Avant-première le jeudi 14 avril, à l’UGC Bordeaux, en présence de Frédéric Balekdjian, Simon Abkarian et Lin Dan Phan.

C’est toujours une satisfaction, de découvrir l’univers marquant d’un cinéaste, dès les premiers plans d’un film. Le film débute sur une arnaque au bonneteau dans le quartier du Sentier. Simon Abkarian impressionne par sa manière d’occuper le terrain, de s’imposer, de ne pas laisser souffler le spectateur. Le décors est planté, deux communautés coexistent (les Arméniens et les Chinois) avec difficultés.

Teng Fei Xiang & Pascal Elbé

Frédéric Balekdjian a utilisé habilement les règles du film noir, dans les décors de son enfance. Il montre le destin précaire de Yavé Krikorian (Pascal Elbé, personnage touchant et borderline), qui prend sous son aile, le jeune frère de celle qu’il aime (Lin Dan Phan), qui le délaisse pour un autre. Il tente de survivre aux difficultés de la boutique de son père – inattendu et impressionnant Richard Taxi – , par des petites combines avec ses deux comparses le hâbleur et violent Shahak (Simon Abkarian) et son frère Toros (Isaac Sharry).

Ce film âpre, énergique est une réussite, la manière de concilier la vie d’un quartier. On est bluffé par les plans tournés en plein Paris, cette façon de faire exister les arrières plans, d’autant plus méritoire lorsqu’on pense aux contraintes de tourner dans Paris – entre les demandes d’autorisations de tournage et les prostituées de la rue Saint-Denis qui ne souhaite pas figurer dans un plan -. C’est un film à l’énérgie porté par ses comédiens, et de beaux personnages complexes, et le choix de la distribution. L’émotion est souvent là, comme le dernier regard de Gérard (Richard Taxi) sur sa boutique vide, plan inspiré de la propre expérience du réalisateur. Il a eu l’intelligence d’aller au delà de l’image marquée par le « Petit théâtre de Bouvard », pour épaissir sa silhouette et donner une ressemblance avec son propre père.

Pascal Elbé joue avec ironie, et conviction un personnage en souffrance, et perdu. Isaac Sharry joue de sa sympathie naturelle et sa drôlerie – Le numéro rare de « Stranger » -, pour donner plus d’ambiguïté à son personnage, et le jeune Teng Fei Xiang, choisi par casting, passe de l’innocence à la violence avec facilité.

Simon Abkarian

Simon Abkarian, marque durablement son personnage, en l’humanisant Il prouve qu’il est à l’aise dans tous les registres, de l’extorisation (avec Klapisch) à l’intériorisation (avec Deville). Rencontré suite au film, il fait preuve de chaleur, nous confiant son exigence. Très chaleureux et modeste, il devrait rejoindre la famille de Robert Guédiguian. Il parle magnifiquement et avec lucidité de son métier. De beaux rôles l’attendent… Grâce à son amabilité, j’ai pu créer une fiche pour Les gens du cinéma

Lin Dan Phan, surdouée du cinéma, se lève pour vous parler – trouvant inconvenent de rester assise quand quelqu’un s’adresse à elle -. On est touché immédiatement par sa grâce et son côté surdoué. Elle marque de sa gravité et de son charisme, son rôle de femme blessée. Pour la petite histoire, elle a tourné « Les mauvais joueurs » avant le beau film de Jacques Audiard « De battre son coeur s’est arrêté », où elle rayonne également. Sur ce film elle nous parle de ses années d’aprentissage du piano, de son amusement à jouer quelqu’un qui ne parle pas le français. Elle évoque également sa rencontre avec Lomama Boseki « Man to man » révélée comme par Régis Wargnier – son premier rôle fût dans « Indochine » -.

Frédéric Balekdjian, parle avec humilité de son travail, de son travail dans un quartier où il a grandit, sa tenacité face aux difficultés de financements et de tournage. Vivement la suite…