaux d’Yves Riquet, un personnage étonnant qui a sauvé un des derniers métiers à tisser français fabriquant de véritables bas couture. C’est un fétichiste du bas couture, vous comprenez… Et un amoureux du strip-tease ! Je ne peux que m’entendre avec des gens comme lui ! Et j’ai demandé à des amis acteurs de venir comme Christian Chauvaud qui est un habitué de chez Mocky, Raphaël Scheer, un auteur strasbourgeois dont j’ai joué déjà deux pièces et qui est un excellent acteur – l’homme ivre, c’est lui -, Manon Desgryeux, Murielle Rivemale. Xavier et Marie ne sont pas comédiens mais l’une, en chienne de garde, l’autre en candidat du quizz, ont aussi été parfaits. J’ai même eu le luxe d’avoir une photographe de plateau, Laëtitia Mélierres qui m’avait déjà beaucoup aidé sur un précédent documentaire. Franchement, j’ignore quel fut l’impact de ces spots, mais on s’est bien tous amusés à les tourner. Et j’ai offert à chacun une magnifique paire de bas couture de la production Riquet. C’est le minimum que je pouvais faire pour les remercier tous.

 

– Combien de temps as-tu mis avec tes collaborateurs pour arriver à définir ton dictionnaire des longs-métrages érotiques et pornographiques ?

 

Nous y travaillons depuis presque dix ans. Francis Moury est mon plus ancien collaborateur. Les autres sont arrivés au fil des ans. J’ai défini le contenu du dictionnaire et sa forme. Le travail n’est pas fini ; il doit rester deux cents films à chroniquer. Avec Cinérotica, nous faisions quelques réunions pour discuter principalement sur les titres tangents. Faut-il Hiroshima mon amour ? Faut-il Irréversible ? Et à ces réunions, je venais toujours avec les copies vidéos des films érotiques ou pornos qui restaient à faire et on se les répartissait ensemble. 

 

 

Tournage pour YouTube – © Laëtitia Mélierres

  

– Comment as-tu choisi tes collaborateurs, tous des érudits ?

 

Certains sont déjà bien connus des cinéphiles. Par exemple Jacques Zimmer qui fut rédacteur en chef de La Revue du Cinéma qui publiait la Saison tous les ans et grâce à laquelle les films pornos avaient droit au même traitement critique que les autres films. D’ailleurs, l’un des meilleurs défenseurs du porno dans la Saison, Alain Minard, a rejoint le dictionnaire il y a un an environ. Patrick Meunier en est un autre de la Saison mais il signait sous un autre nom ; il y a Jean-François Rauger, programmateur de la Cinémathèque française ; Gilles Esposito, qui vient notamment de Mad Movies ; François Cognard, un ancien de Starfix devenu depuis producteur de cinéma ; Frédéric Thibaut travaille à la Cinémathèque de Toulouse où il anime Extrême Cinéma et écrit pour Brazil (le professeur Thibaut, c’est lui) ; Italo Manzi est un critique argentin vivant à Paris et féru de cinéma français des années 20-30 ; Richaud d’Ombasle, c’est Monsieur troisième couteau du cinéma français, un maniaque des filmographies exhaustives, auteur de L’@ide-Mémoire ; Emmanuel Levaufre vient de La Lettre du cinéma ; Herbert P. Mathese, c’est l’auteur d’un incroyable bouquin sur Benazeraf ; et il y a des jeunes auteurs très prometteurs comme Edgard Baltzer, 25 ans seulement et l’érudition d’un vieux cinéphile qui a tout vu ! J’ai aussi eu la chance de rencontrer cet été Hervé-Joseph Lebrun, un réalisateur qui s’intéresse aussi beaucoup au cinéma porno gay sur lequel peu de choses passionnantes et détaillées ont été écrites jusqu’à présent. Dominique Forma et Francis Moury, déjà cités, Pierre-Arnaud Jonard, Maxime Delux dont l’écriture précise et iconoclaste me ravit, Didier Dhuique, Frédérick Durand qui est un écrivain canadien… Tous ont été choisis pour la rédaction du dictionnaire parce qu’ils savaient écrire sur l’érotisme et la pornographie sans se moquer du sujet, sans condescendance, sans cette prétention si répandue à vouloir démontrer combien le rédacteur est supérieur au film qu’il commente, qu’il n’est pas dupe. Le second degré qui tient office généralement d’avis est proscrit. Et pour le magazine Cinérotica, je suis heureux d’avoir rencontré Frédéric Tachou, encore un dont le travail remet en cause les idées reçues sur le porno clandestin longtemps paresseusement colportées sans un véritable travail de recherche qu’il est le seul à accomplir en ce moment, et comme Lebrun, c’est aussi un réalisateur qui porte donc un regard de cinéaste sur son sujet, ce qui est toujours très enrichissant pour nous lecteurs. Et dans le n°4, je suis fier d’avoir enfin la plume féminine que je désespérais de trouver : Britt Nini, une pionnière dans le domaine puisqu’elle faisait partie de l’équipe fondatrice du mythique Sex Stars System. 

  

– Quelle était la méthode de travail, on est stupéfait devant la masse d’informations des pseudonymes aux stock-shots ?

 

Chacun a apporté son regard personnel et ses connaissances. Quand on le pouvait, on est entré en contact avec les protagonistes. Un exemple parmi d‘autres, Edgard Baltzer a correspondu avec Catherine Ribeiro qui s’est exprimé librement sur sa participation au film le plus méconnu de sa carrière, Ils sont nus de Claude Pierson. Pour ma part, j’ai fait tout le travail de dépouillement des archives du CNC, la consultation des dossiers de censure, parfois riches d’information, même s’il faut être très prudent avec ses infos administratives. Mais le plus intéressant sont les commentaires mêmes de la commission de censure que j’ai reproduits chaque fois qu’ils étaient circonstanciés. Nous sommes à l’affût de la moindre info, des archives de production consultables. Encore récemment, j’ai hérité de quatre classeurs d’archives des productions Hustaix qui avaient échappés au déménagement de ses bureaux vers 1988, treize ans après la mort du bonhomme. J’y ai découvert les contrats de techniciens et d’acteurs qui m’ont permi d’établir des fiches techniques et artistiques encore plus complètes que les génériques. L’essentiel reste la vision des films : une fois le stock des titres édités en VHS françaises épuisés, nous avons fait jouer le réseau des collectionneurs européens, pour profiter de copies allemandes, italiennes ou anglaises. L’un de mes contacts achète aussi des copies 35 de films rares dont le dictionnaire profite ensuite : c’est ainsi que j’ai pu visionner et commenter sur pièce la version hardifiée sous le titre de Clodo et les vicieuses du dernier film de Bourvil, Clodo dont on ne connaissait en vidéo que la version originelle ! Mais il reste toujours des films mystérieux, qui résistent aux recherches, c’est une quête sans fin !

  

– Quels critères sur le choix des films disponibles en VOD sur le site internet ? 

 

On s’efforce de choisir des strip-teases et des pornos clandestins représentatifs de leur époque ou au contraire très particuliers, proposant une certaine originalité. 

 

 

Christophe Bier – à droite – en Monsieur Cinéma – tournage pour UTube – © Laëtitia Mélierres

  

  

L’arrêt de la revue : 

  

– Peux-tu nous évoquer la raison de l’arrêt de ta revue, 40 000 exemplaires étaient pourtant distribués ?

