Coup de cœur, hier soir à l’avant-première du film « Un vrai bonheur », premier film de Didier Caron, à l’UGC Cité-Ciné. Pour accompagner le réalisateur il y avait la chaleureuse équipe du film composée par Véronique Barrault, Stéphane Boutet, le « local de l’étape » et Valérie Baurens. Et il y avait pour les accompagner la ferveur coutumière du producteur Charles Gassot, toujours à l’écoute du public, parlant avec franchise des contraintes de l’époque, loin du marketing pouvant peser dans le cinéma. Il déplorait avoir entendu parlé, par exemple d’un mauvais coefficient province pour un acteur connu !-. Ce producteur est toujours à l’affût des nouveaux talents, était allé voir la pièce en août suite à un article de Paris Match. Il a résisté à remplacer les comédiens originaux de la pièce, par des noms  » bankabeules », à l’exemple de la pièce « Un petit jeu sans conséquence », pièce de Jean Dell et Gérald Sibleyras. Et c’est ici l’une des grandes forces du film, ils sont tous formidables.

Valérie Vogt, Valérie Baurens, Véronique Barrault & Marie-Hélène Lentini dans « Un vrai bonheur, le film » 

Par ordre alphabétique :

Valérie Baurens est une lumineuse Mathilde, rattrapée par des incertitudes le jour de son mariage, elle a une très belle scène où elle parle à sa robe de mariée, elle était de la distribution de la tournée province de la pièce. Véronique Barrault joue Cécile est une nature incroyable, – elle jouait l’infirmière dans « 7 ans de mariage », très sympathique et énergique, le cinéma va désormais se l’arracher. Son personnage est désabusé et direct. Stéphane Boutet joue François, aventurier au Gabon, et premier amoureux de la belle Mathilde, dont l’arrivée va causer le trouble, il remplace Didier Caron, qui avait créé ce rôle au théâtre. Denis Chérer joue Christophe, le mari et gynécologue rassurant de Mathilde, dépassé par une incertitude. Pierre-Jean Chérer joue Yvan, l’ami coureur de la famille, lâche et fuyant. C’est dans la vie le frère de Denis. Bernard Fructus, joue le traiteur méridional défendant toujours ses jeunes employés maladroits, ses répliques risquent de devenir culte. Maaike Jansen est extraordinaire en mère insatisfaite de Mathilde, elle se liquéfie littéralement de dépit, acariâtre et cassante, sa prestation est un régal. Françoise Lépine est France, maîtresse d’Yvan, et rêvant de mariage avec lui, habituée de rôles mordants, elle donne ici une belle sensibilité. Marie-Hélène Lentini – vue dans « La France d’en face » sur Canal+, est Yvonne, femme possessive et rude de Jean, Fred Nony – le cafetier dans la série « Boulevard du Palais » – joue Patrice, garagiste lourd de « beaufitude » et spécialiste des interventions qui se veulent drôle mais tombe à plat. Valérie Vogt est Valérie, l’épouse sensuelle de Patrice, mais qui s’est arrangé avec les contraintes de sa vie. Patrick Zard’ est Jean, l’époux résigné d’Yvonne, amoureux transi de Cécile, et qui se révèle l’un des personnages les plus touchants. N’oublions pas Eric Laugérias, une folie sous-utilisée hilarant dans le rôle de M Da Silva, et pardon pour les autres interprètes dont il est parfois difficile associer un nom à un visage. Et il y a l’amusant – et lourd – clin d’oeil de voir Gérard Louvin pathétique en curé – il était producteur de la pièce -, en partie doublé par Didier Caron, lui-même.

Il faut donc passer outre, l’appréhension d’un nouveau film surfant sur la mode des films de « Mariages », la pièce datant de 1997, et d’une énième captation d’une pièce à succès. Il y a eu des répétitions pour casser le rythme rodé de la pièce, et Charles Gassot a eu l’idée lumineuse d’organiser une lecture – la 23ème version du scénario ! – par les comédiens, avec les partenaires financiers très indifférents et finalement convaincus. Car il y a ici un grand regard, une acuité. La maison bourgeoise est remplacée ici par une gare désaffectée emménagée en salle de réception – Lieux réels suite à une idée de Charles Gassot. Le tournage des scènes de repas a été chronologique, parfois jusqu’à 5 heures parfois, le tournage étant limité à 5 semaines en juillet, et il fallait lutter contre le froid, selon Véronique Barrault avec des doudounes. Et on passe ici du rire à l’émotion très rapidement, le « spleen » inhérent à ce genre de cérémonie est bien rendu. Et il y a l’écriture, très inspirée, et des éléments – le « 12 juin », le lavomatic -, qui vont rester dans les mémoires…  Je discutais ensuite avec Pierre Bénard, l’indispensable directeur de l’UGC, d’avoir eu un rire de cette qualité, la dérnière fois, sans pouvoir y répondre. Ils d’ailleurs couvrent certains dialogues, ce qui est bon signe. Ce film risquant d’avoir une couverture médiatique assez rudimentaire, empressons-nous donc, de nourrir un « bouche à oreille »  favorable.