Darry Cowl dans « Le temps des oeufs durs »
Eh la Camarde, tu ne pouvais pas nous le laisser encore un peu, non il a fallu que tu nous le prennes lui aussi. Bon, ça devrait avoir du bon, son génie va être enfin reconnu… Oui, car il avait du génie, dans le sens non galvaudé du mot. C’était une de mes idoles, non pas parce qu’il était basque comme mézigue, mais parce qu’il apporté du génie dans sa vie, même dans les pires nanars, il n’était pas très regardant, tenaillé par son démon du jeu : « …Moins je tourne, plus les gosses me reconnaissent dans la rue. Qu’est-ce qu’ils ont repassé comme merdes à la télé ? J’ai fait 111 films. Dès que j’avais plus un rond je téléphonais au casino, à Monte-Carlo, à André Bernheim et ça partait aussi sec dans la nuit. J’ai signé au moins 40 films sans les lire, je vous jure, à ce point-là c’en est rigolo… » disait-il au « Cahiers du cinéma » N°408, numéro spécial acteurs. La première image qui m’est venu à son sujet, c’est un témoignage de Safy Nebbou pour l’émission « Télé matin » où Darry Cowl était l’invité principal. Les deux hommes étaient dans le TGV, en vue d’une avant-première. Les paysages défilent, Darry fixe son esprit sur un troupeau de vaches paisibles avant de déclarer : « Il en manque une ! ». Très apprécié ces dernières années par les metteurs en scène, il avait souvent brillé ces derniers temps, chez Jean-Pierre Mocky qui l’avait utilisé sans son bégaiement, en homosexuel nostalgique, « Les saisons du plaisir » (1987) et en inquiétant homme politique à moumoute, « Une nuit à l’assemblée nationale » (1988) ou en pharmacien-suiveur « Ville à vendre » (1991). Mocky a ouvert la voie à d’autres rôles, tel le bouquiniste résumant d’une manière unique les « Misérables » de Victor Hugo, devant un Jean-Paul Belmondo pantois, « Les misérables » (Claude Lelouch, 1994), le patron d’Augustin, écrasé par la solitude, « Augustin, roi du Kung-Fu » (Anne Fontaine, 1998), le pensionnaire d’une maison de retraite rivalisant d’ingéniosité pour cacher l’absence de Claude Rich, « Le cou de la girafe » (Safy Nebbou, 2003), jusqu’à la concierge chantante (!), reprise d’un rôle créé par Pauline Carton, dans « Pas sur la bouche » (Alain Resnais, 2003), qui lui vaut le César du meilleur second rôle.
Il est vrai que dans sa carrière édifiante, il y avait peu de place aux contre-emplois, tel le taxidermiste bourrant les corps d’indiens de papiers journaux dans « Touche pas à la femme blanche » (Marco Ferreri, 1973). Sacha Guitry très prompt à reconnaître le talent des jeunes comédiens (Louis de Funès, Jean Poiret, Michel Serrault), l’avait même laissé improvisé contre son texte, son rôle de témoin bargeot et iconoclaste dans « Assassins et voleurs » (1956). L’amateur de nanar se régale à son souvenir, à l’image de son inoubliable rôle dans « Le triporteur » (Jack Pinoteau, 1957) où il improvise avec Pierre Mondy une réplique « Petit canaillou » qui marquera les esprits d’une manière indélébile, et de sa suite « Robinson et le triporteur » (Pinoteau, 1959), deux films avec sa compagne d’alors, Béatrice Altariba. Il était excellent en tandem avec Francis Blanche, dans « Les gorilles » (Jean Girault, 1964) ou l’improbable « Abominable homme des douanes » (Marc Allégret, 1962). Citons aussi le jeune père dépassé dans « Les moutons de Panurge » (Jean Girault 1960), le gardien du musée Balzac « En effeuillant la marguerite » (Marc Allégret, 1956), le charmant « Le petit prof » (Carlo Rim, 1958), où il était un jeune professeur aux idées révolutionnaires, l’héritier lunaire d’un truand redoutable campé par Yves Deniaud dans « Ce joli monde » (Carlo Rim toujours, 1957), le guichetier goguenard dans « La bourse et la vie » (Jean-Pierre Mocky, 1965), ou le clochard dans « Archimède le clochard » (Gilles Grangier, 1958)… où il volait la vedette à Jean Gabin ! Il était aussi un pianiste émérite – il fallait le voir camper « Rouget de l’Isle » dans le cornichonesque « Liberté, égalité, choucroute » (Jean Yanne 1984), il avait aussi réalisé un film comme metteur en scène : « Jaloux comme un tigre » (1964), présenté lors d’un hommage récent à la Cinémathèque. Le site Encinémathèque venait de lui consacrer un dossier. Même s’il avait 80 ans, non vraiment, Mme la Camarde (je mets une majuscule, on ne sais jamais), je ne te salue pas.