 

D’abord, il ne faut pas caricaturer et tout rejeter sur une raison : la revue s’arrête parce qu’il n’y a pas assez de lecteurs. Nous n’avons pas encore les vrais chiffres du 3, du 4 non plus évidemment. Mais il y avait environ 3400 lecteurs qui achetaient la revue en kiosque et presque 300 abonnés. Le contraire aurait été préférable et viable. J’ai rencontré des lecteurs désolés de cet arrêt et qui m’expliquaient qu’ils allaient s’abonner. C’est trop tard ! Aujourd’hui, la presse est un secteur en danger. Personne ne l’ignore, la crise de la presse est largement commentée dans les médias. Quand une nouvelle revue sort en kiosque, qui plus est lorsqu’elle est pointue et originale comme Cinerotica, il faut – si l’on est vraiment intéressé – immédiatement s’abonner. C’est l’évidence ! C’est un risque à prendre même. Après, il ne faut surtout pas se plaindre que la revue s’arrête.  

  

– Y avait-t-il des problèmes de distribution, des freins des services de presse, et des difficultés pour trouver un éditeur ?

 

Problème de distribution ? On peut surtout parler d’un problème de diffusion. Cinerotica était distribué par les MLP. J’ai l’impression qu’ils n’ont rien fait pour mettre en valeur et promouvoir la revue. Ça ne les intéresse guère. Après il y a les dépôts partout en France ; parfois c’est une mafia. A Grasse par exemple, un kiosquier a plusieurs fois réclamé au diffuseur des Cinérotica et ne les a jamais eus… Pourquoi ? Le distributeur se fout de faire correctement son boulot, à moins de servir la soupe aux grands éditeurs. Faut-il donner des pots de vin pour avoir son magazine bien mis en évidence ? Je me pose la question ? Enfin, il y a les kiosquiers… Vaste problème ! Je ne veux pas en fait le bouc émissaire idéal, ce serait facile ! Ils ont leur problème, sont submergés par le papier, visiblement aussi par les problèmes financiers… Il n’empêche que beaucoup d’entre eux ne font pas correctement leur boulot. Je l’affirme car j’ai eu des témoignages sur certains comportements inqualifiables. D’abord, il y a ceux qui cherchent à décourager le client, lui affirmant qu’ils ne connaissent pas la revue, ne voient pas ce que c’est ; si le client insiste très lourdement, le kiosquier finit par lui sortir Cinérotica ! Ça s’est vu ! Encore plus fort, une autre fois dans une maison de la presse, le type est parti en réserve chercher le numéro : il ne l’avait absolument pas exposé ! Comment voulez-vous que des petits éditeurs s’en sortent avec des habitudes pareilles ! On n’a pas les moyens d’envahir les points de vente d’huissiers pour faire des constats de refus d’exposition ou de vente, c’est impossible ! Je crois aussi que Cinerotica a décontenancé des kiosquiers : la revue était trop particulière. Une revue de cul intello, ça dépassait leur entendement. Nous voulions être dans le rayon cinéma, à côté de Mad Movies par exemple, mais le kiosquier gère son kiosque comme il l’entend. Beaucoup l’ont mis dans le charme. Remarquez, pourquoi pas, c’est préférable que de rester en carton. J’ai aussi constaté que certains commencent à faire le ménage deux semaines avant la fin de l’exploitation, pour « faire de la place ». Considérant la revue « invendable », ils la mettent en carton en invendu avant même la fin du mois ! Je vous fais part de mes indignations, mais hélas il semble que tout cela soit très banal dans le monde de la presse. Voilà de quoi décourager les éditeurs…

  

– As-tu eu des difficultés avec la censure, ou une certaine morale bien pensante, à l’instar de la suppression de la page Facebook de Cinérotica ?

 

Pour continuer sur le kiosquier, ajoutons effectivement des menaces. Récemment, rue Léon dans le XVIIIème à Paris, l’un d’eux est arrivé le matin et a découvert sur son kiosque, par-dessus les publicités pour Union et un autre magazine érotique des affichettes sous forme de faire part (avec des bordures noires) rappelant les termes de l’article 227-24 du Code Pénal et signé « Papa et Maman en colère ». C’est de l’intimidation qui peut influencer le comportement des kiosquiers les plus trouillards. On ne peut pas leur en vouloir si ce genre de choses se propageait. On salope leur kiosque et en plus on les menace de prison et d’une amende salée s’ils font commerce d’un message porno pouvant être vu par un mineur ! C’est le fait d’associations conservatrices, comme celle qui avait poursuivi Baise-moi en 2000. Plutôt que de lutter contre la pornographie dont les effets néfastes restent toujours à démontrer, il faudrait s’inquiéter de la montée de ces intégristes qui, la nuit, recouvrent les murs de la ville de leur menace.

 

 

tournage pour YouTube – © Laëtitia Mélierres

Côté Service de presse, nous n’avons pas trop eu à nous plaindre. Le succès critique a été très grand. Toutefois, c’est vrai, quelques journalistes qui avaient adoré Cinérotica n’ont pas pu défendre notre revue au sein de leur rédaction. Un rédacteur en chef adjoint d’une très populaire revue de cinéma s’est vu opposer un refus catégorique de sa rédactrice en chef au motif de la pornographie ! Mais oui, Cinerotica parle de pornographie, quel est donc le problème, c’est interdit ? C’est indigne ? Il faut le croire… Cela ne gêne pas certaines revues d’exploiter l’érotisme, de surfer même sur l’idée de porno, en l’occurrence de porno chic, mais en aucun cas il faut saluer une entreprise plus frontale – en un mot plus honnête – comme Cinérotica ! Un autre hebdomadaire important a aussi refusé d’en parler, alors que l’article du critique était rédigé. C’est encore une rédactrice qui a bloqué. Des femmes qui ont des postes importants ne comprennent rien à la pornographie, la considèrent comme dégradante et font un authentique acte de censure morale. Des hommes tombent aussi dans ce travers par sympathie « féministe ». La suppression de la page Facebook en revanche n’est peut-être pas un cas de censure, mais répond aux limites de leur charte. Toujours est-il qu’il m’a fallu plusieurs mails pour obtenir une réponse complète de Facebook. Le site considérait notre profil comme « professionnel » et nécessitait donc un autre traitement. 

  

– Que deviennent les soirées Carré blanc, présentées sur CinéCinémaClub, en partenariat avec ta revue, et qui a participé aux choix de ces films (« Les onze mille verges », « Calmos », « Collection privées ») ?

 

Les choix étaient du ressort du programmateur Bruno Deloye, de CinéCinémaClub. La chaîne continuera dans l’érotisme mais notre partenariat cesse évidemment. 

  

– J’imagine ta déception. L’arrêt de ton dictionnaire va beaucoup frustrer les cinéphiles, peut-il ressortir sous une autre forme ou un autre support ?

 

Non, il ne faut pas être déçu. C’est une expérience qui a au moins permis de faire découvrir notre travail et l’ampleur de notre ambition. J’ai donc décidé d’achever le dictionnaire cette année. Le but est d’en faire un livre, un pavé de 800 pages illustrées, cousu et relié. Un ouvrage de luxe. Je me suis donné jusqu’en mars pour discuter avec des éditeurs. Passée cette date, si aucune proposition sérieuse n’est avancée, j’éditerai seul avec l’aide d’un ami partenaire cet ouvrage. Nous mettrons neuf mois à le finir, le temps d’une grossesse au cours de laquelle une souscription sera proposée à un prix très attractif. J’attends des devis d’imprimeurs, donc je ne peux pas encore donner de prix. Il faut patienter. Donc, tous ceux qui brûlaient d’envie de savoir ce qu’était Zob, zob, zob, le dernier titre du dictionnaire se rassurent : édité ou autoédité, le Dictionnaire sortira. Je les invite à se tenir au courant, surtout dans le cas d’une auto-édition avec souscription. Déjà, ils peuvent nous envoyer leurs adresses postales et mails à : cinerotica@free.fr. Je leur dis à très bientôt, courant mars pour des nouvelles. 

