« Io non ho paura », sorti en 2003 est une adaptation d’un roman de Massimo Ammaniti, connu en Italie et paru en 2001. On avait perdu un peu de vue Gabriele Salvatores, auteur de « Méditerraneo » (1991), et d’un film d’anticipation « Nirvana ». Dans un petit village des Pouilles écrasé de soleil, durant l’été 1978, un groupe d’enfants sont livrés à eux-mêmes et se livrent à de petits jeux cruels près d’une maison abandonnée. Michele – Giuseppe Cristiano très juste – un enfant de 10 ans promène une mélancolie. Il ne goûte que peu ces jeux puérils, et protège sa petite sœur. Il retourne seul sur les lieux, s’apercevant avoir perdu les lunettes de sa sœur… Je préfère ne rien dévoiler de la suite, lisez n’importe qu’elle critique et vous avez déjà toute l’histoire, il vaut mieux voir le film vierge d’informations. L’ombre de « La nuit du chasseur » le magnifique film de Charles Laughton, plane durant tout le film – les animaux de la nature, inquiétants deviennent protecteurs, la barque étant transformée par une bicyclette. La scène de la poupée cassée que la petite fille plonge sous l’eau, les cheveux ondulants comme ceux de Shelley Winters, est même une citation directe.

Gabriele Salvatores dépeint parfaitement la misère au soleil, et arrive à construire une inquiétude à partir d’un paysage superbe, un champ de blé pouvant être un refuge. Il dépeint les difficultés des adultes – les choix à faire durant la visite d’un vendeur ambulant, la mesquinerie et la bassesse dont ils peuvent être capables. Le titre italien (la traduction « Je n’ai pas peur » reflète mieux le film) qui n’est pas parfait – incohérence citées sur la fiche IMDB, dernière partie du film assez peu convaincante, la musique impeccable est un tantinet redondante -.  On retrouve un cinéma italien fort, un film à la hauteur des enfants. Des adultes on retiendra Aitana Sánchez-Gijón, mère sensuelle et cyclothymique et  Diego Abatantuono, acteur fétiche de Salvatores, en ami de la famille, pouvant très bien incarner un ogre dans le regard d’un enfant. C’est un film initiatique très ancré dans les années 70, et bénéficiant d’une lumineuse photographie. L’observation de la perte de l’innocence d’un enfant est très juste – Jean-Luc Douin, « Le monde » cite très justement Luigi Comencini : « …Encore jamais vu à l’écran, Giuseppe Cristiano lui donne une sensibilité craquante, rappelant les petits héros des films de Luigi Comencini, le Pinocchio désobéissant ou le frère mal aimé de L’Incompris.  Ce film solaire et inquiet est à découvrir.