DR
Filmographie : 1955 Quatre jours à Paris (André Berthomieu) – Ces sacrées vacances (Robert Vernay) – Bonjour sourire (Claude Sautet) – Paris Canaille (Pierre Gaspard-Huit) – Cette sacrée gamine (Michel Boisrond) – Les Duraton (André Berthomieu) – 1956 En effeuillant la marguerite (Marc Allégret) – La joyeuse prison (André Berthomieu) – Paris Palace Hôtel (Henri Verneuil) – Courte tête (Norbert Carbonnaux) – Assassins et voleurs (Sacha Guitry) – L’amour descend du ciel (Maurice Cam) – À la Jamaïque (André Berthomieu) – Fric-frac en dentelles (Guillaume Radot) – Cinq millions comptant (André Berthomieu) – 1957 L’ami de la famille (Jack Pinoteau) – Les trois font la paire (Sacha Guitry) – Ce joli monde (Carlo Tim) – Totò, Vittorio e la dottoressa (Dites 33) (Camillo Mastrocinque) – Fumée blonde (Robert Vernay) – Les lavandières du Portugal (Pierre Gaspard-Huit) – À pied, à cheval et en voiture (Maurice Delbez) – Le naïf aux quarante enfants (Philippe Agostini) – Le triporteur (Jack Pinoteau) – Le temps des oeufs durs (Norbert Carbonnaux) – L’école des cocottes (Jacqueline Audry) – Sois belle et tais-toi (Marc Allégret) – 1958 Chéri, fais-moi peur (Jack Pinoteau) – Le petit prof (Carlo Rim) – À pied, à cheval et en spoutnik (Jean Dréville) – Archimède le clochard (Gilles Grangier) – L’increvable (Jean Boyer) – 1959 Vous n’avez rien à déclarer ? (Clément Duhour) – Les affreux (Marc Allégret) – Robinson et le triporteur (Jack Pinoteau) – Bouche cousure (Jean Boyer) – 1960 La Française et l’amour [sketch : « L’enfance »] (Henri Decoin) – Les pique-assiettes (Jean Girault) – Un Martien à Paris (Jean-Pierre Daninos) – Les fortiches (Georges Combret) – Les amours de Paris (Jacques Poitrenaud) – Les moutons de Panurge (Jean Girault) – 1961 Les livreurs (Jean Girault) – Les lions sont lâchés (Henri Verneuil) – Les petits matins (Jacqueline Aubry) – Les Parisiennes [Sketch : « Ella »] (Jacques Poitrenaud) – 1962 L’abominable homme des douanes (Marc Allégret) – Les veinards [Sketch : « Une nuit avec la vedette »] (Philippe de Broca) – Les bricoleurs (Jean Girault) – Les saintes nitouches (Pierre Montazel) – Strip tease (Jacques Poitrenaud) – 1963 Le bon roi Dagobert (Pierre Chevalier) – Des pissenlits par la racine (Georges Lautner) – 1964 Les gros bras (Francis Rigaud) – Jaloux comme un tigre (Darry Cowl, + scénario et musique) – La bonne occase (Michel Drach) – Déclic et des claques (Philippe Clair) – Les gorilles (Jean Girault) – I magnifici brutos del west (Les terreurs de l’Ouest) (Marino Girola) – Les combinards (Jean-Claude Roy) – 1965 Les tribulations d’un Chinois en Chine (Philippe de Broca) – Les bons vivants [Sketch : « Le procès »] (Gilles Grangier) – La tête du client (Jacques Poitrenaud) – Le lit à deux places [Sketch : La répétition »] (Jean Delannoy, + dialogue) – Les baratineurs (Francis Rigaud) – La bourse et la vie (Jean-Pierre Mocky) – Les malabars sont au parfum (Guy Lefranc) – 1967 Le grand bidule (Raoul André, + musique) – Ces messieurs de la famille (Raoul André, + musique) – 1968 Salut Berthe (Guy Lefranc) – 1969 Le bourgeois gentil mec (Raoul André, + musique) – Poussez-pas grand-père dans les cactus (Jean-Claude Dagye) – Ces messieurs de la gâchette (Raoul André, + musique) – 