 

  tournage pour YouTube – © Laëtitia Mélierres

 

  

– Y a-t-il une action pour sauvegarder les copies de ces films, ou risquent-ils de disparaître un jour ?

 

Ce genre méprisé mériterait en effet un plan de sauvegarde. Déjà, plusieurs cinémathèques ont pris conscience de ce patrimoine et sauvegardent les films pornos, mais beaucoup de titres ont certainement disparu. Le genre a trop été dans les mains de marchands de soupe qui n’avaient cure du patrimoine et du respect de l’œuvre. Les premiers à mépriser la pornographie furent souvent, hélas, ceux qui la finançaient, parfois même qui la réalisaient. Les copies 35 exploitées jusqu’à la corde furent revendues, détruites pour économiser des frais de stockage, remontées pour faire de nouveaux films-gigogne. Lorsque la vidéo fit son apparition, c’est le master vidéo qui est devenu la référence, sans plus se soucier des copies. Quant aux négatifs, certains dorment dans les labos dans une indifférence générale. Je voudrai faire un rêve : un plan de financement gouvernemental pour un état des lieux du patrimoine pornographique français, suivi de mesures financières pour des restaurations massives. Mais vous imaginez cela possible ? Au moins, après le Dictionnaire de 800 pages, plus personne ne pourra dire que le cinéma porno français est négligeable. Il apportera la preuve de sa richesse, de ses différences et coupera court à tous les discours généralistes des pornophobes. 

  

– Les films pornos restent-ils « Mauvais genres » malgré leurs diffusions TV et vidéo ?

 

Oui. Car la loi X est maintenue. Cela signifie que si un jour John B. Root a envie de tourner en HD un film porno pour le cinéma, il ne bénéficiera jamais de la nouvelle interdiction aux moins de 18 ans (celle de la ressortie de baise-moi) mais sera automatiquement classé X. Donc, le cinéma porno continue d’être censuré, interdit dans les salles puisqu’il n’y a plus de salles (à part le Beverley à Paris). Concernant les diffusions TV, ce qui est approuvé, du moins sur des chaînes du groupe Canal +, c’est un certain type de pornographie, une pornographie BCBG en quelque sorte, corsetée par des interdits stupides qui infantilisent le genre. B. Root, toujours lui, a contourné la difficulté en réalisant des doubles versions. Très habilement, il a commercialisé en vidéo sa « director’s cut » d’Inkorrekt(e)s et a fourni à Canal + une version expurgée qu’il a ironiquement intitulée Korrekt(e)s. Un autre problème crucial qui révèle le mépris et le refus de considérer la pornographie comme un genre qui a une histoire : sous le prétexte idiot de lutter contre le sida, tous les films tournés sans préservatifs dans les années 70-80 tendent à disparaître des programmations. On considère à la fois le cinéma porno comme un produit de consommation jetable dont il faut promouvoir uniquement les « produits » les plus récents et aussi comme ayant des devoirs pédagogiques. Tout cela vide le genre de sa force transgressive. Le cinéma porno n’a jamais eu de vocation pédagogique. Si aujourd’hui tous les films doivent utiliser des préservatifs, c’est uniquement pour protéger les comédiens et non pas pour donner un message éducatif. De même les pornophobes reprochent parfois une pornographie violente, mais elle n’a pas forcément la vocation d’être douce, mièvre, de symboliser l’image d’un bonheur béat. On dit encore que cela détourne les jeunes de l’amour parce que l’amour y est ridiculisé au profit du sexe. Mais là encore la pornographie n’a pas à être au service d’une idéologie unique qui serait celle de l’amour, de la fidélité. Et en quoi l’amour serait à privilégié dans l’éducation des jeunes par rapport à la découverte d’une sexualité sans sentiment ? Je m’arrête là car je peux être intarissable sur ce sujet. Je vous conseille simplement un livre remarquable du philosophe Ruwen Ogien : Penser la pornographie au PUF. Il fait le point et démonte de manière remarquable, à la lumière de l’éthique minimale, tous les arguments des pornophobes.  

  

– Après « Eurociné », « Les nains au cinéma », et « Cinérotica » et la réalisation de documentaires, quels sont tes projets ?

 

Eh bien, ce Dictionnaire donc qui me prendra beaucoup de temps. Mais aussi un documentaire sur Daniel Emilfork qui est en bonne voie et dont j’espère commencer bientôt le montage. J’ai déjà fait les interviews de la fille d’Emilfork, Stéphanie Loik, de Pierre Philippe, de Jacques Baratier, Jean-Claude Dreyfus, Jean-Louis Roy qui réalisa un extraordinaire Inconnu de Shandigor avec l’un des plus beaux rôles d’Emilfork, Daniel Mesguich et Claudie Ossard, la productrice de La Cité des enfants perdus.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : André Badin

André Badin dans « La folle de Maigret »

Annonce de la mort d’André Badin, le 23 janvier dernier à l’âge de 77 ans. Il suit les cours de Charles Dullin et Yves Furet et devient l’assistant d’André Thamin. C’est typiquement le comédien, qui tirait immédiatement son épingle du jeu. Il était demandé pour illustrer parfois un seul gag, tel dans le « kulte » « le plumard en folie » en employé d’un magasin de meubles, perplexe face au duo des frères Préboist en déménageurs fatigués ou dans « Impossible… pas français ! » où en petit pompiste, il s’éponge avec un billet de banque pour avoir vu une valise pleine d’argent dans la voiture du personnage interprété par Robert Lamoureux. Il est rare qu’on lui demande d’évoluer au-delà d’un seul plan, d’où son utilisation massive dans nombre de publicités, sa fabuleuse présence faisant mouche à coup sûr. Il y a souvent une constance, celle de ses rôles d’obsédés sexuels, tel dans « Une souris chez les hommes », où veilleur de nuit dans un grand magasin, il caresse libidineusement les mannequins féminins. Mais ses rôles reposent souvent sur sa petite taille (1m58), il est ainsi le directeur de la station-service – il y est d’ailleurs crédité sous le nom de Monsieur Badin, hommage à Georges Courteline -, raillé comme « grand  » directeur par son employé Philippe Dumat, humilié. Il est souvent victime tel le boucher souffre-douleur de Bernard Blier dans « Un idiot à Paris », et s’il court pour éviter une contravention, c’est pour se retrouver embobiné par un Darry Cowl survolté et déguisé en agent dans « Les livreurs ». Il est dommage qu’un Claude Chabrol ne l’ait pas mieux utilisé que pour deux silhouettes muettes, un policier acolyte de Daniel Boulanger dans « L’œil du malin » (1961) et un gardien de square qui joue à la balle avec un enfant dans « Landru » (1962). On le retrouvera avec émotion en oncle de La Baule,  que visite Daniel Prévost dans le mésestimé « Le soleil au-dessus des nuages ». On lui gardera une affection particulière, car il a nous a toujours tiré un sourire dans bien des comédies franchouillardes.

