Annonce de la mort de Jean Delannoy le 18 juin dernier à l’âge de 100 ans. Après quelques co-réalisations, il devient metteur en scène à part entière avec l’exotique « Macao, enfer du jeu » (1939), plaisant film avec Sessue Hayakawa et Mireille Balin, mais qui connu quelques déboires sous la France occupée, Pierre Renoir retournant les scènes avec Erich Von Stroheim, jugé indésirable, les scènes de ce dernier furent rétablies dans la version que nous connaissons actuellement. Il signe ensuite sous l’occupation des mélodrames « Le diamant noir » (1940), avec Gaby Morlay, « Fièvres » (1942), avec Tino Rossi en voyou repenti devenu prêtre, une bonne adaptation du roman de Pierre Very « L’assassin a peur la nuit » (1942) avec Jules Berry – sorti il y a peu en DVD -. Il signe un film historique « Pontacarral colonel d’empire » – avec l’ineffable Pierre Blanchar -, devenu un symbole de la résistance, « …Nous l’avons réalisé à une époque où il était nécessaire de ressusciter le sentiment d’une certaine grandeur, celui de l’héroïsme et sur ce plan de la Résistance, à une époque particulièrement sombre. De la sorte, au nez et à la barbe de l’occupant, nous faisions un film d’actualité et de combat« . (1) Les historiens débatent pourtant sur ce fait : « On a fait souvent de Pontcarral, de Jean Delannoy, sorti en décembre 1942, un film de résistance explicite. Georges Sadoul dans le cinéma pendant la guerre, (…) n’a pas tort d’écrire que « le public français fut alors, bien plus que l’obscur romancier Albéric Cahuet, l’auteur de Pontacaral » : divers témoins ont raconté que le film était applaudi dans les salles, et Raymond Chirat se souvient que lors de la sortie du film à Lyon, dans l’hiver 42-43, des inscriptions apparurent sur les murs : « Pontcarral c’est Giraud » (…) Jean-Pierre Jeancolas – « 15 ans d’années 30 » (Stock cinéma, 1983). Suivent une belle illustration de l’œuvre de Cocteau « L’éternel retour » (1943), avec le couple mythique Jean Marais (…et son pull jacquart qu’il est tout autant) et Madeleine Sologne et les débuts à l’écran d’Yvonne de Bray, une très belle illustration de l’œuvre de Paul Féval, « Le bossu » (1944), toujours avec Blanchar. En 1946, il reçoit le grand prix du festival de Cannes, renaissant de ses centres en 1946, avec « La symphonie pastorale » d’après Gide avec Michèle Morgan en orpheline aveugle, avec pour partenaire Blanchar toujours et Jean Desailly. Il s’essaie ensuite au film onirique « Les jeux sont faits », avec Marcello Pagliero et Micheline Presle, rare tentative à demi-réussie d’incursion dans le cinéma fantastique en France. Retour au film historique avec « Le secret de Mayerling » (1948) avec Jean Marais, qui retrouvera son metteur en scène la même année, en couple avec Michèle Morgan dans un nouveau mélo dans le cadre de l’aviation « Les yeux du souvenir ». Dans les années 50, il devient le symbole d’une certaine qualité française. On se souvient de la célèbre lettre « une certaine tendance du cinéma français » de François Truffaut dans « Les cahiers du cinéma » N° 31 en 1954, lire le texte en son intégralité dans jdelpias.club.fr  Le futur cinéaste prendra en exemple une adaptation de Jean Aurenche et Pierre Bost du « Journal d’un curé de campagne », dans sa démonstration, ce qui est assez critiquable car il ne fut qu’un projet de Delannoy, qu’il qualifie de moralyste mystique – Robert Bresson devant faire ensuite le chef d’oeuvre que l’on sait -. Au contraire d’un Claude Autant-Lara, Delannoy n’avait gardé aucune acrimonie contre ces jeunes contestataires, il confiait encore il y a peu à Hubert Niogret dans le documentaire « Mémoires du cinéma français » – sorti en DVD en janvier dernier – trouver cette attitude tout à fait naturelle d’ « essayer de foutre en l’air ce qui viennent avant eux ». Avec le recul, on peut le trouver un peu injuste les jeunes hussards de la « Nouvelle vague », mais il est vrai qu’il est au service des grandes stars françaises de Pierre Fresnay dans l’édifiant « Dieu a besoin des hommes », « La route Napoléon » sur le petit monde déjà redoutable de la publicité, Madeleine Robinson et Franck Villard « Le garçon sauvage »  narrant les déboires d’un enfant malheureux –, Zizi Jeanmaire qui semble vouloir reprendre l’emploi d’Arletty dans « Guiguette » signé par Jeanson. Il entame aussi une fructueuse collaboration avec Jean Gabin : « …Ainsi, je pense être un des rares qui n’ait jamais confié à Jean Gabin deux fois le même genre de rôle ». On le retrouve ainsi dans le mélodramatique « La minute de vérité » en couple avec Michèle Morgan, « Chien perdu sans collier » – raillé par Truffaut -, où il est un juge – son jeu y est d’une grande sobriété –compréhensif envers l’enfance délinquante, avec l’une des meilleures adaptations des  « Maigret » à l’écran « Maigret tend un piège »» et dans décevant « Baron de l’écluse » où il est un baron désargenté.. Il participe à quelques films à sketches alors en vogue. A l’aise dans les reconstitutions historiques, il signe également une trop sage adaptation de « Notre Dame de Paris », d’après Victor Hugo, avec pléthore de grands comédiens, mais son « Marie Antoinette » est très honorable offrant un de ses meilleurs rôles à l’inégale Michèle Morgan. « La princesse de Clèves » adaptation par Cocteau de Mme de Lafayette , malgré le charme de Marina Vlady, déçoit également malgré sa beauté formelle. Il participe même à une co-production avec l’Italie avec son évocation des amours de Pauline Bonaparte campée par Gina Lollobrigida. Les années 60-70 deviennent très impersonnelles pour lui, avec « Le rendez-vous » polar landa sauvé par une belle distribution – dont George Sanders -« Le majordome » où Paul Meurisse reprend un peu son personnage du Monocle, en truand très féru de droit et majordome d’un juge usé – Noël Roquevert -, et deux comédies policières « La peau de Torpédo » et « Pas folle la guêpe » d’après James Hadley Chase. On sauvera « Les amitiés particulières », adaptation du roman de Roger Peyrefitte, dans un collège de jésuites dans les années 20, avec un Michel Bouquet formidable en abbé souffrant de son attirance pour les jeunes hommes. Il reviendra au cinéma en 1987, pour une trilogie hagiographique sur laquelle il est charitable de ne pas trop d’étendre « La passion de Bernadette » (1989) ne sorti jamais en salles et est parfois diffusé dans les chaînes câblées. Un excellent ouvrage de Claude Beylie était édité aux éditions Dujarric en 1987 – dans une belle collection très riche et qui rendait également hommage à Pierre Chenal et Jean Dréville, ouvrage hélas épuisé. Annonce également de la mort du grand créateur d’effets spéciaux, Stan Winston, mais je suis désolé de ne plus pouvoir suivre, car ce blog est de plus en plus R.I.P.olinisé, ce qui devient un tantinet lassant…

