L’annonce – discrète, très discrète – de la venue de Catherine Deneuve le 31 mai dernier, à l’UGC-Cité Ciné Bordeaux, pouvait vous laisser perplexe. L’idée de se retrouver dans le même périmètre que cette grande star du cinéma français pouvait apparaître comme un phantasme proprement inenvisageable. Mais l’icône était bien là, grâce au dévouement de « Titi », comme l’a présenté le directeur Pierre Bénard, d’ailleurs cachant difficilement son émotion. C’était ancien employé du lieu, mais honte sur moi, je n’ai pas retenu son nom, mais petit indice c’est lui qui caressait de manière suggestive le César du meilleur film étranger « Little Miss Sunshine », lui donnant ainsi son quart d’heure de gloire wharolien…. Elle arrive sur scène, saluée par une « stading ovation », avec son metteur en scène Gaël Morel, un peu perdu dans le sillage de sa comédienne. Le film écrit par Morel et Christophe Honoré, marque une maturité pour celui qui fut l’interprète du film d’André Téchiné. En quelques œuvres, il a prouvé qu’il était un véritable metteur en scène, citons l’étonnant « Le clan », révélant Nicolas Cazalé. Le film, assez âpre parle du travail du deuil de Camille, une libraire lyonnaise, perdant son fils avec lequel elle a une grande complicité. Il partait dans une soirée avec son meilleur ami Franck – Thomas Dumerchez déjà à l’affiche du « Clan », on connaît la fascination du cinéaste pour les jeunes hommes, il revendique d’ailleurs un côté Pygmalion -. Mais ils se sont écrasés contre un arbre, sans que la responsabilité de Franck soit avérée. Bien que bouleversée par l’accident, Camille invite Franck à la collation après l’enterrement de son fils, ce qui désempare son entourage, dont son mari François, dont elle est séparée – Guy Marchand dans la mouvance de « Dans Paris » et surtout sa fille Laure – Élodie Bouchez juste dans la retenue -. Camille va chercher à retrouver Franck, pensant que sa jeunesse peut l’aider à surmonter l’insurmontable… Le film a une grande force, le comportement de Camille désorientant, on ne sais si elle devient « bordeline », où si elle essaie simplement de se rassurer en allant dans la vie. Gaël Morel arrive ici a donner un rôle à sa mesure à Catherine Deneuve – elle est présente du début à la fin du film, ce qui n’était pas le cas de ses derniers rôles -. Elle est entourée de partenaires très juste, de Guy Marchand étonnant en père partagé entre la douleur et l’incompréhension, Élodie Bouchez qui attend un enfant et aimerait avoir un peu d’attention de sa mère, l’excellent Luis Rego père inquiet de Franck, ou l’amie fidèle jouée par Elli Meideiros désorientée par sa manière de canaliser la douleur. Cette évocation de cette véritable vampirisation, évite tout psychologisme, laissant des zones d’ombres, livrant le portrait à la fois inquiétant mais aussi touchant d’une femme meurtrie, quand elle essaie de réconstituer la vie de son fils sans elle. Morel arrive à nouer une tension avec ses personnages, en détournant son image – étonnante scène où elle assiste à un concert de « The Tatianas » pour se rapprocher de son fils. Le personnage de Franck devenant otage de sa culpabilité est lui aussi très justement écrit, il y a un scénario très tenu, loin des scories référentielles dans le cinéma actuel de Christophe Honoré.
Catherine Deneuve et Gaël Morel
Un petit pincement au cœur précédé donc à la venue de Catherine Deneuve, très disposée à rencontrer son public, à des années lumière de l’image qu’elle peut avoir parfois. Cette grande comédienne célébrée il y a peu à la Cinémathèque, a toujours joué avec elle – notamment dans « Le héros de la famille » de Thierry Klifa et la référence du manifeste des 343 -, et a toujours eu une belle disponibilité pour aider des cinéastes aux univers très contrastés. Elle parle avec lucidité de son métier, de son enthousiasme sur son rôle malgré la perspective de passer quelques semaines avec ce rôle désorientant. Elle répond avec simplicité et intelligence, préférant toujours comme le rappelait Gaël Morel, rater un rendez-vous plutôt qu’une rencontre. On sentait une réelle volonté pour elle de défendre ce film. Elle a répondu avec justesse, à une question que j’avais posé avec maladresse, sur les différences d’approche de jeu, avec le film « Ca n’arrive qu’aux autres » film autobiographique de Nadine Trintignant, où le couple qu’elle formait essayer aussi de vivre avec la perte d’un jeune enfant. Pour elle Camille va dans la vie, seule, avec conviction. On sent aussi une grande générosité, de par sa manière d’aider Gaël Morel, visiblement pas très à l’aise devant le public, sur l’évocation de son prochain projet, un téléfilm sur Arte avec Béatrice Dalle. Le public bordelais était hélas un peu timide, nous privant de la disponibilité de l’actrice. A la sortie du film, on la sentait retourner dans son monde, des lunettes de vues cerclées de noir et une cigarette au bec, papillonnant devant quelques fans, signant deux autographes, puis embrassant un spectateur. Elle attendit ensuite patiemment le véhicule qui devait l’accompagner à la sortie, nous quittant, préservée dans une aura très forte. Le public retourna donc vers les communs des mortels, se félicitant que Catherine Deneuve ait eu un rôle à la mesure de son immense talent.