 

 

 

Filmographie, en collaboration avec Armel de Lorme, établie initialement pour Les gens du cinéma : 1959  Nathalie, agent secret (Henri Decoin) – À rebrousse poil (Pierre Armand) – 1960  La famille Fenouillard (Yves Robert) – Saint-Tropez Blues (Marcel Moussy) – 1961  Les livreurs (Jean Girault) – Léon Morin, prêtre (Jean-Pierre Melville, rôle coupé au montage) – Auguste (Pierre Chevalier) – La belle américaine (Robert Dhéry) – Horace 62 (André Versini) – Le monte-charge (Marcel Bluwal) – L’œil du malin (Claude Chabrol) – 1962  Pourquoi Paris ? (Denys de La Patellière) – Les bricoleurs (Jean Girault) – Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Édouard Molinaro) – Strip-tease (Jacques Poitrenaud) – L’abominable homme des douanes (Marc Allégret) – Clémentine Chérie (Pierre Chevalier) – Landru (Claude Chabrol) – Les saintes nitouches (Pierre Montazel) – 1963  Carambolages (Marcel Bluwal) – L’assassin connait la musique… (Pierre Chenal) – Blague dans le coin (Maurice Labro) – Le magot de Joséfa (Claude Autant-Lara) – 1964  Une souris chez les hommes / Un drôle de caïd (Jacques Poitrenaud) – Les gorilles (Jean Girault) – Fantômas (André Hunebelle) – Déclic et des claques (Philippe Clair) – Le vampire de Düsseldorf (Robert Hossein) – Les combinards (Jean-Claude Roy) – Play Time (Jacques Tati) – 1965  La tête du client (Jacques Poitrenaud) – Le caïd de Champignol (Jean Bastia) – 1966  Le petit cheval de bois (Richard Balducci, CM) – Du mou dans la gâchette (Louis Grospierre) – Un idiot à Paris (Serge Korber) – L’homme qui trahit la maffia (Charles Gérard) – Le grand restaurant (Jacques Besnard) – Trois enfants dans le désordre (Léo Joannon) – 1967  L’homme qui valait des milliards (Michel Boisrond) – Caroline Chérie (Denys de la Patellière) – La petite vertu (Serge Korber) – Le grand bidule (Raoul André) – Ces messieurs de la famille (Raoul André) – 1968  La femme écarlate (Jean Valère) – Sous le signe du taureau (Gilles Grangier, crédit au générique seulement, rôle coupé au montage ?) – 1969  Et qu’ça saute ! (Guy Lefranc) – La honte de la famille (Richard Balducci) – Aux frais de la princesse (Roland Quignon) – L’homme orchestre (Serge Korber) – 1970  Élise ou la vraie vie (Michel Drach) – Le distrait (Pierre Richard) – Macédoine (Jacques Scandelari) – Les jambes en l’air / César Grandblaise (Jean Dewever) – 1971  La grande maffia… (Philippe Clair) – 1972  Na !… (Jacques Martin) – 1973  Le grand bazar (Claude Zidi) – Le plumard en folie (Jacques Lem [Lemoine]) – L’histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise (Nina Companeez) – 1974  Les quatre Charlots mousquetaires (André Hunebelle) – Impossible… pas français ! (Robert Lamoureux) – 1975  Opération Lady Marlène (Robert Lamoureux) – Bons baisers de Hong-Kong (Yvan Chiffre) – 1976  Le trouble fesses (Raoul Foulon) – 1977  La zizanie (Claude Zidi) – 1978  Le gendarme et les extra-terrestres (Jean Girault) – 1979  Les joyeuses colonies de vacances (Michel Gérard) – 1981  San Antonio ne pense qu’à ça (Joël Séria) – Cargo (Serge Dubor) – 1983  Un homme à ma taille (Annette Carducci) – Le tombeau des musiciens (Patrick Jeudy, CM) – 1985  Le roi blanc (Dominique Ladoge, CM) – 1986  Le retour de Kyoto (Luc Bongrand, CM) – Remous (Benjamin Jules-Rosette, inédit en salles) – 1987  L’habitude de monsieur J. (Olivier Queysanne, CM) – 1988  Anna – der film (Frank Strecker) – Une journée (Intolérances) (Hervé Lièvre, CM) – 1989  Le messie (Edwige Busson & Gilles Alvarez, CM) – Carrousel (Georges Andreeff, CM) –  1990  En voiture ! (Patrick Rufo, CM) – 1992  Le collecteur (Ronan  Fournier-Christol, CM) – 1994  Le montreur de boxe / Lucky Punch (Dominique Ladoge) – 1995  Loin du front [sketch : « Douaumont repris ! »] (Vladimir Léon) – L’histoire du petit homme bizarre (Éric Le Roch, CM) – 2000  Le soleil au dessus des nuages (Éric Le Roch). Nota : André Badin est crédité à tort dans Nathalie (Christian-Jaque, 1957) , « Les lavandières du Portugal » (Pierre Gaspard-Huit, 1957) – « Les petits matins » (Jacqueline Audry, 1961) – dans « L’histoire du Cinéma Français »; le rôle du « satyre » est tenu par Pierre Repp, dans le sketch avec Lino Ventura -, « Le gendarme à Saint-Tropez » (Jean Girault,  1964) , « À nous quatre, cardinal » (André Hunebelle, 1974) – le générique est commun avec « Les quatre Charlots mousquetaires » -. 

 

 André Badin dans « Les bricoleurs »

 Télévision : (notamment) : 1959  Les maris de Léontine (André Leroux) – 1965  Thierry la Fronde : Moi, le roi  (Robert Guez) – 1969  Allô Police : Le déjeuner de Suresnes (Michel Strugar) – Les oiseaux rares (Jean Dewever) – Laure (Mosché Mizrahi, série TV) – Songe d’une nuit d’été (Jean-Christophe Averty) – 1970  Original Dixieland Jass band (Jean-Christophe Averty, série TV) – La brigade des maléfices : Voir Venise et mourir (Claude Guillemot) – Alice au pays des merveilles (Jean-Christophe Averty) – 1971  Arsène Lupin : L’arrestation d’Arsène Lupin (Jean-Pierre Decourt) – Al Jolson (Jean-Christophe Averty) – Ubu enchaîné (Jean-Christophe Averty) – 1972  Avec le cœur (Rémy Grumbach, variétés) – 1973  Les malheurs de la comtesse (Bernard Deflandre) – La vie rêvée de Vincent Scotto (Jean-Christophe Averty) – Musidora (Jean-Christophe Averty) – 1975  Messieurs les jurés : L’affaire Lambert (André Michel) – Les enquêtes du commissaire Maigret : La folle de Maigret (Claude Boissol) – 1976  Adios (André Michel) – 1977  Impressions d’Afrique (Jean-Christophe Averty) – 1979  Le crime des innoncents (Roger Dallier) – Il y a plusieurs locataires à l’adresse indiquée (François Chatel) – Azouk (Jean-Christophe Averty) – 1980  Julien Fontanes, magistrat : Une femme résolue (Bernard Toublanc-Michel) – Fantômas : L’étreinte du diable (Juan Luis Buñuel) – Des vertes et des pas mures (Maurice Delbez) – C’est pas Dieu possible (Edmond Tyborowsky) – Opération trafics : La sainte famille (Christian-Jaque) – 1981  Nana (Maurice Cazeneuve)  – Médecins de nuit : Amalgine (Gilles Legrand) – Les avocats du diable (André Cayatte) – Gaston Lapouge (Franck Appréderis) – Ursule Mirouët (Marcel Cravenne) – 1982  L’adieu aux as (Jean-Louis Lignerat) – L’amour s’invente (Didier Decoin) – Le sage de Sauvenat (Jean Pignol) – 1984  Emportez-la avec vous (Jean Sagols) – Disparitions : Double fond (Yves Elléna) – 1985  Comment devenir une mère juive en dix leçons (Jeannette Hubert, captation) – 1988  Un château au soleil (Robert Mazoyer) – 1989  Le Masque : En scène pour la mort (Pascal Goethals) – L’agence : Les médecines du prince (Jean Sagols) –  1990  Le grand dîner (Gérard Pullicino, divertissement) – 1991  Cas de divorce : Cremer contre Cremer – 1996  Tendre piège (Serge Moati) – 1999  H : Une histoire de démission (Williams Crépin).

