Luigi Comencini en 1984

Annonce de la mort, ce jour à Rome, du cinéaste italien, Luigi Comencini, à l’âge de 90 ans : Il avait dit « Je pense qu’un film doit susciter les sentiments et non représenter des idées, parce que les idées suivent les sentiments et non le contraire ». Cette citation en exergue de son portrait par Dominique Rabourdin dans Le numéro spécial de « Cinéma 74 N°190-191, consacré au cinéma italien des années 60 ans, définissait bien cet admirable artiste. Rabourdin l’évoquait en parlant de sa démarche  » …ce qui nous frappe de prime abord, dans son œuvre, c’est sa modestie : il ne s’agit pas de prouver ni de démontrer, mais de montrer, de témoigner, c’est au spectateur qu’il appartient de tirer les conclusions… », et d’évoquer à propos de ces films « …On passera du rire aux larmes, ce qui est le privilège de quelques rares et très grands cinéastes (Lubistch par exemple)… ». Rabourdin évoquait alors la méconnaissance de ses films en France en prenant l’exemple de « L’incompris » (1966) avait eu 5 jours d’exclusivité ! Il connu une réédition en 1978, le film fut enfin apprécié à sa juste valeur. C’est finalement grâce à la télévision – si je prends mon propre exemple, car Comencini est l’un des mes artistes préférés -, grâce aux « Ciné-clubs » de Claude-Jean Philippe et de Patrick Brion,  nous familiarisant avec ses films. Il débute comme critique de cinéma, documentariste et de scénariste (Il écrit par exemple Alberto Lattuada, « Il mulino del Po » (« Le moulin du Pô », 1948), Pietro Germi, « La città si defende » (« Traqué dans la  ville », 1951), « Il segno de venere » (« Le signe de Vénus », Dino Risi, 1954), etc…). Avec Alberto Lattuada et Mario Ferrari, il avait fondé la Cinémathèque italienne. Comme réalisateur il connaît un grand succès, avec « Pain, amour et fantaisie » (1953), puis « Pain, amour et jalousie » (1954), comédie villageoise porté par l’énergie du tandem et Vittorio De Sica. Dans ses comédies, souvent acerbe, il fait un portrait tout en finesse, de la société italienne des années 60-70, montrant par exemple le jubilatoire « L’argent de la vieille » (1972), ou la confrontation cinglante d’une américaine excentrique – Bette Davis flanquée de Joseph Cotten -, passionnée de jeux de cartes, et qui régulièrement s’affronte avec des habitants pauvres d’un quartier populaire de Naples – Alberto Sordi et Silvana Mangano, inoubliables -, au jeu du « scopone scientifico ».

Comencini, se sert souvent de la fable, pour montrer les mœurs dissolues de la société turinoise dans « La femme du dimanche » (1975), avec Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset, où l’égoïsme global des victimes du « Grand embouteillage » (1978). Le ton est souvent pessimiste, irrespectueux, mais il montre toujours une grande tendresse pour les faibles et les marginaux. C’est aussi, celui qui a le mieux, rendu le monde de l’enfance, il analyse parfaitement l’état d’esprit de cet âge, son innocence et des petits drames. Le très subtil « L’incompris », montre un père veuf et consul de Grande Bretagne à Florence – Anthony Quayle, très juste – indifférent au sort de son fils aîné Andréa -, « l’incompris »  tente de lui montrer qu’il existe en changeant son comportement, histoire d’attirer son attention. Ce mélodrame, est l’un des films les plus émouvants de l’histoire du cinéma. Il signe avec réalisme en 1969, un autre chef d’œuvre « Casanova, un adolescent à Venise » , montrant une Venise magnifique mais en déclin. Il narre avec élégance, la jeunesse du célèbre Giacomo Casanova de Seingalt, et de son passage de la pauvreté, au séminaire avant de devenir l’un des grands de son temps grâce au libertinage. Il adapte aussi avec brio l’œuvre de Carlo Collodi avec « Les aventures de Pinocchio », un film picaresque ou l’on retrouve le génial Nino Mandredi interprétant un émouvant Gepetto. En 1987, avec « Un enfant de Calabre » avec le grand Gian-Maria Volonté, d’après un récit de Demetrio Casile, il dresse le portrait d’un jeune garçon déshérité, qui ne vit que pour la course à pied. Comencini a toujours montré l’espoir d’une lutte des classes, et la grande ressource qu’il peut sortir de grands drames. Il était un auteur complet, pouvait illustrer l’opéra de Puccini « La bohème » (1987) pour Daniel Toscan du Plantier, offrir l’un des ses  plus grands rôles à Claudia Cardinale avec « La storia » (1985) – qui connut une version télé -, d’après l’œuvre d’Elsa Morante et nous attendrir avec un couple inattendu – Michel Serrault et Virna Lisi -, dans « Joyeux Noël, bonne année », obligés de séparer en raison de problèmes économiques. Son livre « Enfance, vocation expérience d’un cinéaste » avait été traduit par Jean Resnais et édité en France chez Jacqueline Chambon en 2000. Cet humaniste, père des cinéastes Cristina et Francesca, a contribué de manière remarquable à ce que le cinéma soit qualifié de 7ème art.

