Avant-première le 10 janvier dernier, de « Truands », à l’UCG Cité-Ciné Bordeaux, en présence de son réalisateur, Frédéric Schoendoerffer. Après avoir démythifié le milieu de la police : « Scènes de crimes » et de l’espionnage « Agents secrets », il s’attaque ici au monde des truands. Tel un entomologiste, avec son scénariste Yann Brion, il dissèque les mécanismes du grand banditisme. Il présente d’ailleurs son film – avec une formule répétée à l’envi durant la promotion du film -, comme un « Microcosmos chez les voyous » – on retrouve d’ailleurs Bruno Coulais à la musique -. La violence réelle n’est pas complaisante ou graphique à l’instar du sinistre Mel Gibson et son nauséeux « Apocalypto ». Il a tiré les leçons d’un Martin Scorsese, on s’attendrait presque à voir déboulé Joe Pesci sur l’écran. Schoendoeffer, a d’ailleurs dû édulcorer certains faits réels, il en était question dans l’excellente émission de Frédéric Taddeï sur France 3, « Ce soir ou jamais », en présence de spécialiste. Le parti pris n’est pas de faire une stylisation d’un Jean-Pierre Melville, qui prenait son inspiration dans le cinéma américain – il avait une adoration pour le coup de l’escalier de Robert Wise. Olivier Marchal avait dû faire quelques concessions pour son « 36, quai des orfèvres », pour éviter l’interdiction au moins de 16 ans. Le romantisme du « voyou » au grand cœur, est abandonné pour une vérité frontale. Nous sommes loin du folklore et des poncifs habituels sur les milieux de la pègre en région parisienne. Le doigt est mis ici, comme le dit son auteur, sur l’esprit gaulois, frondeur et indépendant, expliquant l’échec du système mafieux en France. La femme est traitée comme un objet, la brutalité est le langage basique de cette poignée d’hors-la-loi. Il y a des codes, des lois, le réalisateur démontant les trafics et braquages divers. Une poignée d’hommes règne sur des hommes de mains corvéables à merci, et vivent dans un luxe ostentatoire, dominant un petit territoire. Le réalisateur révèle qu’il a voulu éviter toute sympathie avec ses personnages, évoquant la petite famille de la saga des « Parrains » de Coppola, avec laquelle on finit mine de rien par s’y attacher. Le réalisme ici apporte une distance, des détonations des armes, à la manière de ces bandits à vivre dans une autarcie.
Benoît Magimel & Philippe Caubère
La distribution est assez étonnante, notamment Philippe Caubère en caïd fat, parfois grotesque, se fiant à son instinct avec un peu trop de sûreté. On aurait pu craindre que son parcours théâtral brillant pouvait peser sur son interprétation – il n’a plus fait de cinéma depuis 1989, depuis l’adaptation de l’œuvre de Marcel Pagnol par Yves Robert. Mélange de rage, de folie furieuse, Caubère sidère et est très crédible dans ce rôle de Claude Corti, quinquagénaire cruel. Pour la petite histoire Schoendoerffer l’a choisi pour l’avoir vu dans…. Thalassa, le magazine de la mer de France 3 ! Il ne connaissait pas le parcours théâtral du comédien – ni les captations remarquables de Bernard Dartigues -, en l’entandant parler, il a trouvé ainsi son personnage… Benoît Magimel échappé Mevillien, dans un rôle assez trouble excelle. Le polar est un genre patent dans l’histoire du cinéma français, en crise désormais, la télévision donnant dans l’aseptisation général en crééant ses héros irréalistes de la police. Olivier Marchal trouve également un poids dans cette histoire, en homme défait mais encore confiant sur l’amour, Béatrice Dalle, en compagne de Claude Corti, amène une humanité remarquable, figurant la raison dans ce cahos général. Tout comme dans « Virgil » on retrouve également Tomer Sisley, également probant dans le registre du polar, en truand tenté par l’islamisme. La gallerie des truands est aussi remarquable jusqu’à la moindre silhouette, du cascadeur Alain Figlarz, Dominque Bettenfeld, Moussa Maaski, sans oublier Ludovic Schoendoerffer, propre frère du réalisateur dans un jeu assez expressionniste. Frédéric Schoendoerffer, qui cite ici son père – un extrait de la « 317ème section », avec reconnaissance, comme Oliver Marchal, en partant de la réalité, sans renouveller le genre, font perdurer au moins une certaine tradition, c’est emminamment louable, et c’est suffisamment rare pour le signaler. Le dosage divertissement et côté documentaire fonctionne au final dans ce film âpre dont la noirceur peut désorienter les habitués de petits thrillers roublards, qui sont la constante en ce moment.