Massacre dans les règles de l’art dans l’émission de France Inter, « Le masque et la plume », ce dimanche soir, pour ce film d’Isabelle Mergault qui ne méritait pas cet excès d’indignités. On lui reprochait son côté reprise d’ « Une hirondelle ne fait pas le printemps », comme si c’était l’exploitation d’un filon, flattant les bas instincts bucoliques de citadins blasés, puisque ce film a rencontré son public. Et pourtant, sortir d’un film entouré de spectateurs avec un large sourire, montre encore une fois le divorce entre le public et la critique parfois. Ce n’est pas une surprise de découvrir une écriture sensible chez Isabelle Mergault, qui était scénariste d’ « Aujourd’hui peut-être » (1990) film de Jean-Louis Bertuccelli à redécouvrir avec Giulietta Masina – la comédienne Medeea Marinescu, héroïne du film, a d’ailleurs un petit côté « Gelsomina » -, « Le voyage à Rome » (1992) ou « Meilleur espoir féminin » (1999), loin de ses prestations de « bonnes clientes » à la télévison. Le film narre la vie d’Aymé Pigrenet – Michel Blanc vraiment excellent et qui fut partenaire d’Isabelle Mergault dans « Une nuit à l’assemblée nationale »  -, un agriculteur nouvellement veuf pour avoir perdu sa femme électrocutée par une trayeuse automatique. Sans être véritablement bouleversé, il suit le conseil de sa notaire – Valérie Bonneton, probante entre écoute et exaspération – de faire appel à une agence matrimoniale non pas pour trouver l’âme sœur, mais pour trouver une main d’œuvre corvéable à merci. Mme Marais, directrice d’une l’agence matrimoniale – Eva Darlan, désopilante dans un numéro excentrique -, suivant son idée l’envoie en Roumanie. Elena – Medea Marinescu, très touchante -, mère de Gaby, une fillette de 6 ans, comprend vite la manière de profiter de la situation en opposant sa sincérité face à la sophistication des autres candidates. Aymé invente un stratagème pour justifier la présence d’Elena dans le village. La bonne humeur et la générosité d’Elena finissent par faire des étincelles face à Aymé, bourru, pingre, maladroit et surtout éternel râleur.

Michel Blanc & Medea Marinescu

Certes on peut reprocher à la réalisatrice quelques situations convenues, mais le dosage émotion et humour vachard est bien dosé. La mise en scène est loin d’être aussi anodine qu’on le dit, il y a même quelques trouvailles, comme le passage du nouvel an au clair de lune. Les situations sont crédibles et les personnages attachants, Isabelle Mergault avance par des petites touches très justes, comme des petits gestes d’affections, la chienne « Ciufut », ou les non-dits dans l’amitié entre Aymé et son voisin Roland – Wladimir Yordanoff, très subtil comme toujours -. L’humanisation d’Aymé est donc prévisible, mais sa solitude est bien décrite, le marasme de la Roumanie est montré de manière pudique et l’intérêt du film ne défaillit jamais. Outre les comédiens cités, il y a une belle galerie de seconds rôles, la toujours formidable Liliane Rovère, irrésistible en villageoise ogresse, déplorant l’alimentation de sa fille et attirant l’attention d’Aymé de manière inattendue, Elisabeth Commelin en femme de Roland toujours sur le qui vive, Véronique Silver, très touchante en cliente dans la salle d’attente de l’agence matrimoniale – trop sous employée ces derniers temps, sa manière de parler de l’anecdote des 2 cuillères est magnifique, Julien Cafaro, se trompant sur le sens des mots -,  Dora Doll dans un rôle trop court, et sa manière de déclarer qu’elle fait peur aux hommes, Renée Le Calm, aïeule délectable et « son qui est mort ? », etc… et un nouveau venu Benoît Torjman émouvant Antoine, amoureux transi d’Elena. Quand on voit le niveau actuel des comédies, et des films de divertissements Bessonnien – je ne sais pas si je vais vous épargner une notule sur « Bandidas » -, on ne saurait trop qu’encourager Isabelle Mergault de continuer dans cette voie.