Annonce de la mort de Pierre Granier-Deferre, le 16 novembre 2007, à l’âge de 80 ans. Des problèmes de santé l’empêchent de devenir journaliste, il étudie donc à l’IDHEC. Il devient un assistant-réalisateur prisé de « Sans laisser d’adresse » (1950) à « Un taxi pour Tobrouk » (1961). Il participe à la réalisation du premier film de Frédéric Dard, un film sur la résistance, « Une gueule comme la mienne » (1959), pour lequel il apporte son expérience. Dard confiait à François Guérif : « Les règles de la profession cinématographique étaient très strictes. Moi, je ne connaissais rien aux angles et aux objectifs. Alors on m’a trouvé un assistant de qualité, Pierre Granier-Deferre. Je donnais l’idée et Granier la réalisait » (TéléCinéVidéo, février 1984, cité dans Ciné Micellanées, Payot, 2007). Il fait cavalier seul, en 1961, comme réalisateur à part entière, avec « Le petit garçon de l’ascenseur », histoire d’un très jeune liftier travaillant dans un palace de la côte d’azur et « Les aventures de Salavin », adaptation du roman de Georges Duhamel, avec Maurice Biraud. Suit « La métamorphose des cloportes » (1965), film noir d’après le roman d’Alphonse Boudard, avec une brillante distribution. Il bride les dialogues de Michel Audiard, qui gardera quelques dialogues pour d’autres films. Il adapte ensuite René Fallet pour « Paris au mois d’Août », mettant en vedette Charles Aznavour. Il y rencontre la comédienne Susan Hampshire qui joue le rôle d’une cover-girl anglaise, qu’il épousera ensuite. Il adapte Bertrand Poirot-Delpech, pour « Le grand dadais », où Jacques Perrin, jeune homme plein d’avenir, voit soudain son destin basculer. Souvent décrié par la critique, qui lui reproche de perpétuer une certaine « Qualité France », il travaille souvent pour des monstres sacrés. A voir ses films on peut penser qu’il est largement mésestimé, il est à l’aise dans des histoires minimalistes, ou psychologiques. Il confie à Éric Leguèbe, « En général, je choisis d’évoquer l’histoire de héros négatifs, ou du moins ne se trouvant pas dans le sens de l’ascension. Ce genre de sujet est celui qui me convient, où je me sens le plus à l’aise. Je préfère raconter des personnages, qu’une histoire… » (« Confessions – Un siècle de cinéma français par ceux qui l’on fait » – Ifrane éditions, 1995). Il dirige Jean Gabin dans « La horse » (1969), polar rural où le comédien joue un patriarche adepte de l’auto-justice. (1) Il trouve au travers de l’adaptation des œuvres de Georges Simenon, l’occasion de s’exprimer avec le plus de justesse, avec « Le chat » (1970), donnant deux rôles magnifiques à Simone Signoret et Jean Gabin, formant un vieux couple qui se délite. Claude Gauteur regrettait cependant que l’œuvre initiale soit édulcorée pour être mise au service des deux vedettes. Il retrouvera l’atmosphère simenonienne à trois autres reprises. Simone Signoret devient « la veuve Couderc » (1972), fermière désoeuvrée succombant au charme d’un étranger de passage joué par Alain Delon. Il illustre l’exode des Français fuyant les troupes allemandes avec « Le train » (1973), avec le magnifique couple formé par Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider puis suit « L’étoile du nord » d’après « Le locataire », donnant l’un de ses meilleurs rôles à Philippe Noiret jouant un aventurier hébergé dans une pension de famille dirigée par Simone Signoret (2). « Le fils » (1972), écrit par Henri Graziani, est un bon polar, évoquant le retour d’un caïd – Yves Montand probant -, revenant dans sa Corse natale pour retrouver sa mère mourante – Germaine Delbat -. « La race des seigneurs », est plus décevant, montrant un Alain Delon assez peu convaincant dans les méandres de la politique succombant aux charmes d’une cover girl – Sydne Rome -. « La cage » (1975) est par contre l’un de ses films les plus originaux, c’est un huis clos assez étouffant montrant Ingrid Thulin séquestrant son ex-mari campé par Linon Ventura, dans le sous-sol de sa maison. « Adieu poulet », bien que très critiqué à sa sortie et jugé réactionnaire, est porté par l’excellent duo Patrick Dewaere / Lino Ventura, jouant des policiers dans une ville de Rouen aux prises avec un système de corruption généralisé. « Une femme à sa fenêtre » (1976), tiré de l’œuvre de Drieu La Rochelle, évoquant la femme – Romy Schneider – d’un ambassadeur à Athènes – Philippe Noiret -, qui recueille un opposant communiste en plein coup d’état du régime fasciste du général Méxetas, manque assez de souffle. « Le toubib » (1979), est une curiosité, c’est un film d’anticipation militariste, épousant la personnalité d’Alain Delon. C’est en 1981, que Pierre Granier-Deferre signe son meilleur film, une adaptation à nouveau. L’univers de Jean-Marc Roberts et son roman « Affaires étrangères », lui permet de donner l’un de ses meilleurs rôles à Michel Piccoli, éblouissant en publicitaire manipulant Gérard Lanvin, en quête d’un père, pour l’asservir à son bon vouloir. La suite dans les années 80, est plus décevante, du dépressif « L’ami de Vincent » (1983), « L’homme aux yeux d’argent » (1985) évoqué ici, au conventionnel « Noyade interdite » (1987). Mais « Cours privé » (1986) donne l’occasion d’utiliser le charme d’Élizabeth Bourgine, séduisante enseignante dont l’arrivée pertube la quiétude un lycée privé, et de donner l’un de ses meilleurs rôles à l’excellent Michel Aumont. Il retrouve cette comédienne dans « La couleur du vent » (1988), où elle joue une éditrice tombant sous le charme d’un roman. « L’autrichienne » tourné en 1989, est une évocation réaliste des derniers jours de Marie-Antoinette – Ute Lemper -, écrit par Alain Decaux et André Castelot. « Archipel » (1991), cherche à retrouver le trouble de « Cours privé » dans un collège anglais, avec Melville Poupaud et Michel Piccoli, pour un résultat plutôt décevant. « La voix » (1992), malgré Nathalie Baye et Sami Frey est un film assez bavard et « Le petit garçon » (1993) est une adaptation assez académique de l’œuvre de Philippe Labro. Le réalisateur se tourne alors vers la télévision, où il dirige Bruno Cremer pour 4 Maigret, et participe à l’écriture d’autres téléfilms de la série. L’homme semblait discret, pour l’avoir vu dans l’émission « Le club », sur CinéClassic. Il aimait à sonder les noirceurs de l’âme humaine et arrivait très souvent à dessiner une émotion contenue, montrant les noirceurs de l’âme humaine. Reste qu’il fut l’un des meilleurs passeurs de l’œuvre de Georges Simenon et ne méritait pas certaines critiques assez furibardes à son sujet (3).