Avant-première à l’UGC-Ciné Cité de « Le sens de l’humour », le 18 février dernier, en présence de Marilyne Canto et Antoine Chappey. On attendait légitimement beaucoup de son premier long-métrage, de par ses courts-métrages, et notamment « Fais de beaux rêves », salués par plusieurs prix. Élise – Marilyne Canto donc – est une conférencière de musée qui vit seule avec son fils Léo – épatant et attachant Sam Dajczman -, depuis la mort de son mari. Elle entretien une relation avec Paul – Antoine Chappey, tout en force rentrée -, un bouquiniste, à qui elle ne semble pas vouloir s’attacher. Comme dans son court-métrage, il est question du deuil de son mari, dont l’absence est très subtilement amenée dans une scène où un policier évoque la chambre d’hôtel où il a trouvé la mort. C’est donc une évocation de ces trois personnages essayant de trouver un sens à leur vie, Léo s’interrogeant sur sa judaïté, et observant un de ses camarades plus à l’aise dans la vie, Élise dans le mouvement, pour éviter de se poser trop de questions, et Paul se rapprochant d’eux et trouvant ainsi un équilibre, malgré la franchise déstabilisatrice de sa maîtresse, ne le poussant pas à s’attacher… Elle s’anime dans son travail, voir la belle scène où elle parle d’un tableau de Claude Monet à des enfants, devant son fils qui s’ennuie. Interrogée par une spectatrice, pour elle c’était une évidence et elle compose ce rôle parfois abrupt avec beaucoup de justesse. Ce film épuré, loin d’être misérabiliste, réussit grâce au supplément d’âme apporté par le couple Chappey-Canto, qui l’est dans la vie également. Par petites touches, on est en empathie avec ces personnages, parfois durs, mais construisant malgré tout un couple, le deuil est ainsi évoqué avec justesse, de par la conséquence qu’il peut avoir, y compris pour l’amant qui peine parfois à trouver sa place. La réalisatrice a très bien planifié son film, et pour créer une complicité avec Sam Dajczman, trouvé dans un casting sauvage, l’a rencontré tout au long d’une année, histoire de le préparer au rôle, et c’est une réussite il est formidable. Elle filme également sans pathos ses personnages, en mouvement. Avec une liberté et une acuité sensible, sous les dehors abrupts d’Élise, elle laisse deviner une femme meurtrie pour qui l’engagement représente une crainte. Elle filme ses personnages dans un Paris familier et magnifié dans son quotidien, elle a dit avoir effectivement fait ses repérages elle-même. Des moments de vie d’une rare justesse, dans le cinéma français. Antoine Chappey, amusé et discret l’a donc aidée dans son film, comme elle le dit justement c’est un bon acteur, parfois sous-utilisé alors qu’il a une présence assez singulière. Le titre, le sens de l’humour, surtout pour le personnage de Paul, est bien choisi, car il constitue une sorte d’auto-défense, face aux difficultés de la vie. Après beaucoup de belles rencontres comme comédienne – on n’oubliera pas son rôle dans « Le lait de la tendresse humaine », Marilyne Canto nous réjouit par la justesse de son regard comme cinéaste.
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