Pauvre, pôôvre David Thewlis. Il était pourtant formidable dans « Naked » de Mike Leigh, mais il a curieusement négocié son parcours depuis. Tétanisé devant le concours de cabotinage de Marlon Brando et Val Kilmer – ce dernier étant grand gagnant – dans le tordant « L’île du docteur Moreau », il a aussi fait quelques frimes pour quelques grands metteurs en scène et a participé même à une comédie sur… l’IRA avec le cultissime « Divorcing Jack ». Las, Paul Auster vient ici de lui donner le coup de grâce… Le très talentueux producteur Paolo Branco finance chichement ce film américano-espagnol-paraguayen,-portugais ( Uirk !!! ), mais ne rend pas service à l’écrivain en le laissant filmer le canevas d’une historiette assez flagada. Paul Auster s’a(muse) comme il peut avec son nombril, en recyclant l’un de ses ouvrages « Le livre des illusions » (2002). Il se paie même le luxe de prêter sa voix au récitant, assez hésitante pour narrer les affres de la création. L’inspiration de la mise en scène est inexistante, à noter une scène d’anthologie de crevaison d’une voiture à deux à l’heure. J’ai eu ma période Paul Auster comme lecteur, et j’ai gardé un plutôt bon souvenir de son premier film « Lulu on the bridge », sur un thème similaire avec Mia Sorvino et Harvey Keitel, diffusé en 1998, je cours donc à la dernière séance 22 heures de mon multiplex local histoire de ne pas rater ce dernier avatar auster. Martin Frost est un Paul Auster aux petits pieds. Il part se mettre au vert dans la maison de campagne d’un couple d’ami parti faire les malins à Calcutta. L’ami est figuré par Auster lui-même qui prêtre sa noble tête aux photos du lieu, clin d’œil mégalomaniaque lourdingue. L’auteur lessivé, décide d’y mener la vie d’une pierre ! Le plan suivant nous le montre roulé en boule par terre sous les arbres, ce n’était donc pas une image… Mais non, on souffle, il observe juste des fourmis… Le lieu l’inspire, il commence l’écriture d’une nouvelle. Au petit matin, il saute comme un cabri, en découvrant Irène Jacob dans son lit, une inconnue qui se dit étudiante en philosophie. Il veut être seul, il vitupère odieusement, jette son courroux sur la malheureuse Claire qui s’annonce comme la nièce du couple. Mais il tombe sur le charme de la belle. Seule explication viable, c’est sans doute en raison de son tee-shirt Berkeley – jeu de mots, comme disait Maître Cappelo, avec l’université et le philosophe du même non, l’ineffable duo se lançant dans des explications oiseuses -.
Michael Imperioli et David Thewlis, jouons à la tournevissette en attendant la mort…
Hélas, plus l’écrivain est inspiré à l’écriture de son oeuvre, plus la belle se trouve mal en point… Mais qui donc est cette mystérieuse créature ? Jetons de gros doutes sur le jeu d’Irène Jacob, qui se livre à un festival de minauderies proprement hallucinant. Dirigée par un metteur en scène comme Kieslowski, elle a beaucoup de talent, mais ici que dire. Aucune dignité à attendre, elle tombe dans le jardin, avec force de précaution pour ne pas se faire mal, dernier réflexe évident quand on perd connaissance. Il faut la voir – attention SPOILERS – sub-claquer dans son lit après une forte fièvre, comme si elle avait ingurgité un bataillon de limaces vivantes. Le réalisateur un tantinet sadique, nous livre même une sorte de best (worst ?) of, de ses pauses affectées en noir et blanc et au ralenti, tandis qu’une machine à écrire tombe interminablement dans le vide. Arrive Michael Imperioli en chauffagiste amateur de lecture. On le comprend, ce pilier des « Soprano » doit être jaloux de Lorraine Bracco qui a débuté dans quelques nanars franchouilles navrants en France au début des années 80, il veut lui aussi faire œuvre dans la désolation. Son arrivée devrait amuser, mais il est mauvais comme un cochon avec ce personnage hautement improbable, écrivant lui aussi des contes sur des pays fictifs dans les Carpates. Il invente même la « tournevissette », déguisé en garçon vacher, un jeu de fléchettes remplacées par des tournevis ( !), ce qui parachève totalement le salmigondis ambiant de ce film. L’individu lui est flanqué d’une muse plutôt mal en point joué par la propre fille de Paul Auster, Sophie, qui trouve moyen de rabaisser encore le niveau, ce qui n’est pas une mince performance. Elle joue une « non-comprenante » comme disait Pierre Desproges, et nous régale de plus de son petit filet de voix. Auster malmène le mythe d’Orphée – ah, le coup du rétroviseur… -, on arrive petitement à la fin avec un sentiment de délivrance. Reste à savoir l’emploi du temps de cette feignasse de muse de Paul Auster, partie sans doute suggérer au jury des Emmy Awards d’attribuer l’award du meilleur directeur à Patrick Le Lay – ce monde est fou… -.