Ce film magnifique de Maurice Pialat en 1971, est une lucide analyse sans complaisance du point de non retour d’un couple. Rarement on a pu voir une telle âpreté, un tel réalisme, une telle cruauté. La genèse du film fut tourmentée, lire le formidable « Pialat » de Pascal Mérigeau (Éditions Grasset, 2002), Jean Yanne n’aura cesse de minimiser sa performance, suite aux nombreux différents entre lui, Jean-Pierre Rassam – qui apparaît d’ailleurs en guitariste – et Maurice Pialat. Yanne obtiendra un prix d’interprétation masculine, plus que mérité. Il a joué le rôle de Jean, personnage frustre, violent et assez détestable avec une humanité, de même Marlène Jobert obtient un de ses meilleurs rôles, avec celui de « Catherine », femme touchante venant d’un milieu populaire, sans cesse rabrouée par Jean, voire humiliée comme dans la scène d’une incroyable crudité de son retour chez sa grand-mère. Jean comprend son amour au moment de l’ineductable seulement, Catherine devenant autonome, cessant de vivre dans une crainte permanente, préférant fuir de prime abord plutôt que de lui annoncer sa rupture.
Marlène Jobert & Jean Yanne
Comme Jean Eustache pour « La maman et la putain », Pialat se sert de son vécu, Pascal Mérigeau raconte qu’il voulait retrouver certains détails de sa propre vie. Il porte un regard assez acerbe sur son monde et sur lui-même. Les autres personnages sont touchants, les hommes souvent assez absent, Harry-Max en père de Jean, vieillissant seul, et l’on voit un rapport père-fils avec lequel il n’y a que peux d’échanges, Jacques Galland en père de Catherine assez résigné ou Maurice Risch, confident triste. Les femmes sont plus fortes, Christine Fabréga – inoubliable dans le « Deuxième souffle » -, mère de Catherine lucide, Macha Méril en femme de Jean – il n’a toujours pas divorcé – personnage meurtri qui ne montre pas ses souffrances ou Muse Dalbray – une comédienne très touchante – en grand-mère qui se plaint d’avoir acheté une grande maison pour ses enfants qui l’ignorent. Le DVD du film propose des bonus exemplaires, dont un entretien avec Marlène Jobert, le regard de François Truffaut sur le scénario, des archives de l’INA, son court-métrage « La Camargue » et un ahurissant face-à-face Pialat-Lucien Bodard. Ce film est un classique désabusé et une des plus fulgurantes analyses d’un couple en perdition.