« L’homme aux yeux d’argent » est un polar minimaliste, ancré dans les années 80, l’exemple du film bien fait par Pierre Granier-Deferre, dont le grand talent est à réévaluer. Tout semble ici présent pour constituer l’atmosphère glacée d’un film noir, sauf que tout est ici morne et sans humanité. Ce pourrait être adapté de Georges Simenon, mais c’est ici une adaptation d’un roman de Robert Rossner. Dans les années 80, Alain Souchon après ses débuts dans « Je vous aime » (Claude Berri, 1981) pouvait prétendre à trouver une place originale comme acteur, se servir de sa sensibilité pour des personnages attachants, mais mis à part Jean-Paul Rappeneau, Jean Becker et Jacques Doillon, il n’aura pas eu beaucoup de rôles intéressants.
Thierry Berger, sort de 12 ans de prison pour avoir braqué une banque avec son amoureuse tuée lors du hold up. Il retourne sur les lieux de sa jeunesse où il avait caché son butin, mais sa ferme familiale a laissé la place à une ville nouvelle, froide dont il ne manque même pas les horribles arbres « Prunus » poussant comme la chienlit. Il n’est rien de plus attristant que de voir un résultat aussi laborieux, avec tous les éléments de réussites prévues, Souchon, très crédible en personnage durci par la vie, il frappe avec violence le personnage de Lambert Wilson – ce qui sur « le papier » peut paraître grotesque -, Jean-Louis Trintignant en flic sadique, habillé comme un clergyman cabotine en diable, ce qui n’est pas désagréable, mais ne sauve en rien l’ensemble, Lambert Wilson dans le rôle de son jeune acolyte teint en blond se réjouit visiblement dans un rôle trouble et torve, les seconds rôles sont sacrifiés – André Julien en agriculteur – mais tous les rôles ne sont que des archétypes. Le seul personnage intéressant est celui d’une bibliothécaire esseulée et un peu manipulatrice – Tanya Lopert, plus habituée à des seconds rôles mais à la hauteur d’un premier -, mais sa rencontre avec le personnage de Thierry Berger est décevant. Il faut de plus déplorer une musique particulièrement peu inspirée de Philippe Sarde – Sa musique équivaut pour moi au grincement de la craie sur un tableau, jugement totalement subjectif mais ça n’enlève rien à son talent. On termine le film dans une déception globale et une nostalgie de la disparition grand polar dans le cinéma français actuel.