Le film débute sur une citation ironique de « Full metal jacket » de Stanley Kubrick, avec un sergent recruteur lobotomisant, mais plus proche de Steve Martin que de R. Lee Ermey. La guerre du golfe éclatant durant l’été 90, on retrouve nos militaires face à l’aridité du désert saoudien, certains refusant de voir les intérêts économiques en jeu. Mais le film n’est pas un film de guerre attendu, dans cette atypique opération de la « tempête du désert ». L’intérêt de ce film du britannique Sam Mendes, qui a un sens visuel indéniable, est l’influence du cinéma sur l’esprit des jeunes marines, nourris d’images de guerre « Apocalypse now » – le monteur du film Walter Murch est repris pour ce film -et « voyage au bout de l’enfer » sont d’ailleurs cités. Nos militaires s’attendent donc à découdre, mais cette guerre atypique. Le film se veut subjectif, prenant le point de vue d’un soldat landa, Anthony Swofford – c’est l’adaptation de son témoignage vécu -, souffrant d’une militarisation atavique.  Autodidacte, il essaie de s’instruire en se cachant en lisant « L’étranger » d’Allbert Camus dans les toilettes. Pour la plupart, il y a une volonté d’en découdre avec cet ennemi presque invisible – reprenant ainsi l’idée de « Full metal jacket », où il n’était personnifié que par une femme armée. Il y a ici un petit côté pas déplaisant « Désert des tartares », célèbre roman de Dino Buzzati, dans l’attente ponctuée de frustrations, d’onanismes, de nettoyage de l’arme prolongement phallique évident, rites initiatiques lourdingues de chambrée, d’organisations de jeux comme un duel de scorpions , de sur-hydratation obligée, c’est dans ces moments là cycliques que le film est le plus intéressant. Les palliatifs de la masturbation et de l’alcool, ne font que participer à la fatigue. Les soldats guettent le moindre signe, même lors d’une rencontre de quelques autochtones en promenade…

Jake Gyllenhaal et Peter Sargaard

On reste finalement assez distant avec les personnages, même si Jake Gyllenhaal mérite l’engouement qu’il suscite en ce moment – même si on a du mal à occulter son personnage de « Donnie Darko », où il était exceptionnel, alors qu’il était assez falot dans le film catastroph(ique) « Le jour d’après » -. Peter Sargaard dans le rôle de Troy est plus probant car il dégage une certaine opacité, voire ambiguïté dans un rôle d’aîné protecteur. Jamie Foxx dirige ce petit monde de recrues tous des archétypes avec poigne et une humanité parfois suspecte. On retrouve Chris Cooper et Dennis Haysbert (« 24 heures » qui s’amusent visiblement à composer deux ganaches délectables. Le problème est finalement de Sam Mendes est de vouloir contenter tout le monde, montrer l’absurdité de la guerre, comme de montrer que l’armée est un refuge pour les laissés pour compte, où les personnes en quête de sens, comme l’ode enthousiaste du personnage de Jamie Foxx pour l’engagement contre un quotidien plus morne à travailler chez son frère. Reste les petits détails qui sentent « le vécu », comme les matériels radios qui ne fonctionnent jamais au moment voulu, ou le leurre d’une guerre « chirurgicale » avec les tirs « amis ». La réconstitution générale est remarquable, le réalisateur trouvant parfois un décalage onirique – l’apparition du cheval dans la nuit -. L’humour général est à saluer, à l’image du personnage d’Anthony qui entendant la musique des « Doors » d’un hélicoptère, se plaignant de cette musique du Vietnam et déplorant de ne pas avoir de musiques à eux ! Une approche non conventionnelle de la guerre et les affres de l’attente font de ce film une œuvre singulière mais au final assez décevante et au message assez évasif.