« Douches froides » est un film dans la filiation de l’œuvre d’André Téchiné (érotisation des corps adolescents et tourments à l’approche de l’âge adulte). Son réalisateur, Antony Cordier, venait de le présenter à la quinzaine des réalisateurs à Cannes, et fait suite à un documentaire « Beau comme un camion » consacré à sa famille. Il vient d’un milieu social modeste, ce qui reste assez exceptionnel dans notre cinématographie. Le film révèle parfaitement les pressions qui pèsent sur un adolescent – scolarité, compétitions sportives, pour accéder à un meilleur statut social -. C’est Mikaël – Johan Libéreau, très juste -. dont les parents vivent dans la précarité. Le réalisateur a une certaine sensibilité pour traduire les premiers émois d’un adolescent, la description d’un milieu difficile obligé de rogner sur le moindre coût.
Salomé Stévenin
Le milieu bourgeois, est vu par le regard de l’adolescent, où tout semble facile ou cynique – le personnage de Camille Japy -. Claire Nebout fait exister de suite son personnage oisif, et Aurélien Recoing en mécène protecteur cloué sur un fauteuil roulant reste assez énigmatique. Ils sont les parents du jeune, Clément dégageant une certaine ambiguïté et qui va fasciner Mikaël. L’un des plus attachants personnages est celui de Vanessa – Salomé Stévenin, promis à un grand avenir -, qui ne se livre pas immédiatement et dont Mikaël tombe amoureux. Les tourments sentimentaux et la confrontation avec les compromissions des adultes, sont très bien rendus. Florence Thomassin est excellente en jeune mère de Mikaël, luttant avec dignité avec les difficultés du quotidien, et le problème d’alcools de son mari, campé par un Jean-Philippe Ecoffey généreux et fragile. Magalie Woch, en deux scènes, prouve après sa brillante prestation dans « Rois et Reine », son grand talent quand elle évoque avec tendresse, l’étonnement de ses parents découvrant l’eau chaude courante – Les douches à l’eau froide permettant une économie certaine -. A noter également la prestation de la cinéaste Dominique Cabrera, amusante employée du planning familial.
Johan Libéreau & Jean-Philippe Ecoffey
Le film est réaliste, comme dans les petits détails de la couche de vêtements pour perdre du poids, la description des séances de judo, la lutte pour sortir d’un certain déterminisme, avec la peur du moment où tout peut basculer – la carte de la Chine confondue avec celles des États Unis, dans un examen – : « Mais on ne s’arrache pas à son milieu, on compose avec lui dans un rapport de dette retorse et infinie… » (Didier Péron, Libération 16/06/2005). L’amour semble une épreuve initiatique à l’image des courbatures de Vanessa après son expérience à trois. Même si l’on sent la difficulté qu’a le metteur en scène pour se séparer de ses personnages – quelques critiques dénoncent le montage du film, alors que c’est l’œuvre d’un ancien monteur –, son propos est louable. Il change par son parcours, de l’habituelle vision privilégiée de la société. Ce regard chaleureux et singulier est à suivre dans un cinéma français assez rétif pour décrire les milieux populaires autrement que dans une mouvance Pialat.