François Levantal dans « sur le fil »
Si l’on retrouve souvent François Levantal dans des seconds rôles, en premier plan il est aussi remarquable. Ainsi dans « L’affaire Pierre Chanal », sur l’affaire réelle des « disparus de Mourmelon », il impressionne, comme le définit justement Nicolas Schmidt dans « Télévision française – La saison 2007 » au sujet de son personnage qui « remarquablement interprété (…) peut faire figure de coupable, impressionnant dans son allure rigide, au ton constamment péremptoire et qui semble d’un bloc en toutes circonstances ». Dans le dossier de presse du film « L’amour aux trousses », Jean Dujardin déclare à son sujet « Lee Van Cleef vous voulez dire…? François est un comédien très doué, bourré de talents, très précis, qui joue comme il parle, très rapide, très calibré, qui a beaucoup de recul, qui peut faire croire tout ce qu’il veut, très doué comme imitateur aussi ».Et Pascal Elbé de rajouter « François Levantal hors classement. Un physique unique, taillé à la serpe et puis en même temps une espèce de classe hors norme avec un humour qu’on n’imagine pas. Parce qu’il est bien « marbré » lui aussi ». C’est l’un des grands sous-utilisés de notre cinéma, c’est devenu l’homme que vous aimerez haïr. Avant de débuter au cinéma – nous apprend le dossier de presse de « Neg’marron »-, il se produit au théâtre dans « Mirabeau ou le délassement comique », « Le théâtre de foire », « Les oiseaux « , « La poudre aux yeux », « Un otage », « L’exil ». Il est capable de faire exister un personnage par sa seule présence, à l’image du tenancier de « Blueberry », où il semble être un des personnages évadés de chez Sam Peckinpah. Il faut le voir dans le décevant « Mauvais esprit », malgré un scénario mordant de Laurent Chouchan, sauver les meubles. Son personnage veule, peu recommandable et capable de toutes les bassesses est digne de figurer dans l’âge d’or de la comédie italienne.
Dans le making off de « Blueberry, l’esprit du film », diffusé sur le câble, on retrouve un François Levantal décontracté, parlant de l’humour, de son attirance pour ce qui est inutile. Il faut l’entendre théoriser sur la nature. Pour finir, il imite « Le cri de la bouteille qui se débouche » (débouchée évidemment), avec brio. Il faut bien le dire, l’humour lui sied bien, il apporte toujours une ironie mordante au moindre de ses rôles, à l’image de la série de pub pour la SNCF. Selon Vincent Cassel, dans le commentaire DVD de « La haine », il a également pour surnom « Main de bois », car il « donne des baffes extrêmement puissantes » !. C’est donc avec « La haine » et son personnage bien sulfaté et en pagne, qui fait des tours avec des balles de revolver, que l’on finit par repérer ce comédien très apprécié par Bertrand Tavernier. On ne cesse donc de le retrouver, et en 2002, il tente un personnage plus posé le temps de deux saisons dans « Avocats et associés » dans le rôle de Nicolas, un personnage altruiste et secret, ce qui lui permet de renouveler son image, avec un rôle moins lisse qu’il n’y paraîtrait puisque son personnage est aux prises avec le « démon du jeu ». Il reste disponible pour des réalisateurs de courts-métrages, incarnant même un officier SS dans « Le barbier ».