(1) « Confessions – Un siècle de cinéma français par ce qui l’ont fait » par Éric Leguèbe (Ifranc éditions, 1995).

Filmographie : Comme réalisateur : 1932  Franches lippées (CM, + montage) – 1933  Paris-Deauville (+ montage) – 1934  L’école des détectives (CM, + montage) – 1932  La moule (CM, + montage) – Une vocation irrésistible (CM) – 1937  Tamara la complaisante (co-réalisation avec Félix Gandera) – Ne tuez pas Dolly (CM, + régie) – 1938  Le paradis de Satan (co-réalisation avec Félix Gandera) – La Vénus de l’or (co-réalisation avec Charles Méré) – 1939  Macao, l’enfer du jeu – Le monde en action (documentaire inachevé) – 1940  Diamant noir (+ montage) – 1941  Fièvres (+ montage) – 1942  L’assassin a peur la nuit – Pontcarral, colonel d’Empire – 1943  L’éternel retour – 1944  Le bossu – 1945  La part de l’ombre (+ montage) – 1946  La symphonie pastorale – 1947  Les jeux sont faits – 1948  Aux yeux du souvenir – Le secret de Mayerling – 1950  Dieu a besoin des hommes – . 1951  Le garçon sauvage – 1952  Destinées, [sketch « Jeanne »] – La minute de vérité – 1953  La route Napoléon – Secrets d’alcôve, [sketch  » Le lit de la Pompadour »] – 1954  Obsession – 1955  Chiens perdus sans collier – Marie-Antoinette, reine de France – 1956  Notre-Dame de Paris – 1957  Maigret tend un piège – 1958  Guinguette – 1959  Le baron de l’écluse – Maigret et l’affaire Saint-Fiacre – 1960  La Française et l’amour, [sketch « L’adolescence »] – La princesse de Clèves – 1961  Le rendez-vous – 1962  Vénus Impériale – 1964  Les amitiés particulières – Le majordome – 1965  Le lit à deux places, [sketchs « Le berceau » & « La répétition »] – Les sultans – 1966 Le soleil des voyous – 1969  La peau de Torpédo – 1972  Pas folle la guêpe – 1976  Le jeune homme et le lion (TV) – 1978  Histoire du chevalier Des Grieux et Manon Lescaut (TV) – 1979  Les grandes conjurations : Le coup d’état du 2 décembre (TV) -1980  L’été indien – 1981  Frère Martin : La justice de Dieu & La justice du pape – 1983  Le crime de Pierre Lacaze (TV) – 1987  Tout est dans la fin (TV) – Bernadette – 1989  La passion de Bernadette – 1990  Le Gorille : Le Gorille compte ses abattis (TV) – 1994  Marie de Nazareth – Comme acteur : 1926  Casanova (Alexandre Volkoff) – 1927  Miss Helyett (Georges Monca & Maurice Kéboul) – 1928  La grande passion (André Hugon) – 1933  Casanova / Les amours de Casanova  (René Barbéris). Montage seulement : 1932  La belle marinière (Harry Lachmann) – Le fils improvisé (René Guissart) – Une étoile disparaît (Robert Villers) – 1933  Le père prématuré (René Guissart) – Mon chapeau (Jaquelux, CM) – 1934  Le roi des Champs-Elysées (Max Nosseck) – 1935  Michel Strogoff (Jacques de Baroncelli & Richard Eichberg) – Tovaritch (Jacques Deval, Jean Tarride, Germain Fried & Victor Trivas) – 1936  Nitchevo (Jacques de Baroncelli). Asssistant-réalisateur : Club de femmes (Jacques Deval) – 1937  Feu ! (Jacques de Baroncelli).


©   Le coin du cinéphage (reproduction strictement interdite, textes déposés)