Filmographie : 1937  La noveletta (CM documentaire) – 1946  Bambini in città (CM documentaire) – 1948  Proibito rubare (De nouveaux hommes sont nés) – 1949  L’imperatore di Capri – Il museo de sogni (CM documentaire) – 1950  L’ospedale del delitto (documentaire) – Persiane chiuse (Volets clos) – 1952  Heidi  (Id) – La tratta delle bianche (La traite des blanches) – 1953  La valigia dei sogni – Pane, amore e fantasia (Pain, amour et fantaisie) – 1954  Pane, amore e… gelosia (Pain, amour et jalousie) – 1955  La bella di Roma (La belle de Rome) – 1656  La finestra sul Luna Park (Tu es mon fils) – 1957  Mariti in città (Maris en liberté) – 1958  Mogli pericolose – Appunti du reggia (CM) – 1959  La sorprese dell’amore / …und das am montagmorgen (Belgique : Lendemain de week-end) – 1960  Tutti a casa (La grande pagaille) – 1961  A cavallo della Tigre (À cheval sur le tigre) – Il commissario – 1963  La ragazza di Bube (La ragazza) – 1964  Tre notti d’amore (sketche « Fatebenefratelli ») – La mia signora (sketche : « Eritrea ») – Le bambole (Les poupées) (sketche « Il trattato di Eugenetica ») – 1965  La bugiarda (Le partage de Catherine ou une fille qui mène une vie de garçon) – Il compagno Don Camillo (Don Camillo en Russie) – 1966 Incompreso / Misenderstood (L’incompris) – 1967  Italian secret service (Les russes ne boiront pas de coca-cola) – 1968 Senza sapere niente di lei – 1969 Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, Veneziano (Casanova, un adolescent à Venise / Giacomo Casanova, Vénitien…) – 1970 I bambini e noi (enquête TV) – 1971 Le avventure di Pinocchio (Les aventures de Pinocchio) (+ version TV) – 1972 Lo scopone scientifico (L’argent de la vieille) – 1973 Delitto d’amore (Un vrai crime d’amour) – 1974 Moi Dio come sono caduta in basso ! (Mon Dieu comment suis-je tombé si bas ?) – Educazione civica (CM) – 1975 La donna dela domenica (La femme du dimanche) – Quelle strane occasioni (La fiancée de l’évêque) (sketche « L’ascensore ») – Basta che non si sappia in giro ! (Gardez le pour vous) (sketche : L’équivoc) – 1976 Signore e signori, buenanotte (Mesdames et messieurs bonsoir) (un sketche) – 1977 Il gatto (Qui a tué le chat ?) – 1978 L’incorgo, una storia impossibile (Le grand embouteillage) – 1979 Voltati Eugenio (Eugenio) – 1981 Il matrimonio di Caterina (TV) – 1982 Cercasi Gesù (L’imposteur) – 1983 Cuore (Id) (+ version TV) – La Storia (Id) (+ version TV) – 1986  Un ragazzo di Calabria (Un enfant de Calabre) – 1987 La bohème – Les Français vu par… (TV) (un sketche) – 1989 Buon natale… buon anno (Joyeux Noël, bonne année) – 1991 Marcelino, pan y vino / Marcellino pane e vino (Marcelino).

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