Pour son beau livre d’entretiens « Conversations avec Billy Wilder »,  un régal édité aux éditions « Actes Sud », on est tenté de laisser son côté scrogneugneu, mais Cameron Crowe continue sur son sillon pachydermique après le calamiteux « Vanilla Sky », poussif remake de « Ouvre les yeux » d’Alejandro Amenabar, film inventif. Il lui manque sans doute un producteur pour canaliser son côté dispersé, mais force est de constater qu’il n’a pas retenu grand chose de sa rencontre avec le grand metteur en scène. Ca débute sur une apologie du chaos, ou une allégorie de la « tatane » c’est selon, le designer Drew Baylor – Orlando Bloom, probant, adoptant certaines attitudes d’un Anthony Perkins – ayant dessiné un modèle de chaussure inadéquat entraînant une perte sèche d’un milliard de dollars. La nouvelle de cet échec, fera la une des journaux économiques, créant une sorte d’apocalypse, rabattant ainsi le caquet d’un petit « yuppie » arrogant.  Son entreprise risque d’ailleurs de ne pas s’en remettre. Ne sachant pas comment réagir à cette annonce, trop énorme pour son investissement. Il songe à un suicide pour le moins original, avant de recevoir la nouvelle de la mort de son père. Il est seul chargé seul, par sa sœur et sa mère désemparées, des obsèques avec la famille de la maison natale paternelle dans le Kentucky… Le film se veut très profond, du travail du deuil – la petite famille le surveillant pour savoir s’il a bien réalisé la mort de son père -, l’exaltation d’un nouvel amour – avec la charmante. Et il nous ressort l’éternel cliché de la rencontre tardive avec son père après la mort de ce dernier. Il nous surcharge, hélas la moindre de ses trouvailles – les derniers regards, les interminables conversations lors d’un flirt amoureux, la cassette pour enfants turbulents, le carnet de route, répétés à l’envie.

Susan Sarandon, Judy Greer & Orlando Bloom

On a du mal à croire avec ses personnages, dont les liens familiaux sont assez mal dessinés. On pense à « Garden State », Cameron Crowe a un sens indéniable du casting – acteurs dans l’air du temps -, de la musique – excellente B.O., et une petite observation des petites communautés – une famille de l’Amérique profonde, le monde du travail -. Mais il se disperse, il reprend l’idée de Wim Wenders de mettre une ceinture de sécurité à une urne funéraire – idée piquée à Wim Wenders, pour son « Don’t come knocking », pour un long trajet en voiture, malgré de bons moments, l’œuvre paraît assez vaine. Restent les comédiens la fraîcheur de Kirsten Dunst – publicité vivante pour stomatologue -, très à l’aise dans la comédie en hôtesse de l’air volubile, Susan Sarandon qui est superbe dans un rôle caricatural, en mère qui tente de combler le vide de son veuvage, en multipliant les activités, Bruce Mac Gill, essentiel second couteau en ami de la famille, sympathique mais magouilleur, ou Alec Baldwin, PDG décalé et pleurant, autant de morceaux de bravoures largement délayés. Le réalisateur semble trop conscient de son talent pour se remettre en question. Après une dernière virée initiatique, on est heureux de retrouver le chemin de la sortie, de ce film accusant la pente descente de ce pourtant méritoire metteur en scène.