Ce qui est remarquable dans son interprétation, c’est l’humour qu’il amène dans sa galerie de personnages hauts en couleurs et souvent antipathiques. Il est hilarant dans « La vie est à nous » en dealer zen, dans « L’annonce faite à Marius » en interne qui se retrouve interloqué à la vue d’un Pascal Légitimus « enceint » des expériences de Jackie Berroyer ou en adepte de la pétanque nudiste dans « Camping ». Il est capable aussi d’humanité comme le maître dragueur fatigué de Saïd Taghmaoui dans « Confession d’un dragueur » ou son personnage de grand blessé de guerre des « Blessures assassines ». Il convient également de signaler sa performance parmi toute une équipe de joyeux drilles (Édouard Montoute, Atmen Kelif, Armelle Deutsch ou Christophe Alévêque) dans « Nos amis les flics », en personnage de truand petits bras « bas du front » se retrouvant à occuper un commissariat. Il se prend au jeu dans son nouveau costume et conseille à un quidam de casser la gueule à son patron. Dans « L’antidote », il joue les utilités brillamment aux côtés de Christian Clavier, lorgnant sur les charmes d’Alexandra Lamy. Il peut être d’une cruauté inouïe dans « Un long dimanche de fiançailles », et on finit par approuver le personnage de Marion Cotillard dans ses idées de vengeances. Dans « Narco » il est un père albinos et terrifiant pour un frère et une sœur, les poussant sadiquement au meurtre en allant trop loin dans leur entraînement pour une compétition de patinage artistique. Il est idéal pour incarner les monstres du quotidien. De la bande des affreux de « Dante 01 », il est le plus retord et cruel et dans le téléfilm « La mort n’oublie personne », son personnage est qualifié comme « La gueule même du faux témoin ». Il va même jusqu’à personnifier le professeur cauchemardé, quand le cancre Ducobu s’imagine en pension dans « L’élève Ducobu ». Antoine Blossier l’engage dans sa galerie des monstres pour « La traque », car selon le dossier de presse du film « François Levantal s’est révélé une évidence pour le rôle. Il adore les personnages de méchants et je crois qu’il a beaucoup aimé jouer un type un peu lâche et dangereux ».
Il est particulièrement réjouissant dans « L’amour aux trousses » où il procède à diverses ruptures de ton, en méchant bondissant et narquois, sans pitié, il faut le voir lors de la scène de rencontre avec Caterina Murino, femme policier se faisant passer pour une call-girl, il charme et terrifie à la fois. Dans ce film son personnage passe facilement d’une violence brutale à des jeux puérils, il zappe malicieusement lors du match de foot que regarde son acolyte « Le Brésilien », il fonce, raille ses poursuivants, un rôle, encore une fois, particulièrement réjouissant… Citons Bayon à son sujet : « L’affiche… est relevée de l’éminent François Levantal (qui galvaude trop en réclames sa «gueule» d’atmosphère digne d’André Héléna) » Libération 06/07/2005.
Il faut le voir dans le pataud « L’île au(x) trésor(s) », en pirate échoué sur une île. Ironie du sort, il possède une véritable fortune qui ne lui sert strictement en rien. Le régime noix de coco et crabe bouilli l’a rendu totalement fou. Le visage mangé par une barbe épaisse, il étonne dans la composition de ce personnage décalé à la gestuelle déglinguée, inventant un curieux langage remplis de borborygmes et d’élucubrations diverses. Son apparition est une bouffée d’air frais dans cette grosse machinerie, il écrase avec superbe tous les autres personnages de ce « Pirates des Caraïbes » du pauvre, et sauve une fois de plus le film. François Levantal était épatant en vedette d’un téléfilm – impossible de me souvenir du titre. Il y jouait un journaliste s’improvisant détective avec beaucoup de subtilité. Ce formidable comédien est mûr pour les grands rôles, en souhaitant que l’on utilise au mieux sa dimension tragique, son élégance et sa « vis comica ». Sa participation au culte « Kaamelott » en légionnaire goguenard est dans ce sens un absolu régal.
Il trouve son meilleur rôle dans la série « Sur le fil » – l’intégralité de la série est disponible en DVD- série policière qui se démarque singulièrement des habituels modèles du genre. Dans sa composition du commandant Munoz, policier anticonformiste et agissant à la limite de la légalité, il excelle en chef d’une petite équipe qui est en conflit permanent avec son supérieur le trop novice commissaire Forge. Munoz est impulsif, mais probe, il se débat entre les méandres de l’administration, une délinquance de plus en plus violente et des problèmes familiaux, notamment avec son fils. Levantal y diffuse une autorité, une chaleur avec ses coéquipiers – ses partenaires sont tous excellents -, le tout avec une bonne dose d’humour comme à l’accoutumée. Dans « Les Lyonnais », il impressionne en mentor trahi d’Edmond Vidal et as du braquage, en figure idéale pour perpétuer une tradition du polar français. Retour à l’humour pince sans rire avec « La petite histoire de France », diffusé sur W9 à partir du 28 novembre 2015, où il est irrésistible en cousin du Roi, en disgrâce. Dans « Raid dingue », il est le chef du RAID très crédible par son autorité, utilisant une nouvelle fois son humour quand il ne maîtrise pas totalement les situations, mais s’affirmant cependant malgré les pressions du ministre de l’Intérieur, campé par Michel Blanc, ce qui nous vaut des échanges irrésistibles.