1972 Elle cause plus, elle flingue (Michel Audiard) – 1973 Touche pas la femme blanche (Marco Ferreri) – Ah ! Si mon moine voulait… / L’héptaméron (Claude Pierson) – La gueule de l’emploi (Jacques Rouland) – 1974 Y’a un os dans la moulinette (Raoul André) – C’est jeune et ça sait tout (Claude Mulot) – Trop, c’est trop (Didier Kaminka) – 1976 Le jour de gloire (Jacques Besnard, + musique) – 1977 Arrête ton char, bidasse (Michel Gérard, + musique) – 1978 Général, nous voilà ! (Jacques Besnard) – 1979 Les borsalini (Michel Nerval) – 1980 Voulez-vous un bébé Nobel ? (Robert Pouret) – Les surdoués de la première compagnie (Michel Gérard) – 1981 Le bahut va craquer (Michel Nerval) – T’es folle ou quoi ? (Michel Gérard) – 1982 Pour cent briques , t’as plus rien (Édouard Molinaro) – On s’en fout, nous on s’aime (Michel Gérard) – Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (Jean Yanne) – Qu’est-ce qui fait craquer les filles ? (Michel Vocoret) – Ça va pas être triste (Pierre Sisser) – Mon curé chez les Thaïlandaises (Robert Thomas) – 1984 Le téléphone sonne toujours deux fois (Jean-Pierre Vergne) – Liberté, égalité, choucroute (Jean Yanne) – 1985 Suivez mon regard (Jean Curtelin) – 1987 Les saisons du plaisir (Jean-Pierre Mocky) – 1988 Une nuit à l’Assemblée nationale (Jean-Pierre Mocky) – 1991 Ville à vendre (Jean-Pierre Mocky) – 1994 Les misérables (Claude Lelouch) – 1995 Ma femme me quitte (Didier Kaminka) – 1997 Droit dans le mur (Pierre Richard) – 1998 Augustin, roi du kung-fu (Anne Fontaine) – 2000 Scénarios sur la drogue [Sketch : « La purée »] (Sébastien Dhrey & Simon Lelouch, CM, + diffusion TV) – 2001 Ah ! Si j’étais riche (Michel Munz & Gérard Bitton) – Les marins perdus (Claire Devers) – Le nouveau Jean-Claude (Didier Tronchet) – 2003 Le cou de la girafe (Safy Nebbou) – Pas sur la bouche (Alain Resnais) – 2004 Jessie (Henri Garcin, CM) – Les Dalton (Philippe Haïm) – 2005 La vie privée (Zina Modiano & Mehdi Ben Attia) – L’homme qui rêvait d’un enfant (Delphine Gleize). Musique seulement : 1947 Le duel au pistolet (Jean Bardou, CM) – Le concierge (Jean Girault). Télévision (notamment) : 1955 Christophe C (Jean-Paul Carrère) – 1956 Les gaietés de l’escadron (Pierre Badel) – 1967 Au théâtre ce soir : Docteur Glass (Pierre Sabbgh) – 1971 Au théâtre ce soir : Cash-Cash (Pierre Sabbagh) – 1980 Chouette, chat, chien… show (Pierre Samyn, variétés) – 1983 Cinéma 16 : Microbidon (André Halimi) – Liebe läßt alle Blumen blühen (L’attrapeur) (Marco Serafini) – 1984 Bal de nuit – 1988 Palace (Jean-Michel Ribes, rôle coupé au montage de la version DVD) – 1989 Deux hommes dans une valise (Philippe Ducrest, captation) – Vingt p’tites tours : Champion de billard (+ réalisation, CM) – 1990 Le triplé gagnant : Assassin, s’il vous plaît ? (Bernard Villiot) – 1991 Le gorille : Le gorille et le barbu (Jean-Claude Sussfeld) – 1992 La mémoire (André Delacroix) – 1997 Marceeel (Agnès Delarive) – 2000 La surprise (Jean-Philippe Viaud) – 2001 Jalousie (Marco Pauly) – Les P’tits Gars Ladouceur (Luc Béraud) – 2002 Double flair (Denis Malleval) – 2003 Rien ne va plus (Michel Sibra) – 2004 Bien agités ! (Patrick Chesnais).
Mise à jour du 18/02/2010
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