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Jean Martin

Jean Martin dans l’entretien « Dans la peau d’un para » en 2004

Annonce de la mort de Jean Martin, grand comédien de théâtre, il fut le créateur en France de quelques pièces parmi les plus importantes du XXème siècle, dont Samuel Beckett (« En attendant Godot », « Fin de partie »). Après quelques rôles mineurs au cinéma – on le reconnait bien dans la cour des miracles dans « Notre dame de Paris » (Jean Delannoy, 1956) – il ne trouva au cinéma son plus grand rôle dans « La bataille d’Alger », qu’en 1965, bien qu’il adorait ce média. Il témoigne de sa rencontre avec le cinéaste Gillo Pontecorvo dans l’un des bonus du DVD « Dans la peau d’un para » en 2004, réalisé par Jonas Rosales, chez Studio Canal. C’est Lola Mouloudji, célèbre agent artistique qui le présente au metteur en scène italien. Jean Martin témoigne qu’il cherchait un comédien pas connu « qui réponde à des critères physiques précis, un colonel de l’armée française pas scrogneugneu, un type relativement ouvert et intelligent. Il était très décidé sur l’apparence extérieure du personnage, je crois que je répondais à ce qu’il cherchait ». Il est retenu après des essais rue Saint-Germain dans Paris 6ème,  en uniforme de para. Il était contre la guerre d’Algérie et était l’un des signataires du manifeste des 121, ce qui lui valut d’être « tricard » notamment au théâtre – il fut renvoyé du TNP – et à la radio. Il avait une filmographie courte mais originale de Jacques Rivette à Claude Zidi. Le tournage fut très difficile du fait de l’emploi de non professionnels et par le côté dirigiste du réalisateur qui lui soufflait les intonations, voulant éviter que ce dernier joue la comédie. Si la version originale fut réalisée en son direct en français, Martin dut resynchroniser la totalité du film. Il fut très probant dans ce rôle du colonel Mathieu, amalgame de personnages réels « confronté à une situation exacte », évitant le manichéisme attendu. Sa performance est d’autant plus remarquable que le réalisateur a voulu souligner le côté vériste du film, il réussit à se fondre dans l’atmosphère documentaire du film. Le cinéma italien l’emploiera un peu, tel son rôle de propriétaire d’une mine d’or chargé de tuer Henry Fonda dans « Mon nom est personne »,  un rôle de « Marie-salope » confiera-t-il dans le bonus du DVD du film, « Nobody is perfect ». On le retrouvait souvent à la télévision, tel son rôle de grand méchant dans « Les compagnons de Baal » chef d’œuvre de Pierre Prévert, écrit par Jacques Champreux en 1968 – édité en DVD chez Koba films vidéo -, flanqué d’un certain Jean Herbert (futur Popeck, alors dans un contre-emploi). Dans le rôle particulièrement réjouissant à déguisements multiples du comte Saint-Germain, il excelle dans l’excentricité. Il devait revenir souvent au cinéma, souvent dans des rôles de notables, mais il permettait que son autorité naturelle soit malmenée, notamment par Claude Zidi dans des comédies rythmées. On le revit au cinéma pour la dernière fois dans « Lucie Aubrac » (Claude Berri, 1996), en résistant face à Daniel Auteuil. A noter qu’un annuaire du cinéma avait annoncé sa mort par erreur il y a une dizaine d’année. Ce comédien a réussit à marquer de sa personnalité tous ses rôles.  Annonce également de la mort du cinéaste François Villiers et du vétéran comédien James Whitmore. Yvan Foucart m’informe aussi de la mort d’André Badin, j’y reviendrai dès que possible…

 

Jean Martin dans « La bataille d’Alger »

Filmographie établie avec Armel de Lorme, initialement pour « Les gens du cinéma » : 1942  La main du diable (Maurice Tourneur) – 1943  Cécile est morte (Maurice Tourneur) – 1955  Les assassins du dimanche (Alex Joffé) – 1956  Notre dame de Paris (Jean Delannoy) – 1958  Paris nous appartient (Jacques Rivette) – 1960  Fortunat (Alex Joffé) – 1962  Ballade pour un voyou (Claude-Jean Bonnardot) – 1963 La foire aux cancres (Louis Daquin) – 1965  La battaglia di Algeri (La bataille d’Alger) (Gillo Pontecorvo) – Un dollaro bucato (Le dollar troué) (Giorgio Ferroni) – 1966  La religieuse (Jacques Rivette) – Adiós gringo (Adios Gringo) (George Finley [Giorgio Stegani]) – Martin soldat (Michel Deville) – 1967  Manon 70 (Jean Aurel) – Je t’aime, je t’aime (Alain Resnais) – 1969  Promise at Dawn / La promesse de l’aube (Jules Dassin) – L’apocalypse (Jean-Claude See) ((inédit) – Cran d’arrêt (Yves Boisset) – Les lettres de Stalingrad (Gilles Katz) – 1972  Le rempart des béguines (Guy Casaril) – L’héritier (Philippe Labro) – The day of the Jackal (Chacal) (Fred Zinnemann) – 1973  Il mio nome è nesuno (Mon nom est personne) (Tonino Valerii) – Glissements progressifs du plaisir (Alain Robbe-Grillet) – 1974  Le cri du coeur (Claude Lallemand) – La moutarde me monte au nez (Claude Zidi) – Il tempo dell’inizio (Luigi Di Gianni) – Un genio, due compari, un pollo (Un génie, deux associés, une cloche) (Damiano Damiani) – Rosebud (Id)  (Otto Preminger) – 1975  Peur sur la ville (Henri Verneuil) – La course à l’échalotte (Claude Zidi) – Il Messia (Le Messie) (Roberto Rossellini) – Black out (Philippe Mordacq, inédit) – Une femme à sa fenêtre (Pierre Granier-Deferre) – Le juge Fayard dit « le shérif » (Yves Boisset) – 1977  Il gatto (Qui a tué le chat ?) (Luigi Comencini) – 1978  Le dossier 51 (Michel Deville) – Éclipse sur un ancien chemin vers Compostelle (Bernard Férié) – 1979  Bête mais discipliné (Claude Zidi) – L’associé (René Gainville) – La femme flic (Yves Boisset) – 1980  Inspecteur La Bavure (Claude Zidi) – La puce et le privé (Roger Kay) – Le roi et l’oiseau (Paul Grimault, animation, voix) – 1983  Le crime d’Ovide Plouffe (Gilles Carle) – 1992  Justinien Trouvé ou le bâtard de Dieu (Christian Fechner) – 1996  Lucie Aubrac (Claude Berri). Nota :  Il y a un Jean Martin dans « Die Letzte Chance » (« La dernière chance ») (1945) de Leopold Lindtberg  et dans « L’homme en colère » (Claude Pinoteau, 1978), est-ce de l’homonymie seulement ? Il convient de ne pas le confondre avec le cascadeur Jean Martin : « À toi de faire… mignonne » (Bernard Borderie, 1963), « Le pacha » (Georges Lautner, 1967), « Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages » (Michel Audiard, 1968), « Une veuve en or » (Michel Audiard, 1969), « Laisse aller… c’est une valse » (Georges Lautner, 1970), « L’hippotamours » (Christian Fuin, 1974). Il y a souvent une confusion avec le comédien Maritin pour (À tout casser, John Berry, 1967). 

avec Jean Herbert [Popeck] dans « Les compagnons de Baal »