Filmographie : 1985 Conseil de famille (Costa-Gavras) – 1989 La Révolution française : Les années Lumière (Robert Enrico) – 1991 L. 627 (Bertrand Tavernier) – 1993 La fille de d’Artagnan (Bertrand Tavernier) – 1994 3000 scénarios contre un virus : Mort d’un couple (Laurent Heynemann, CM) – L’appât (Bertrand Tavernier) – La haine (Mathieu Kassovitz) – 1995 Capitaine Conan (Bertrand Tavernier) – Un héros très discret (Jacques Audiard) – 1996 Plan séquence : Homo-automobilis (Vincent Mayrand, CM) – Le ciel est à nous (Graham Guit) – Assassin(s) (Mathieu Kassovitz) – Dobermann (Jan Kounen) – 1997 Le bossu (Philippe de Broca) – La voie est libre (Stéphane Clavier) – L’annonce faite à Marius (Harmel Sbaire) – Zonzon (Laurent Bouhnik) – Sabbat night fever (Vincent Cassel, CM) – Le poulpe (Guillaume Nicloux) – 1998 Quasimodo del Paris (Patrick Timsit) – Une vie de prince (Daniel Cohen) – Menhir (c’est citer) (Hubert Kondé, CM) – 1999 Clara qui êtes aux cieux (Jean-François Hirsch & Pascal Demolon, CM) – Le sens des affaires (Guy-Philippe Bertin) – Sade (Benoît Jacquot) – Les rivières pourpres (Mathieu Kassovitz) – Les blessures assassines (Jean-Pierre Denis) – 2000 Même pas mal (Diastème, CM) – Belphégor, le fantôme du Louvre (Jean-Paul Salomé) – Confession d’un dragueur (Alain Soral) – Le barbier (Jon J. Carnoy, CM) – Grégoire Moulin contre l’humanité (Artus de Penguern) – 2001 La nuit du chien (Robin Sykes, CM) – Vertiges de l’amour (Laurent Chouchan) – Le nouveau big bang (Nicola Koretzky, Marina Tomé, CM) – Se souvenir des belles choses (Zabou Breitman) – Gangsters (Olivier Marchal) – La guerre à Paris (Yolande Zauberman) – Le nouveau Jean-Claude (Didier Tronchet) – La sirène rouge (Olivier Mégaton) – 2002 À l’abri des regards indiscrets (Hugo Gélin & Ruben Alves, CM) – Mauvais esprit (Patrick Alessandrin) – Michel Vaillant (Louis-Pascal Couvelaire) – L’ancien (Nicky Naude & Emmanuel Rodriguez, CM) – 2003 Holden se blinde (Nicola Koretzky, CM) – Blueberry, l’expérience secrète (Jan Kounen) – Nos amis les flics (Bob Swaim) – Le veilleur (Frédéric Brival, CM) – Narco (Tristan Aurouet et Gilles Lellouche) – Un long dimanche de fiançailles (Jean-Pierre Jeunet) – 2004 La Chepor (David Tessier, CM) – Transit (Julien Leclerc, CM) – Nèg marron (Jean-Claude Flamand-Barny) – L’antidote (Vincent de Brus) – L’amour aux trousses (Philippe de Chauveron) – 2005 Ma vie en l’air (Rémi Bezançon) – Demain la veille (Julien Lucat & Sylvain Pioutaz, CM) – Sheitan (Kim Chapiron) – Sauf le respect que je vous dois (Fabienne Godet) – Entente cordiale (Vincent de Brus) – Camping (Fabien Onteniente) – 2006 L’île au(x) trésor(s) (Alain Berberian) – Dante 01 (Marc Caro) – Demain la veille (Julien Lecat et Sylvain Pioutaz , CM) – 2007 Black (Pierre Laffargue) – Orange juice (Ronan Moucheboeuf, CM) – 2008 Jusqu’au bout… (Vincent Plaidy, CM) – 2009 Vendetta (Patrick Bossard, CM) – Les bons tuyaux (Olivier Riffard, CM) – La traque (Antoine Blossier) – 2010 L’élève Ducobu (Philippe de Chauveron) – Les Lyonnais (Olivier Marchal) – 2011 Enfant de la patrie (Kim Chapiron) – Peter Pan (Nicolas Duval, CM) – Les Kaira (Franck Gastambide) – 2012 Pari (Jovanka Sopalovic, CM) – Les invincibles (Frédéric Berthe) – Les petits joueurs (Guillaume Breton, CM) – 2013 Les Francis (Francis Begotti) – Quarante (Nicolas Koretzky et Hervé Rey, CM) – 2016 Raid Dingue (Dany Boon) – 2017 La finale (Robin Sykes) – Taxi 5 (Franck Gastambide). Voxographie : Les lascars (Emmanuel Klotz & Albert Pereira-Lazaro).
