Georges Lautner a, ironiquement reçu une reconnaissance pour son travail, alors qu’il se fait plus discret. « Mort d’un pourri » (1977) dans un registre moins sarcastique que la série des « Monocles », montre la maîtrise de la mise en scène, face aux dialogues, excellents quoi qu’un peu inhibants on peut l’imaginer pour un réalisateur, de Michel Audiard. Le film met en vedette Alain Delon, curieusement assez primesautier au début du film, dans le rôle de Xav un entrepreneur qui se retrouve mêlé à une sombre histoire de dossier compromettant. Son ami Philippe Dubaye un politicien véreux –campé par l’admirable Maurice Ronet défait qui parvient à imposer son personnage dans un rôle très court – vient d’assassiner un député – Charles Moulin, le berger de « La femme du boulanger » dans un rôle muet –. Ayant pris possession de documents pouvant nuire à de nombreuses personnalités du pouvoir. Il vient de donner ici un beau coup de pied dans « un panier de crabes », et les « intermédiaires » vont tout faire pour avoir ce dossier. C’est ici un rôle étalon pour Alain Delon, un solitaire qui va tout faire par fidélité pour sauver un ami, même si c’est un parfait salaud. L’amitié indéfectible est ici soulignée par des photos présentes du tournage des « Centurions » (Marc Robson, 1965), reprise ici pour souligner les épreuves subies par le duo Delon-Ronet, soldats ou mercenaires durant la guerre d’Algérie. Le regard de Michel Audiard est ici impitoyable et même assez ambiguë, dans le style « Tous pourris », il évoque finalement quelques idées un tantinet extrême (droite ?) et un nettoyage d’une société pervertie à tous les niveaux. Ca reste du divertissement même si c’est assez gênant, autre curiosité, tous les personnages déclament du Audiard, ce qui est un peu lénifiant, mais nous vaut la satisfaction d’un décalage d’entre Klaus Kinski – toujours inquiétant et ici mielleux à souhait – dire un texte mordant de ce célèbre dialoguiste.
Ornella Muti, Alain Delon & Jean Bouise dans « Mort d’un pourri »
Si les femmes sont un peu sacrifiées ici – Mireille Darc dévouée au « repos du guerrier », Stéphane Audran en grande bourgeoise alcoolique, Ornella Muti en jeune femme dans « l’œil du cyclone »,. Les rôles d’hommes sont plus probants, aux services le plus souvent d’organisations occultes, sociétés secrètes dans une vision du monde paranoïaque. Jean Bouise amène toujours une humanité en commissaire probe, luttant contre les connivences entre gens influents, Michel Aumont est son opposé, « compétent » et brutal, François Chaumette est un politique, remettant un prix dans la soirée de « la qualité française » – faut-il y voir une preuve d’auto ironie ? -, Daniel Ceccaldi est un avocat extrémiste, veule et amant de Stéphane Audran, Xavier Depraz – flanqué d’un Charles Millot muet – est un homme de main violent au service d’un Julien Guiomar roublard, composant un industriel « self-made-man » et sentencieux, et on retrouve Henri Virlojeux en dessinateur de BD fatigué, Gérard Hérold en politique déchu, El Kébir en ami sûr de Xav, gardien de parking, revenu d’Algérie pour avoir traversé on le devine quelques épreuves. Ces grands comédiens donnent corps à des personnages assez schématiques, au service d’Audiard qui privilégie son dialogue en sacrifiant un peu la véracité de cette confrérie compromise. On retrouve toute une série de troisièmes couteaux crédités ou non, comme Roger Muni qui se fait voler sa voiture, Arlette Emmery en secrétaire, Michel Ruhl en préfet sous influence, et l’indispensable Philippe Castelli en buraliste goguenard, mais pas Catherine Lachens, crédité sur sa fiche IMDB, nom que j’avais laissé bien que ne le retrouvant pas sur mes notes. Philippe Sarde signe ici une de ses meilleures musiques, mise en valeur par Stan Getz au saxophone – lire à son sujet l’excellent article dans Chants éthérés -. Delon se coltine ici à de très grands comédiens, et la réalisation de Georges Lautner est très efficace, d’autant plus que ce thriller politique est teinté d’humour et le divertissement est présent.