Télévision : (notamment) : 1965  Le théâtre de la jeunesse : David Copperfield (Marcel Cravenne) – Le théâtre de la jeunesse : Ésope (Éric Le Hung) – 1966  Le chevalier des Touches (Claude-Jean Bonnardot) – 1967  La cigale (Guy Lessertisseur) – L’invention de Morel (Claude-Jean Bonnardot) – 1968  La prunelle (Emond Tyborowski) – Les compagnons de Baal (Pierre Prévert) – Les enquêtes du commissaire Maigret : L’inspecteur « Cadavre » (Michel Drach) – Le tribunal de l’impossible : Qui hantait le presbytère de Borley (Alain Boudet) – 1970  Le dernier adieu d’Armstrong (Gilbert Pineau) – Un otage (Marcel Cravenne) – La femme en blanc (Pierre Gautherin) – Rendez-vous à Badenberg (Jean-Michel Meurice) – 1972  Mandrin (Philippe Fourastié) – La dame aux camélias (Robert Maurice) – 1973  La duchesse d’Avila (Philippe Ducrest) – 1974  Histoires insolites : Une invitation à la chasse (Claude Chabrol) – 1975  Les classiques de l’étrange : Alouqua ou la comédie des morts (Pierre Cavassilas) – 1976  Torquemada (Jean Kerchbron) – Le château des Carpathes (Jean-Christophe Avery) – Le gentleman des Antipodes (Boramy Tioulong) – Le voyage à l’étranger (Philippe Ducrest) – 1977  La création du monde (Pierre Cavassilas) – Rendez-vous en noir (Claude Grinberg) – 1978  Madame le juge : Autopsie d’un témoignage (Philippe Condroyer) – Il était un musicien : Monsieur Rachmaninoff (Roger Hanin) – Commissaire Moulin : L’intoxe (François Dupont-Midy) – Les pieds poussent en Novembre (Pierre Viallet) – Harold et Maude (Jean-Paul Carrère, captation) – 1980  Histoires étranges : La mort amoureuse (Peter Kassovitz) – Julien Fontanes, magistrat : Par la bande (François Dupont-Midy) – Médecins de nuit : Palais-Royal (Nicolas Ribowski) – 1981  L’ennemi de la mort (Roger Kahane) – Zadig ou la destinée (Jean-Paul Carrère) – Cinéma 16 : Une mère russe (Michel Mitrani) – Une histoire sans nom (Jeannette Hubert) – 1982  Le soulier de Satin (Alexandre Tarta, captation) – Mozart (Marcel Bluwal) – Conrad Killian (Jacques Tréfouel) – 1983  Les chardons de la colline (Édouard Logereau) – Emmenez-moi au théâtre : Orphée (Claude Santelli) – 1985  Colette (Gérard Poitou-Weber) – 1984  Cadavres exquis : Christmas Carol / Le chant de Noël (Pierre Boutron) – 1984  Le piège du fourmillon (André Bonnardel) – 1985  Les colonnes du ciel : Marie Bon Pain (Gabriel Axel) – 1987  L’heure Simenon : Strip-Tease (Michel Mitrani) – 1989  Les jupons de la Révolution : Théroigne de Méricourt, l’amazone rouge (Jeannette Hubert) – The free frenchman (Un français libre) (Jim Goddard) – Champagne Charlie (Allan Eastman) – 1990 Tribunal : Ligne à haute tension – Héritage oblige (Daniel Losset) – Le mari de l’Ambassadeur (François Velle) – 1991  La dame de Berlin (Pierre Boutron) – The Maid (Un amour de banquier) (Ian Toynton) – 1993  Jules Ferry (Jacques Rouffio) – 1995  Julie Lescaut : La fiancée assassinée (Elizabeth Rappeneau) – 1997  Maigret et l’enfant de choeur (Pierre Granier-Deferre) – Da Costa : Les témoins de l’oubli (Nicolas Ribowski) – 1998  Dossier : disparus : Serge et Paul (Philippe Lefebvre) – 2003  La cliente (Pierre Boutron). Non datés : Torna Felicita (F. Zinnemann) ; Les cent livres : Le comte de Monte Cristo (Michel Favart) ; Don Quichotte (série interrogatoire)  ; Colette (Jean Patou).            

 

 

 

 

 

 

Théâtre : De nombreuses pièces, notamment : EN ATTENDANT GODOT de Samuel Beckett, mis en scène par Roger Blin (1953) ; AMÉDÉE OU COMMENT S’EN DÉBARRASSER, d’Eugène Ionesco, mis en scène par Jean-Marie Serreau (1954) ; TETE D’OR de Paul Claudel ; RHINOCEROS d’Eugène Ionesco, mis en scène par Jean-Louis Barrault (1958) ; LE GARDIEN ; LE PERSONNAGE COMBATTANT ; ONCLE VANIA, mis en scène par Christian BENEDETTI ; REGARDE REGARDE ; DE TOUS TES YEUX, mis en scène par Brigitte JACQUES ; LES OISEAUX, mis en scène par Jean Louis BARRAULT ; MON FAUST, de Paul VALÉRY,  mis en scène par Pierre FRANCK ; IL FAUT PASSER PAR LES NUAGES, mis en scène par Lucian PINTILIE ; L’IMPOSTURE de Georges BERNANOS, mis en scène par Brigitte JACQUES ; FRAGMENTS D’UNE LETTRE D’ADIEU LUS PAR DES GÉOLOGUES de Normand CHAURETTE, mis en scène par de Gabriel GARRAN (1990) ; LES BACCHANTES d’EURIPIDE,  mis en scène par Philippe ADRIEN (1991) ; ROBERTO ZUCCO, mis en scène par Bruno BOEGLIN (1991) ; LES SILENCES DU QUATUOR CONRAD, mis en scène par Gabriel GARRAN et Pascale ROZE (1991) ; AUTOMNE ET HIVER, mis en scène par Antoine JULIENS (1994).

 

ARTICLE

  

LE MONDE du 07/02/2009 

  

Jean Martin, par Brigitte Salino

 

