Retour en grâce pour Bertrand Blier avec « Combien tu m’aimes ? »… Blier est dans mon petit panthéon personnel de mes cinéastes préférés, j’ai même une affection particulière pour « Les acteurs » chant d’amour vachard pour les comédiens, c’est dire. Si le public le suivait volontiers du temps de « Merci la vie » où il envoyé valdinguer la narration, ces derniers exercices de styles n’ont pas eu sa faveur. Et vint le temps du recyclage, dont la morne captation de ses « côtelettes » produit par Luc Besson (encore lui), histoire d’avoir un nom prestigieux dans son écurie sans se fatiguer… On pouvait prévoir une nouvelle baisse de régime avec cette addition « Mon homme » – la prostituée au grand coeur – + « Trop belle pour toi – comment vivre avec une beauté digne comparée ici à une « bombe nucléaire » -.
Jean-Pierre Darroussin et Monica Bellucci
Certes le réalisateur a abandonné ses audaces, pour retrouver ses obsessions, et dresser un très beau portrait de femme, – le cinéma de Blier ne me semble aucunement misogyne, même si ses personnages le sont parfois -. C’est donc une variation de ses thèmes, ne manque ni le médecin furtif de « S.O.S. médecins » au secours d’un malaise vagal – la situation est ici inversé, Bernard Campan ayant le coeur fragile -, ni le choeur des collègues. François – subtil Bernard Campan – que l’on devine souffrir de misère sexuelle, s’offre grâce à un gain au loto une call-girl grand luxe – La Bellucci -. De cette rencontre improbable, Blier tend plus vers la sensibilité que de l’acidité. Il y a toujours les mots d’auteur qui font mouches, la carte jouée ici est celle du classique, mais elle brille particulièrement par son efficacité. De plus le metteur en scène a toujours une manière très juste de renifler l’air du temps sans l’édulcorer. Même si le film semble chercher son rythme parfois, on aime à retrouver cet univers singulier.
Gérard Depardieu, Monica Bellucci et Bernard Campan
La distribution est ici particulièrement brillante. Monica Bellucci poursuit sa carrière avec intelligence et me semble une bonne comédienne contrairement à l’idée propagée dans nombre de forums. De part sa manière d’afficher et de jouer sur sa sensualité – il y a un plan d’hommage à Sophia Loren, dans « Une journée particulière » et la comparaison n’est pas déplacée – son personnage troublant existe. Bernard Campan continue son sillon sensible, suite à ses rencontres avec Zabou Breitman et Jean-Pierre Améris, Gérard Depardieu retrouve son brio, et confirme qu’il est un immense acteur, s’il veut bien s’en donner la peine, avec un proxénète, s’excusant d’être un salaud, comme son personnage dans « Merci la vie », Jean-Pierre Darroussin est émouvant et tragique – très belle scène quand il évoque sa compagne -, Michel Vuillermoz est acerbe en toubib, Edouard Baer semble être né pour dire du Blier, Sara Forestier est attachante, Farida Rahouadj – compagne de Blier – en voisine agacée libérant sa sensualité, François Rollin, Fabienne Chaudat, Jean Barney et les autres existent – ce qui était moins le cas chez les seconds rôles des précédents films de Blier. Joyeuses retrouvailles avec un de nos meilleurs cinéastes, même si l’on pouvait espérer d’autres champs d’explorations.