« Les médiocres se résignent à la réussite des êtres d’exception. Ils applaudissent les surdoués et les champions. Mais la réussite de l’un des leurs, ça les exaspère… Elle les frappe comme une injustice ». – dialogue de Michel Audiard dit par Michel Serrault dans « Garde à vue » -.

Gérard Jugnot a dû se rabattre sur ce projet proposé par le producteur Jean-Pierre Guérin après le refus d’Albert Uderzo de donner les droits pour « Astérix en Hispanie ». « Boudu sauvé des eaux » est une pièce de théâtre de René Fauchois, (jouée d’ailleurs par Gérard Depardieu, dans un rôle secondaire, en 1968, au théâtre des Capucines, dans une mise en scène de Jean-Laurent Cochet). Pourquoi pas alors, on se souvient d’un autre remake de cette pièce par Paul Mazurski « Le clochard de Berverly Hills » en 1986 avec Richard Dreyfuss, Nick Nolte et Bette Midler… Et comme disait Bernadette Lafont, la chapelle Sixtine est aussi une commande…

Mais on s’inquiète avec la déclaration de Gérard Jugnot sur le film de Renoir dans « Télérama » N°2876 du 26 février :
« Il faut être clair : je n’aurais jamais osé faire un remake de La Règle du jeu ou de La Grande Illusion, mon Renoir préféré. Mais Boudu, c’est un Renoir mineur : je crois savoir que Michel Simon a tout fait ou presque, c’est lui qui a acheté les droits de la pièce et qui a engagé Renoir. Le texte original de René Fauchois est violemment anti-bourgeois. Il date de 1919, règle des comptes avec les planqués de la Grande Guerre ­ c’est le prolétariat qui est allé au casse-pipe, pas la bourgeoisie. Je crois même que la pièce a été censurée. Avec mon scénariste, Philippe Lopes-Curval, on a trouvé amusant de reprendre le thème, mais d’en faire quelque chose de résolument différent. »

… film mineur de Jean Renoir ! « les bras m’en tombent » comme dirait Denis Parent…Ce film reste un chef d’œuvre définitif et libertaire avec un sublime Michel Simon, film qui continue à choquer certaines âmes comme la scène où Boudu essuie ses pieds aux rideaux. J’aime l’univers de Gérard Jugnot, et sa franchise habituelle (il n’aime pas la « Nouvelle vague », ce qui est son droit), mais là faut pas « déconner »(dans « Studio » il déclare « je n’ai pas voulu revoir le film de Jean Renoir, ni relire la pièce de René Fauchois »…)., dévaluer un film pour légitimer un remake c’est un peu un aveu d’impuissance…

Michel Simon dans « Boudu sauvé des eaux »

Outre les déclarations de Paul Vecchiali contre jugnot il y a aussi la déclaration du CCCP (Comité Contre le Cinéma qui Pue) vu sur le forum de « secondscouteaux.com »

Rappel du texte :

« SAUVONS BOUDU DES EAUX GLACEES DU CALCUL EGOISTE ! Ce soir mardi, une quinzaine d’individus ont lancé une quarantaine de boules puantes lors de l’avant première pour le public du nouveau film de Gérard Jugnot, Boudu. Voici le tract qui a été jeté en pleine séance.

Nous avons entre vingt et trente ans. Nous n’appartenons à aucune organisation autre que celle-ci, créée pour l’occasion. Nous ne sommes pas tous des cinéphiles, mais tous nous connaissons et aimons le Boudu de Jean Renoir et Michel Simon.

Gérard Jugnot a déclaré à Télérama (cette revue pour maisons de retraite) : « Tout le monde est d’accord, Boudu est un Renoir mineur. » Jugnot parle du point de vue de son monde, et en bon bourgeois, il est persuadé que son monde c’est « tout le monde ». Mais le monde de Gérard Jugnot n’est pas le nôtre. Pour nous, Boudu est le plus beau film de Jean Renoir, celui dans lequel s’affirme avec le plus de force son anarchisme. Les films de Renoir sont des films libres, des aventures, des expériences. Et Boudu, joué par Michel Simon, est à l’image de ce cinéma : il ne doit rien à personne et surtout pas à ses bienfaiteurs (bourgeois, ou producteurs de cinéma). Aucun personnage de Renoir n’est allé aussi loin dans l’improvisation, le sans-gêne et le franc-parler. Boudu, plus que la trop sage Grande Illusion (film évidemment préféré de Jugnot), est le film de Renoir le plus personnel et le plus libre.

