Whisky Roméo Zulu au titre hautement poétique est une des belles surprises de ce début d’année. On le sait Enrique Piñeyro reprend son propre rôle de pilote, pour dresser un constat lucide, sur quelques libertés prises avec la sécurité d’un avion par une compagnie en proie à une extension dans une Argentine prise au marasme économique, c’est un cinéma qui continue à critiquer sa nation de manière exemplaire. Il joue « T » irréductible mauvaise tête qui refuse de prendre l’avion quand les dispositifs de sécurités marquent des signes de faiblesses et risquant de mettre en danger les passagers.
La force de son personnage est de ne pas se présenter en héros, un des ses collègues composant malgré lui avec sa hiérarchie, lui fait bien remarquer que son statut social assez aisé lui permet d’agir de la sorte. « T » est un individu, qui croit aux changements possibles des choses, à l’image de son grand amour d’enfance qu’il retrouve – elle a des responsabilités dans le domaine des transports aériens -. Son personnage ne baisse jamais les bras, il prend le temps d’écrire des lettres superbes auprès de cette femme fantasmée, mais aussi de démonter les rouages d’un système perverti par l’ultralibéralisme. Le film est sans esbrouffe, et le crash inévitable de l’avion en 1997, est glaçant, nous ramenant à nos propres compromissions quotidiennes. Les lieux sont angoissant, même si vertigineux, et l’utilisation d’archives d’époques renforcent le message du film, alors que la confrontation fiction-réel anile souvent la bonne volonté d’un réalisateur. Ce film sincère, touchant, sans la rouerie d’un cinéaste roublard, est une pure réussite.