Second film comme réalisateur pour George Clooney, et seconde charge consacrée à la télévision, après son très probant « Confessions d’un homme dangereux » sorti en 2003 – il se murmure qu’il préparerait un remake du « Network » de Sidney Lumet. Le parti-prix presque documentaire – la caméra suit les comédiens comme dans un reportage -, est réussit et la magie du noir et blanc est retrouvée ce qui n’était pas le cas de bien de films modes comme le cornichonesque « Angel-a ». On retrouve l’ambiance des années 50, des polars noirs – chanteuse de jazz obligatoire -, de la reconstitution d’une équipe de télévision, ici CBS, mélangée à des images d’archives. Clooney dresse le portrait d’Edward R Murroy, présentateur TV célèbre qui donna le coup de grâce au sinistre sénateur Joseph McCarthy. On suit la chute de ce dernier, de 1953 à 1958. Il était tristement connu pour sa chasse aux sorcières, qui a eu un impact considérable à Hollywood entre ceux qui ont accepter de livrer des noms – Marc Lawrence, mort il y a peu, Sterling Hayden, Elia Kazan -, et les autres exilés en Europe – Joseph Losey, Jules Dassin, Edward Dmytryck etc… -. La sobriété du film est exemplaire, sans esbroufe, voire un tantinet un peu austère, mais on ne peut que saluer le travail du comédien comme réalisateur. On pense beaucoup aux « 12 hommes en colère » de Sidney Lumet sur la forme, Clooney a peut être été influencé par la captation en direct du « Fail safe » (1964), remake TV de Sidney Lumet justement. Il est évident qu’il parle aussi de notre société, de la différence entre l’information et la propagande, il fait ainsi une pique à la chaîne de télévision « Fox News », qui a d’ailleurs critiqué la France de manière fortement caricaturale, ces derniers temps.
David Strathairn
Sans être manichéen, les journalistes s’attachent ici aux faits, cherchant les contradictions de McCarthy, les failles de sa machine à broyer les consciences. La paranoïa collective atteignant tous les pouvoirs de l’armée aux médias, finissent par pousser les grands manipulateurs à la faute. « Le quatrième pouvoir » semble être né à ce moment là. Le journalisme d’investigations obtient ici ses lettres de noblesses. Le film parle de l’importance de l’éthique, ce qui est universel, il dénonce certaines connivences avec les pouvoirs, c’est d’autant plus important que nous avons une présentatrice TV du service public, mariée à un ministre en exercice, sans que ça ne semble absolument plus poser de problèmes à personne. Le film déplore aussi la censure économique des « sponsors », l’équipe de journalistes dirigée par Fred Friendly – Clooney qui ne s’est pas donné le beau rôle -, doit réfléchir à la perte d’une manne publicitaire avant d’énoncer une vérité dérangeante. David Strathairn – prix d’interprétation largement mérité au festival de Venise – méconnaissable quant on l’a vu chez John Sayles – il était formidable dans le méconnu « Limbo » – porte le film sur les épaules, ses interventions de moralistes et polémiques face au public sont des grands moments de cinéma, les autres comédiens étant plus en retrait – notamment les excellents Ray Wise, Robert Downey jr et Patricia Clarkson, Jeff Daniels en directeur des nouvelles, un peu sacrifiés en journalistes inquiets, Franck Langella en cynique patron de presse, Ray Wise -. Strathairn compose admirablement son personnage, cachant sa nervosité derrière une sempiternelle cigarette, et montre une conviction étonnante. Le regard attachant sur ces pionniers des médias face au cynisme ambiant, est la grande réussite de ce film exigeant même s’il pâtit d’un peu de trop de distances.