La dernière voix de la création d’En attendant Godot s’est tue. Le comédien Jean Martin, qui jouait le rôle de Lucky quand la pièce de Samuel Beckett a été présentée pour la première fois, en 1953, est mort d’un cancer, à Paris, lundi 2 février. Il avait 86 ans. Sa longue carrière, discrète et passionnante, traverse cinquante ans de théâtre (dont la riche période du théâtre d’avant-garde des années 1950), de télévision et de cinéma. Pour ce qui est du grand écran, Jean Martin restera, en particulier, comme le commandant Mathieu de La Bataille d’Alger, de Gillo Pontecorvo, en 1966, un film en phase avec les engagements politiques de l’acteur. Né le 6 mars 1922, Jean Martin était issu d’une famille berrichonne, mais il a passé une partie de son enfance à Biarritz, où son père était employé chez un fourreur chic. Pendant la seconde guerre mondiale, le jeune homme se cache pour échapper au STO (service du travail obligatoire), qui l’aurait conduit en Allemagne. En 1943, il tourne dans un premier film, Cécile est morte, de Maurice Tourneur. Dix ans plus tard, il entre dans l’Histoire en rejoignant Roger Blin, qui met en scène En attendant Godot au Théâtre Babylone, une salle parisienne de la rive gauche tenue par Jean-Marie Serreau. Dans ses mémoires, Roger Blin rapporte que le Babylone était en faillite, et que Serreau lui avait dit : « Je vais fermer boutique, autant finir en beauté. » Ce fut le cas, au-delà des espérances. Les réactions outrées de certains spectateurs, qui trouvaient qu’on se moquait d’eux avec cette attente sans fin de deux hommes au bord d’une route, ont créé un scandale qui a attiré le public. La bombe Godot était lancée. Elle allait changer la face du théâtre, en introduisant sur les scènes une vision du monde d’après Hiroshima. Tous les témoignages de l’époque s’accordent : Jean Martin était « hallucinant » dans le rôle de Lucky. Pendant son monologue, il tremblait de la tête aux pieds, créant un tel effroi que certains quittaient la salle. Jean Martin était cette présence singulière qu’il a conservée par la suite. Très grand, très mince, avec les yeux un peu exorbités qui lui conféraient une étrangeté parfois inquiétante, toujours lucide. Samuel Beckett l’appréciait énormément. La création de Godot a scellé entre l’auteur et le comédien le début d’une longue relation. En 1970, Beckett a dirigé lui-même Jean Martin dans La Dernière Bande. Il en fut de même avec Roger Blin, dont Jean Martin fut un indéfectible compagnon de route. Roger Blin a joué dans Le Gardien, d’Harold Pinter, que Jean Martin a été le premier à mettre en scène en France, en 1961. Il avait retrouvé Blin pour la création de Fin de partie, de Beckett, en 1957. Il y a des comédiens plus célèbres que Jean Martin. Mais rares sont ceux qui, comme lui, représentent un monde, aujourd’hui disparu : la mouvance de la deuxième génération des surréalistes, lisant André Masson, Georges Bataille, Paule Thévenin, Arthur Adamov… Beaucoup d’entre eux se retrouvent sur la liste du Manifeste des 121. Publié le 6 septembre 1960 dans le magazine Vérité-Liberté, ce texte rassemble 121 intellectuels, universitaires et artistes, qui réclament le « droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». Ils prennent le parti de l’indépendance, dénoncent la torture et la politique du général de Gaulle. Comme de nombreux signataires (Laurent Terzieff, Simone Signoret, Alain Cuny…), Jean Martin paie son engagement : il est de fait interdit de radio ou de télévision, sans que cela n’ait été notifié officiellement. Six ans plus tard, Jean Martin est le seul comédien professionnel de La Bataille d’Alger, tourné par l’Italien Gillo Pontecorvo. Son personnage de commandant rappelle le général Massu. La charge que représente le film contre les méthodes militaires françaises en Algérie vaut à La Bataille d’Alger d’être interdit en France, en 1966. Cette même année, le film reçoit le Lion d’or au Festival de Venise, et le Prix de la critique à Cannes. Quand il sort à Paris, en 1971, le cinéma Saint-Séverin est plastiqué. En province aussi, des troubles ont lieu. Le film est retiré des écrans. Il faudra attendre 2004 pour qu’il ressorte en salles. Homme de culture : Jean Martin n’avait pas la réputation d’un comédien facile. Il était exigeant. Au cinéma et à la télévision, son physique lui a souvent valu de jouer les prêtres, évêques, ou personnages officiels. Il aimait particulièrement se souvenir de Jacques Rivette, avec lequel il a tourné Paris nous appartient (1960), et La Religieuse (1966) ; d’Alain Resnais, qui l’a dirigé dans Je t’aime, je t’aime (1968), et de Sergio Leone (Mon nom est personne, réalisé avec Tonino Valerii, 1973). Mais il a aussi tourné avec Roberto Rossellini (il est Ponce Pilate dans Le Messie, 1975), Fred Zinnemann (Chacal, 1973), Otto Preminger (Rosebud, 1975). Au théâtre, il a travaillé aussi bien avec Jean-Louis Barrault (Les Nuits de Paris, 1975) que Bruno Boëglin, pour la création très mouvementée de Roberto Zucco, de Koltès, en 1991. Il a aussi fait beaucoup de radio. Jean Martin habitait un cinquième étage sans ascenseur, rue de Lille, dans le 7e arrondissement de Paris. Il n’a jamais déménagé, à cause des milliers de livres qu’il possédait. Homme de culture, il avait une passion pour la République de Weimar, le cabaret allemand et la musique de Kurt Weill, dont il était un fin spécialiste. Depuis des années, il travaillait à un livre sur Beckett à propos duquel il possédait beaucoup de documents inédits. Ce travail devrait être édité prochainement. Dates : 6 mars 1922 : Naissance à Paris ; 1952 : Joue « La Parodie » d’Arthur Adamov, à sa création ; 1953 : Crée le rôle de Lucky dans d' »En attendant Godot », de Samuel Beckett ; 1960 : Signe le Manifeste des 121 sur la guerre d’Algérie ; 1961 : Met en scène « Le Gardien », d’Harold Pinter ; 1966 : Joue dans le film de Gillo Pontecorvo « La Bataille d’Alger »; 2 février 2009 : Mort à Paris.

Fragments d’un dictionnaire amoureux : Roland Lesaffre

Roland Lesaffre dans « Il faut vivre dangereusement »

Annonce de la mort de Roland Lesaffre, le 3 février dernier, à l’âge de 82 ans. Son physique de baroudeur-charmeur – c’était un grand sportif et champion en boxe et en natation, il était d’abord militaire dans la marine pendant 5 ans -. en faisait un successeur idéal du comédien Roland Toutain. Il suit des cours de comédie auprès de Maurice Escande, Gabrielle Fontan, et Jean Marchat. En 1991, il fera le récit de cette jeunesse dans un livre de souvenir « Le mataf » (éditions Pygmalion-Gérard Watelet). Marcel Carné le prend dès ses débuts sous son aile, et lui confie un rôle de boxeur prometteur face à Jean Gabin. Une rencontre déterminante qui commença pourtant plutôt mal, quand Lesaffre rencontre un photographe connu en Indochine qui lui proposa de faire un tour aux studios de Joinville. « …Mon ami photographe me dit : « Va donc voir Carné, il te trouvera peut-être du boulot ». L’après-midi je rentre sur le plateau B qu’on m’avait indiqué et je vois un petit bonhomme assis sur un perchoir à deux mètres du sol. Soudain il m’aperçoit (c’était Carné) et se met à hurler : « Qu’est-ce que c’est que ce c… là ? Sortez-le moi s’il vous plaît et en vitesse ! » Un type me prend par le bras en me disant : « Vous ne voyez pas qu’il y a le rouge ? » « Quel rouge » – « Je vous prie de quitter le plateau » – « Mais je suis venu voir mon pote Gabin » – « Tout à l’heure maintenant, sortez ! «  Une heure après, à la cantine, Gabin me rejoignait et on tombait dans les bras l’un de l’autre. Puis il m’a présenté à Carné : « Un copain du Sirocco, il est dans la mélasse. Fais lui faire un peu de figuration. C’est comme ça que j’ai débuté dans « La Marie du port », à mille franc par jour » (Ciné-Paris, 1966) (1). La critique le remarque comme André Bazin, dans « Radio-Cinéma » (1) : « Il y a dans le personnage de Lesaffre quelque chose de Gabin jeune. Du Gabin de « Gueule d’amour » et de « Pépé le Moko », mais sans la force grave, l’espèce de sagesse du malheur qui domine justement maintenant en Gabin vieux ». Il restera associé à Marcel Carné, qui en fit son acteur fétiche jusqu’à Mouche (1992), un film inachevé d’après Guy de Maupassant, avec Virginie Ledoyen et Wadeck Stanczak. On retiendra ses rôles de maître-chanteur et délateur dans « Thérèse Raquin », de suspect victime des brutalités policières dans « Les assassins de l’ordre » et celui du bedeau dans le curieux « La merveilleuse visite », accueillant un ange déchu dans un village breton. Il se marie avec la comédienne Yoko Tani en 1956, et tente sa chance en Italie sans trop de succès, René Tabès parle même de sa prestation dans « La saison cinématographique 1962 » : « …On rit pourtant beaucoup en voyant « La fille des Tartares » surtout au moment de la conversion de celle-ci et dans les scènes où le pauvre Roland Lesaffre cesse de faire de la figuration pour dire quelques mots ». On le vit aussi en géologue dans un « space-opera » fauché « Destination planète Hydra », qui connu une programmation tardive en France en 1974.  Volontiers sous-estimé par la suite, il se fera plus rare à l’écran, mais on le revit volontiers jouer la carte de l’autodérision en malabar bourlingueur et mal en point dans un train de nuit dans « Il faut vivre dangereusement » (Claude Makovksi, 1975). Ces derniers temps, on le revit surtout à la télévision et au cinéma dans le rôle du père de Bernadette Soubirous dans deux redoutables films de Jean Delannoy, dont le deuxième opus ne semble avoir connu une sortie en salles qu’à Lourdes. Ce sympathique comédien valait mieux que sa réputation, mais son « amitié » avec Marcel Carné semble avoir nuit finalement à sa carrière. Tout comme Jacques Mazeau et Didier Thouart dans l’excellent « Les grands seconds rôles du cinéma français » (Éditions Pac, 1984) : « On peut se demander pourquoi Roland Lesaffre va connaître une carrière à ellipses. Ce n’est pourtant pas faute de ne pas s’incarner totalement dans la peau de ses personnages. Garçon de café dans « Casque d’or » il fait un stage d’un mois dans un bistrot. Mécano dans « Les tricheurs », il se fait engager dans une station-service. Pour « Du mouron pour les petits oiseaux », il se promène pendant trois semaines avec l’Armée du Salut, et pour « Le bluffeur », il s’initie dans les coulisses du Lido aux mystères de la prestidigitation. Curé dans « La jeunesse aux pieds nus » tourné, tourné au Japon, il a de fréquents entretiens avec des missionnaires français. Pilote dans « Trois chambres à Manhattan, il reste quinze jours à Orly ; flic dans « L’or du duc », il fait un stage aux commissariat du dix-huitième… ». A lire son portrait dans le site « La bande à Carné » très complet sur sa « carrière » qui a également la bonne idée d’y faire figurer l’intégralité des « Immortels du cinéma » tiré de « Ciné-Revue », par Joe Van Cottom et un article de « Jeunesse et cinéma ». Remerciements à Yvan Foucart.

