Avant-première hier soir à l’UGC Cité-Ciné Bordeaux du premier film du cinéaste géorgien Géla Babluani en sa présence. Ce film a reçu au festival de  Venise le « Lion du futur ». prix de la meilleur première œuvre. C’est une œuvre en noir et blanc assez radicale, une vision très noire de l’humanité. Une jeune toiturier, Sébastien – joué par Georges Babluani, propre frère du metteur en scène, qui travaille au noir assiste à la mort d’une overdose de son propriétaire. Il devait des dettes à un certain Pierre Bléreau campé par Jo Prestia, et pour les acquitter devait participer à un mystérieux jeu clandestin préparé dans le secret avec force de précautions et d’organisations occultes. Sébastien qui essaie d’aider sa famille dans le dénuement, vole le billet de train et part pour prendre sa place. Ce film qui reprend la trame du livre d’Horace McCoy « On achève bien les chevaux », est très bien construit malgré un manque évident de moyens. Le jeu est bien amené, souhaitons qu’Alexia Laroche-Joubert, avec ses scrupules bien connus, ne prenne pas connaissance de ce film sinon on va y avoir droit sur TF1, dans un carnage Endemol – Dans mes grandes résolutions 2006, je promets de ne plus dire du mal de cette engeance, je vais essayer de m’y tenir -. Le réalisateur assez timide d’aspect a montré pourtant une belle détermination de faire un film coûte que coûte. Très critique sur le cinéma français, il a passé 6 mois à tourner son film avec les aléas des contraintes et des comédiens disponibles, quitte à abandonner un plan sur la table de montage. Il cite le cinéma de Sharunas Bartas et les grands films soviétiques des années 60-70, où l’on jetait, dit-il les premiers jours de montage à la poubelle avant de trouver le ton du film. Il a vécu 17 ans en Géorgie et est arrivé en France pour fuir – je le cite – une triple guerre civile.

Il déplore que le cinéma français passe trop de temps en pré-production, malgré les difficultés financières, on sent bien chez lui une grande énergie créatrice, il a d’ailleurs déjà tourné son second film dans des conditions encore plus difficiles. On sent chez lui un sens précis du cadre, de la composition picturale à l’intérieur de celui-ci, il a une position assez vierge dans son cinéma. Le film en lui-même, en dépit de quelques maladresses – quelques ombres de perche dans le pavillon du début -, et il y a une tension chromatique assez forte dans la seconde partie du film, d’un innocent préservé de la sauvagerie par son inconscience. L’autre force du film, c’est son interprétation et là chapeau bas à l’équipe du casting – le réalisateur avoue volontiers ne pas connaître ses acteurs -, car il y a une galerie impressionnante de « tronches », visages fatigués, rongés, d’amateurs – il cite un exemple d’un employé du Trésor Public, passant un casting sur Internet -, à des comédiens professionnels. Outre Jo Prestia, cité précédemment, on retrouve Aurélien Recoing dans son personnage habituel de celui qui rit quand il se brûle, Fred Ulysse et Vania Vilers en parieurs inquiétants, et il y a surtout Pascal Bongard, dont j’avais parlé pour « La boîte noire »,  qui a une folie singulière. En maître de cérémonie d’une nervosité droopienne, trônant sur une haute chaise d’arbitre de tennis, il continue à nous surprendre, on peut lui trouver un cousinage avec Robert Le Vigan, si on le retrouve souvent dans le cinéma d’auteur français, ses compositions restent presque toujours dans ma mémoire, il peut se faire une place particulière si le cinéma français n’est pas trop frileux à son égard. En définitive Géla Baluani a un univers prometteur avec ce film dans ce film inégal mais hors normes.