Une nouvelle performance est à souligner, en ce début d’année, pour la comédienne Judy Dench, avec cette Madame Henderson présente, avec ses rôles de noble rigoriste, dans l’ « Ophulsien », « Orgueil et préjugés » de Joe Wright, et la sœur âgée qui retrouve son âme de midinette dans « Les dames de Cornouailles » du comédien Charles Dance, face à la formidable Maggie Smith. Avec ses trois interprétations à rapprocher par le hasard du calendrier, on peut retrouver toute la gamme de son talent. Mme Henderson, est une septuagénaire, dans la première moitié du Xxème siècle, décontenancée par son veuvage, qui ébranle sérieusement son univers confiné, rassurant et lénifiant, compensant une étroitesse d’esprit par une excentricité de bon alois. Sa vie se reposait trop autour de celle de son mari, elle se retrouve fortunée mais désemparée, se voyant mal tricoter comme ses congénères dans la même situation, il est vrai qu’elle est d’ailleurs particulièrement peu douée dans cette occupation. Très digne, elle ne consent à pleurer qu’isolée dans une barque. Contre toute attente, elle achète un cinéma en ruines, en plein cœur de Soho : « Le Windmill » pour en faire un théâtre. A la recherche d’un directeur artistique, elle se fixe rapidement sur Vivan Van Damm – Bob Hoskins, outragé et jubilatoire -, bien que ce dernier réagisse très mal face à son arrogance et son impudence. Le rapport chien et chat de ce nouveau couple assez improbable, qui fait des étincelles fait rapidement le succès de cette entreprise. La mode du cabaret relancée par le tandem faisant des émules, Mrs Henderson va utiliser ses relations –Christopher Guest en réjouissant Lord anglais – et sa malice, pour braver la censure et les convenances de l’époque pour lancer un spectacle de femmes nues, devant rester immobile en employant comme parade un alibi artistique composé de tableaux vivants. Le spectacle fonctionne superbement mais la seconde guerre mondiale va rattraper l’insouciance londonienne. Le théâtre deviendra un symbole de résistance avec ce slogan « We Never closed », digne réponse face aux bombardements au plus fort du Blitz…
Judy Dench
Saluons au passage le parcours de Stephen Frears, à l’aise dans tous les registres du polar noir au film social, ou du western au film d’époque. Il garde un ton acerbe, une liberté de ton même dans les films de commande, et se renouvelle à chaque film. La reconstitution est très probante, les spectacles musicaux teintés d’une jovialité communicative, digne hommage à l’âge d’or des comédies de la Ealing. Les décors sont habilement élaborés dans le moindre petit détail. On a rarement vu au cinéma l’évocation d’un climat de guerre aussi probante . Le regard chaleureux sur ses personnages, aidé d’un rythme soutenu, et de comédiens formidables – dont Kelly Reilly, révélation de Cédric Klapisch, radieuse en modèle fleur bleue -. La prude Angleterre est mise à mal avec énergie, le couple Hoskins-Dench faisant merveille. La peinture est acide dans cette comédie de mœurs, le réalisateur décrit les difficultés d’y vivre quand on n’appartient pas à la bonne société, et la frustration inhérente à cette honorable société, ou l’angoisse d’un soldat dans l’inquiétude du combat est très subtile. Van Damm cache d’ailleurs ses origines juives, et doit sans cesses s’imposer, utilisant un cynisme défensif et une combativité de chaque instant -Stephen Frears n’hésite pas à revenir sur un humour vachard, quand l’émotion pointe son nez – belle scène de la danse entre les deux protagonistes principaux sur le toit du théâtre -. Pétillant, cocasse et mordant, ce film est une l’une des (rares) bonnes surprises de ce début d’année.