(1) cités dans « Les grands seconds rôles du cinéma français ».

 

  Photo source : Agence Christian Juin

Filmographie établie avec Armel de Lorme : 1949  La Marie du port (Marcel Carné, rôle coupé au montage) – 1950  L’étrange Madame X (Jean Grémillon) – Juliette ou la clef des songes (Marcel Carné) – Parigi è sempre Parigi (Paris est toujours Paris) (Luciano Emmer) – 1951  Casque d’or (Jean Becker) – 1952  Nous sommes tous des assassins (André Cayatte) – 1953  Thérèse Raquin (Marcel Carné) – Quand tu liras cette lettre (Jean-Pierre Melville) – L’amour d’une femme (Jean Grémillon) – 1954  Navigation marchande (Georges Franju, CM, voix du récitant) – L’air de Paris (Marcel Carné) – To catch a thief (La main au collet) (Alfred Hitchcock) – 1955  Si Paris nous était conté (Sacha Guitry) – Soupçons (Pierre Billon) – 1956  La loi des rues (Ralph Habib) – Crime et châtiment (Georges Lampin) – Fukuaki no sheishun / La jeunesse aux pieds nus (Senkichi Taniguchi, inédit en France) – 1957  Méfiez-vous fillettes (Yves Allégret) – Filous et compagnie (Tony Saytor) – La bonne tisane (Hervé Bromberger) – Le piège (Charles Brabant) – 1958  Les tricheurs (Marcel Carné) – Amour, autocar et boîtes de nuit (Walter Kapps) – 1959  Le septième jour de Saint-Malo (Paul Mesnier) – 1960  Terrain vague (Marcel Carné) – La fête espagnole (Jean-Jacques Vierne) – 1961  Les menteurs (Edmond T. Gréville) – Ursus e la ragazza tartara (La fille des Tartares) (Remigio Del Grosso) – 1962  Du mouron pour les petits oiseaux (Marcel Carné) – L’accident (Edmond T. Gréville) – 1963  Le bluffeur (Sergio Gobbi) – I desparati della gloria (Parias de la gloire) (Henri Decoin) – 1964  L’étrange auto-stoppeuse (Jean Darcy & Raoul André, inédit) – 1965  L’or du duc (Jacques Baratier) – Trois chambres à Manhattan (Marcel Carné) – Pas de panique (Sergio Gobbi) – 2 + 5 : Missione Hydra (Destination : planète Hydra) (Pietro Francisci) – 1967  Les jeunes loups (Marcel Carné) – Le bal des voyous (Jean-Claude Dague) – 1968  Les enfants de Caïn (René Jolivet, CM, inédit) – Traquenards (Jean-François Davy) – Maîtres chiens (Christian-Jaque, film d’entreprise) – Le bourgeois gentil mec (Raoul André) – L’amour, oui ! mais… / Les confidences d’un patron d’hôtel (Philippe Schneider) – 1970  Kiss (Jean Le Vitte) – Les coups pour rien (Pierre Lambert) – Le mur de l’Atlantique (Marcel Camus) – Les assassins de l’ordre (Marcel Carné) – 1973  La merveilleuse visite (Marcel Carné) – Maître Pygmalion ou comment devenir un bon vendeur (Jacques Nahum & Hélène Durand, film d’entreprise) – Il faut vivre dangereusement (Claude Makoski) – 1975  El avispero (Ramón Barco) – 1977  Le casque (Roger Legrand, CM) – 1980  Arch of Triumph (Daniel Mann, film inachevé) – 1981  Salut, j’arrive (Gérard Poteau) – 1985  Carné, l’homme à la caméra (Christian-Jaque, documentaire, + scénario) – 1987  Bernadette (Jean Delannoy) – Le jardin d’Alice (Charles Tible, CM) – 1988  Éternelle prison (Medhi Nassradine Haddaoui, CM) – Pauvre petit garçon (Allan Wisniewski, CM) – 1989  La passion de Bernadette (Jean Delannoy, film inédit en salles) – 1990  Noce (Didier Decoin, CM) – Dames galantes (Jean-Charles Tacchella) – 1991  Langlois monumental (Jacques Richard, CM, documentaire) – 1992  Mouche (Marcel Carné, film inachevé). Nota : Il est parfois crédité à tort « Ah ! les belles bacchantes » (Jean Loubignac, 1954) –  « Annuaire biographique du cinéma et de la télévision » édition 1962-1963 (Contact-éditions) – et pour « Le fantôme d’Henri Langlois » (Jacques Richard, documentaire, 2004).

Télévision (notamment) : 1960  Surprise-partie chez Mme Azais (André Leroux, CM) – 1965  Les survivants (Dominique Genée) – 1966  Allô police : L’affaire Dreux (Dominique Genée) – 1968  Les contes du chat perché (Arlen Papazian) – 1969  S.O.S fréquence 17 : Chien à abattre (Christian-Jaque) – 1971  Madame êtes-vous libre (Jean-Paul Le Chanois) – 1974  Eugène Sue (Jacques Nahum) – 1975  Les grands détectives : L’inspecteur Wens : Six hommes morts (Jacques Nahum) – 1977  La poupée de Ploubalay (Daniel Martineau) – La vie de Roland Lesaffre (Jean-Daniel Christophe, documentaire) – 1980  Opération trafics : La sainte famille (Christian-Jaque) – Au bout du chemin (Daniel Martineau) – 1981  Mon ami Socia (Daniel Martineau) – Ultimatum (Georges Farrel) – 1988  Le retour d’Arsène Lupin : Le triangle d’or (Philippe Condroyer) – 1983  Cinéma 16 : Venise attendra (Daniel Martineau) – 1990  Édouard et ses filles (Michel Lang) – Le gang des tractions : La java bleue (François Rossini) – 1994  Les nouveaux exploits d’Arsène Lupin : La robe de diamants (Nicolas Ribowski) – 1995  Quatre pour un loyer (un épisode).

Roland Lesaffre sur le tournage de « Terrain vague »