Que sont Jugnot et Depardieu ? Des « stars ». C’est-à-dire des imbéciles qui font commerce de l’exhibition permanente de leur imbécillité. Des vedettes sans talent, rouées pour la grimace, devant lesquelles s’aplatissent même les hommes politiques. Des amuseurs publics qui n’ont (plus) rien à voir avec ce peuple qu’ils prétendent amuser et qu’ils appellent avec mépris « le public ». Des grands bourgeois crapuleux qui occupent pour leur publicité personnelle toutes les cases que les médias gardent bien chaudes pour eux : plateaux de télévision, émissions de radio, couvertures des magazines, etc. Jugnot et Depardieu sont la honte de notre pays et de notre temps. A Catherine Frot, que nous aimons mieux, nous disons que nous préférons les dilettantes de la sincérité aux professionnelles de la caricature.

Jugnot ne se contente pas de barboter mollement, comme tant d’autres, dans les eaux dégoûtantes des médias de masse. Il fait pire : il pille, par manque total d’imagination, le meilleur du patrimoine cinématographique français pour se faire encore plus d’argent et de publicité personnelle. Il vole le sujet d’un grand film français des années 30 qu’il déformera assez pour en faire un petit produit cynique et irresponsable de plus. Il va trahir impunément Renoir, avec la bénédiction de tous les relais médiatiques possibles. Que peut-il sérieusement faire de l’anarchiste Boudu, lui qui ne sait rien ni de l’anarchie ni de la liberté ? Que peut-il faire de son couple de petits-bourgeois, lui qui est une « star » et qui fait tout pour cacher le scandale que constitue son enrichissement personnel démesuré en tant que « star » ? Jugnot comme Depardieu participent de tout leur être à l’entreprise quotidienne de refoulement des rapports sociaux en France. TF1, la Française des Jeux, les J.O. de 2012, Jugnot : même combat, c’est-à-dire même gaspillage, même abrutissement et pillage organisés du peuple français.

Aujourd’hui, ces pourris s’en prennent à notre cher Boudu. Aujourd’hui, ils transforment les salles de cinéma en intérieurs bourgeois où tout est en ordre et chacun bien à sa place : les spectateurs sommés d’applaudir les cabotins ridicules et vaniteux venus se foutre d’eux, une fois de plus. En réponse, nous sommes tous des Boudu, et ce soir nous salissons, nous empuantons, enfin nous gâchons le spectacle. En hommage à Michel Simon et à Jean Renoir.

CCCP (Comité Contre le Cinéma qui Pue) »

Source :
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=33549

Gérard Depardieu & Gérard Jugnot, remake de « Tenue de soirée » ?, non remake de « Boudu ».

Même si cet acte libertaire peut sembler amusant,  Gérard Jugnot ne mérite pourtant pas cet excès d’indignités et de foudres. Sans doute le succès des choristes agace, mais cette haine peut sembler disproportionné. L’oeuvre de Gérard Jugnot est cohérente, et colle en général à l’air du temps. Il amène souvent une grande humanité à ses personnages, même si cette fois il a raté sa cible. Si on lit complètement son article sur Télérama : Taper « Gérard Jugnot » sur « rechercher un article » via le lien : http://www.telerama.fr/
on voit bien son amour pour le cinéma et la manière dont il parle de Noël-Noël, Robert Dhéry ou d’Yves Robert, personnalités qui n’ont pas la reconnaissance méritée.  C’est d’autant plus qu’honorable que bien des metteurs en scène aiment à faire table rase du passé ».


Pour le film en lui même, on essaie d’abord de voir le film en essayant de ne plus penser au Boudu original. Mais la mise en scène est assez statique, et les décors sont particulièrement pesants. Seuls Catherine Frot et Jean-Paul Rouve (en digne successeur d’un Robert Le Vigan) semblent tirer leurs épingles du jeu. Les seconds rôles sont d’ailleurs distribués sans imagination (Hubert Saint-Macary en psy, Serge Riaboukine en râleur chronique, Bonnafet Tabouriech en méridional de service, etc…). Certaines répliques font mouches, et l’allusion au scooter – prononcez « scotaire » – que veut Boudu est amusante (Depardieu ayant effectué sa traditionnelle cascade en moto faisant frémir les assurances, mais grand seigneur il a terminé le film malgré son accident). Notre Gégé revient en force ces derniers temps, mais pas sur ce film, il semble assurer ici « le service minimum » (il demeure malgré tout un formidable comédien, mais semble ici trop désinvolte). Et le « Boudu » de Renoir nous tire par la manche pour nous rappeler à son bon souvenir. Un film « mineur » dans la filmo de Gérard Jugnot.