Annonce de la mort de Claude Faraldo, hier, d’une crise cardiaque, à Alès dans le Gard, à l’âge de 70 ans . C’était l’un des rares cinéastes à venir d’un milieu ouvrier, il avait commencé à travailler dès l’âge de 13 ans. « …Jusqu’à vingt-six ans, porteur de télégrammes ou manoeuvre, chômeur ou livreur, il connaît toutes les humiliations quotidiennes, la fatigue, le travail qui abrutit. En 1964, il rencontre Evelyne Vidal qui lui permet de vivre trois ans sans rien faire ». (1).  Il débute dans la vie artistique « …il imagine un scénario (Bof), écrit quelques pièces de théâtre (Doux Métroglodytes jouée au Studio des Champs-Elysées par Huguette Hue et Bernard Fresson), suit des cours d’art dramatique chez René Simon…) (1) et en co-réalisant « La jeune morte » avec Roger Pigaut, en 1965, avec Jean-Claude Rolland – dont on connaît le destin tragique – et Françoise Fabian, racontant la sortie de prison d’un jeune homme qui enquête sur la mort mystérieuse de sa jeune fiancée (1). Dès son second film, il est étonnant de singularité avec « Bof… Anatomie d’un livreur » (1970), avec l’atypique Julian Negulesco en livreur. Il nous fait partager sa morne vie, et celle de sa femme qui excédée quitte son travail – radieuse Marie Dubois – . Il décide de s’extraire du système, en vivant avec son père veuf – formidable Paul Crauchet – et un balayeur noir.  Une réflexion étonnante, profitant du climat singulier des années 70 dans le cinéma français. Il est ensuite l’auteur du libertaire et culte « Themroc » (1972), « …un poème barbare » (1), avec un prodigieux Michel Piccoli – il obtient un prix d’interprétation au festival d’Avoriaz -. Le ton anarchique surprend, un employé du bâtiment décide de réagir contre ceux qui ont le pouvoir et de vivre comme il entend, se rapprochant de la vie d’un homme des cavernes, faisant l’amour avec sa sœur – Béatrice Romand – et refusant l’autorité de sa mère – singulière Jeanne Herviale -. Il finit par contaminer son entourage par sa folie furieuse et destructrice. Le film n’a pas de dialogue – les personnages ne s’exprimant que par onomatopée -, et se veut le refus d’une existence routinière et absurde. Un diamant noir étonnant, dans lequel on retrouve quelques piliers du café théâtre comme Patrick Dewaere, Romain Bouteille ou Miou-Miou, ravi de casser les codes d’un cinéma français landa. Il tourne ensuite un documentaire « Tabarnac », sur la tournée française du groupe québécois « Offenbach », film qui semble être très apprécié au Canada. Il reprend le personnage du livreur, qu’il joue lui même cette fois dans »Les fleurs du miel » (1976), où il séduit une jeune femme désabusée et malheureuse en ménage lumineuse Brigitte Fossey -. « Deux lions au soleil » (1979), est un film étonnant, porté par l’interprétation de Jean-Pierre Sentier – comédien trop sous-employé – et Jean François Stévenin. Les deux hommes vont fuguer et vivoter loin de la société, et avoir entre eux une relation dépassant l’amitié.  C’est un film méconnu sur l’errance.  Avec « Flagrant désir » (1986), il utilise le format classique du policier, dans les vignobles bordelais, révélant la comédienne Anne Roussel. Même si la forme est plus classique, il est toujours lucide pour décrire avec justesse les enjeux de pouvoir.  « Merci pour le geste » (1999). Son dernier film, narre la vie d’un SDF et de son chien. Faraldo était à l’initiative du projet de « La veuve de Saint-Pierre », dont il avait écrit le scénario. Alain Corneau fut envisagé comme réalisateur, le film se fit finalement sous la direction de Patrice Leconte, avec Juliette Binoche et Daniel Auteuil, en 1999. Il faut saluer le parcours assez inhabituel et original de ce cinéaste, qui hélas n’aura pas eu trop l’occasion de continuer sur cette voie ces derniers temps – morne adaptation pour la télévision d’un roman de Michel Drucker, malgré l’interprétation de Jean Carmet dans « La chaîne », en présentateur du JT, éconduit suite à des élections, pour la télévision, par exemple. A défaut, il aura promené sa silhouette assez étrange dans quelques rôles, notamment dans la série « David Nolande », pour la télévision, où il figurait le mystérieux Alexian. On peut légitimement se demander ce qu’il adviendrait à ce cinéaste s’il débutait aujourd’hui…

(1) Bibliographie : « 900 cinéastes français d’aujourd’hui », sous la direction de René Prédal (Éditions du Cerf, 1988), par Gérard Camy.

(1) Le film semble être inédit, mais les catalogues du cinéma français de Raymond Chirat, indiquent une date de sortie (septembre 1966), mais elle peut être corporatiste, ce que confirme Claude Faraldo dans un entretien avec Jean Roy pour « L’humanité ».

Claude Faraldo dans « David Nolan »

Filmographie : 1965  La jeune morte / Les chiens (co-réalisateur, Roger Pigaut) – 1970  Bof… Anatomie d’un livreur 1972  Themroc – 1974  Tabarnac (documentaire) – 1975  Les fleurs du miel – 1979  Les lions au soleil – 1986  Flagrand désir – 1987  La chaîne (TV) – 1990  Tête de pîoche (TV) – 1972  Themroc – 1974 Tabarnac – 1975 Les fleurs du mal – 1980 Les lions au soleil – 1986 Flagrant désir – 1987  La chaîne (TV) – 1989  Les jupons de la Révolution : La baïonnette de Mirabeau (TV) – 1990 Puissance 4 : Tête de pioche (TV) – 1992  V comme vengeance : Champ clos (TV) – Puissance 4 : Le serpent vert (TV) – 1999 Merci pour le geste. Comme acteur : 1970  Les années Lumière (Jean Chapot, documentaire, voix du récitant) – 980  Le jardinier (Jean-Pierre Sentier) – 1982  Les enquêtes du commissaire Maigret : Maigret et l’homme tout seul (Jean-Paul Sassy, TV) – 1983  Mesrine (André Génovès) – 1987  Blanc de Chine (Denys Granier-Deferre) – 1993  Maigret se défend ((Andrzej Kostenko, TV) – L’ange noir (Jean-Claude Brisseau) – 1994  La patience de Maigret (Andrzej Kostenko, TV) – 1995  La rivière Espérance (Josée Dayan) – 2006  Mafiosa, le clan (Louis Choquette) – David Nolande (Nicolas Cuche) – Scénariste : 1999  La veuve de Saint-Pierre (Patrice Leconte) – L’équipier (Philippe Lioret). Production : 1977  Pourquoi pas (Coline Serreau).

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