Télévision: Notamment : 1989 Les nuits révolutionnaires (Charles Brabant) – 1992 Commissaire Moulin : Les zombies (Yves Rénier) – 1994 Cognacq-Jay (Laurent Heynemann) – 1995 Chercheurs d’héritiers : Les gens de Faillac (Laurent Heynemann, pilote inédit diffusé sur le câble) – L’instit : L’angélus du corbeau (Laurent Heynemann) – 1996 La poupée qui tue (Bruno Gantillon) – 1997 Un arbre dans la tête (Jean-Pierre Sinapi) – 1998 Le feu sur la glace (Françoise Decaux) – 1999 Les duettistes : Une dette mortelle (Alain Tasma) – 2000 Passage interdit (Mickaël Perrotta) – Une femme d’honneur : Mort clinique (Alain Bonnot) – Rastignac ou les ambitieux (Alain Tasma) – 2001 Le lycée : Une voix publique (Miguel Courtois) – P.J. : Enfant battu (Olivier Bonnet) – 2002 Le juge est une femme : L’ami d’enfance (Charlotte Brandstrom) – 2002/2004 Avocats et associés (26 épisodes) – 2003 Les enquêtes d’Éloïse Rome : Joanna est revenue (Philippe Setbon) – À cran (Alain Tasma) – 2004 À cran, deux ans après (Alain Tasma) – 2005 La battante (Didier Albert) – 2006 L’affaire Pierre Chanal (Patrick Poubel) – David Nolande : Crescendo (Nicolas Cuche) – Élodie Bradford : Une femme à la mer (Olivier Guignard) – 2007 La lance de la destinée (Dennis Berry) – Sur le fil (Frédéric Berthe, 5 fois 52mn) – Les Bleus : Premiers pas dans la police : Enquête interne (première et deuxième partie) (Patrick Poubel) – Sur le fil (Bruno Garcia, saison 2) – La mort n’oublie personne (Laurent Heynemann) – 2009 Sur le fil (Bruno Gantillon, saison 3) – Kaamelott livre VI (Alexandre Astier, saison 6) – Cartouche, le brigand magnifique (Henri Helman) – 2011 Ni vu, ni connu (Christophe Douchand) – Braquo (Philippe Haïm et Éric Valette, saison 2) – La nouvelle tragédie : Les voies impénétrables (Noémie Saglio & Maxime Govare) – 2013 La télé commande (CM, mini-série) – Julie Lescaut : Tragédie (René Manzor) – 2014 Meurtres à l’Abbaye de Rouen (Christian Bonnet) – 2015 Le placard (Dominique Thiel, captation) – 2015/2016 La petite histoire de France (Jonathan Barré, CM, série) – 2016 Section zéro (Olivier Marchal et Laurent Guillaume) – 2018 Les rivières pourpres (Olivier Marchal, mini-série). Voxographie : 1996 Enquête sur un enlèvement (Peter Kassovitz, récitant) – Un monde digital (Martin Meissonnier, documentaire, récitant) – Web Site Story (Martin Meissonnier, série documentaire, récitant) – 2013-2016 Les Kassos (Alexis Beaumont, Julien Daubas, Rémi Godin et Yves Bigerel, animation).