Nouveau « biopic » musical souffrant un peu de passer après l’admirable « Ray » de Taylor Hackford. On retrouve évidemment le schéma habituel de la rédemption après l’autodestruction. Le film repose sur la performance de Joaquim Phoenix, qui retrouve un étonnant mimétisme avec son personnage de Johnny Cash, mètre étalon du rebelle américain en colère, qu’il avait rencontré en personne à la fin de sa vie. Si l’on garde par exemple le souvenir de « l’homme en noir » originel d’une vision récente d’une de ses prestations dans « Colombo » épisode « Swan song » et réalisé par Nicholas Colasanto (1974), dans un rôle de chanteur country religieux, trucidant la pauvre Ida Lupino et fêtant sa mort sans retenue, on ne peut qu’être ébaudie de la prestation habitée de Joaquim Phoenix. Son incarnation très probante dans ce film, car il a restitué l’humanité blessée, sa déchéance, les vicissitudes suivant la célébrité et son timbre de voix si reconnaissable. Évidemment c’est Reese Whiterspoon dont la performance est indéniable mais beaucoup plus laborieuse qui se voit récompenser par l’Oscar de la meilleure comédienne dans le rôle de la chanteuse June Carter. C’est prix prévisible, Hollywood est sensible à l’esbroufe et adore « visualiser » le travail, en récompensant parfois des cabotinages laborieux à l’image de Renée Zellweger se voyant recevoir l’oscar du meilleur second rôle dans « Retour à Cold Mountain ». Mais même si je ne suis pas totalement convaincu par l’interprétation de notre si sympathique comédienne prognathe, je dois être un des rares spectateurs à rester sceptique.
Joaquim Phoenix
Au pays du « Biopic » – et des ellispses obligatoires -, on se retrouve sur un terrain connu du traumatisme de l’enfance aux feux de la gloire, mais James Mangold – réalisateur de l’honnête « Copland » – est assez habile pour débuter le film par une représentation du chanteur en milieu carcéral en trouvant des équivalences rappelant l’accident de son frère, tout en retraçant l’angoisse de remonter sur scène. Le portrait de ce pionnier du rock’n’roll post-country, est très juste, et l’ambiance des années 50 – avec une superbe photographie de Phedon Papamichael – est subtile. On ne retrouve pourtant que de manière schématique et assez vaine certains personnages emblématiques comme Elvis Presley et Jerry Lee Lewis. L’itinéraire du personnage est très juste, on retrouve des scènes sensibles et une confrontation assez grave du personnage de Johnny Cash, avec son père taiseux et alcoolique – surprenant et convainquant Robert Patrick, ex-robot dans « Terminator 2 » (!) -, laissant seul à son fils porter le poids de la culpabilité de l’accident de son frère. Le réalisateur déjoue les piéges narratifs, en montrant la création du chanteur seul, dans un hangar durant son séjour à l’armée, pour finir par faire exister son talent en transcendant son chaos intérieur et en jouant avec ses démons, lâchés mais non maîtrisés. Notre Joaquim et notre Reese interprètent avec leurs propres voix et conviction les morceaux musicaux et le parcours chaotique et amoureux de ce couple prédestiné à vivre ensemble contre toute attente – Johnny écoutait June Carter, chanteuse comme lui, enfant sur un poste de radio, dans sa campagne profonde. Le film assez classique sur la forme, évite certains poncifs hagiographiques et un certain angélisme même s’il est un poil moralisateur. Le tout est transcendé par la performance du trop rare Joaquim Phenix, prédestiné donc à renaître de ses cendres (arf ! arf !), le film lui doit beaucoup. Au final, c’est une revisitation romanesque d’une œuvre, assez méconnue chez nous finalement, assez séduisante…