En consultant les programmes de télévisions, on peut voir que « Pourquoi (pas) le Brésil », sorti en salles en septembre 2004, passe actuellement sur Canal+ à des heures indues de la nuit, courage/encourageant de cette chaîne à péage à la dérive…Ostracisme curieux sur un film ambitieux décrivant les aléas de la création à l’instar du « Huit et demi » de Fellini… Il serait dommage de rater cette seconde chance de revoir ce film – je n’ai pas Canal – la frilosité de cette chaîne est donc à déplorer. Ca commence un peu comme « Les clefs de bagnole », Alain Sarde dans son propre rôle – en sur-jeu hélas -, rejette un scénario qu’il juge abscons de la cinéaste Laëtitia Masson. La réalisatrice se met en scène et nous explique l’urgence pour elle de faire un film – elle a un découvert bancaire de 10 000 € – après l’échec financier de « La repentie » avec Isabelle Adjani et Sami Frey. Un grand producteur « à l’ancienne » Maurice Rey – Bernard Le Coq baroque -, lui propose d’adapter le livre de Christine Angot « Pourquoi le Brésil », projet qui l’intéresse car elle connaît la romancière, et de plus l’éditeur du livre, Jean-Marc Roberts n’est autre que son propre mari. Mais le livre difficilement est adaptable et Laetitia Masson traverse une crise de la création et une perte de confiance traduite avec beaucoup d’honnêteté. Christine Angot apparaît dans son propre rôle comme bienveillante et bonne conseillère, c’est son livre, en fait, qui déclenche les questionnements de la cinéaste sur sa famille, Marc Barbé interprétant avec force son mari – + le personnage masculin d’une adaptation rêvée-. Par ses doutes, on finit par ce biais par rejoindre la problématique du couple posée dans le livre.
Elsa Zylberstein
Laetitia Masson à la manière d’un Michel Drach dans « Les violons du bal » (1973), joue son propre rôle tout en passant le relais à Elsa Zylberstein, impressionnante de justesse, pour l’interpréter ainsi que Christine Angot dans une version fantasmée d’une hypothétique adaptation du film. Le film aligne habilement les mises en abîmes entre les difficultés, les incertitudes sur sa propre vie, fantasmant sur le pédiatre de ses enfants, Haïm Cohen – joué avec sobriété par Pierre Arditi, puis par le vrai pédiatre lui-même – qui l’amène à réfléchir sur la question de l’identité juive traitée dans le livre de Christine Angot, point déterminant dans son couple avec le journaliste Pierre-Louis Rozinès. Elle dresse un portrait acerbe de la cinématographie actuelle, un constat d’impuissance, piégeant Daniel Auteuil – grand moment de gêne du comédien qui refuse le rôle masculin principal après la lecture du scénario, et qui a l’intelligence de laisser figurer ce moment réel dans le film -. Elle ne se fait aucun cadeau, à l’exemple du refus de Francis Huster partant en voiture à la maternité où l’attend sa femme. Dans son propre rôle il lui explique l’inanité pour lui de ce projet, expose sa vison de la vie et la critiquant de manière rude – scène d’anthologie pour ce comédien si souvent décrié -. La belle idée de ce film est de réunir trois femmes réelles, une actrice au meilleur de son talent, une romancière qui se livre frontalement et une réalisatrice qui se dérobe dans sa propre représentation– elle est la récitante du film, les scènes tournées chez elle est ses scènes sont filmées en DV. Elle définit aussi la force d’un témoignage, celui de sa grand-mère et la difficulté de faire incarner ce personnages à des comédiennes – elle cite les refus d’Anouk Aimée et d’Anna Karina, ne voulant se positionner en aïeules -. Elle trouve donc un troisième biais, parti-pris du film à l’image du personnage amusé de Ludmila Mikaël rencontré dans une gare, mondaine landa très belle refusant également le personnage. Même si ce film peut déconcerter il me semble être l’un des meilleurs films de Laetitia Masson, en souhaitant que cette remise en question ne la pénalise pas pour son œuvre à venir. La performance lumineuse d’Elsa Zylberstein aide pour beaucoup à entrer dans l’atmosphère très originale de ce film.