Annonce de la mort de Jules Dassin, à Athènes , le 31 mars dernier à l’âge de 96 ans. Il suit donc dans la mort son interprète Richard Widmark des « Forbans de la nuit ». Il débute comme réalisateur en 1941, par un court-métrage brillant – diffusé au cinéma de minuit – d’après « Le cœur révélateur » d’Edgar Allan Poe. Il réalise ensuite plusieurs longs-métrages passant de films anti-nazis à des comédies romantiques, dont beaucoup resteront inédits en France, hormis « Le fantôme de Canterville », avec un Charles Laughton très inspiré dans le rôle titre. Il quitte la MGM avec fracas, où il ne pouvait véritablement s’exprimer. Il raconte son départ dans un entretien de 2005 (1), répondant à Louis B. Mayer qui comparait le cinéaste à un cheval de course sur lequel il fallait hurler parce qu’il flanchait  parce qu’il avait mal aux testicules : « Vous n’aurez pas mes couilles espèce de salopard ! ». Le producteur Mark Hellinger lui confie « Les demons de la liberté », premier film d’une suite de plusieurs chefs d’œuvres du film noir. Ce film donne un des premiers grands rôles de Burt Lancaster, qui joue un prisonnier victime de la haine d’un gardien-chef sadique – Hume Cronym dans le rôle de sa vie selon Claude Chabrol -, les représailles seront lourdes de conséquences… Le réalisme de Dassin fait merveille. « La cité sans voile » est du même niveau un inspecteur – Barry Fitzgerald – enquête sur le meurtre d’une jeune femme. Le film sera cependant amputé de quelques scènes par l’Universal, le film étant monté sans son réalisateur. « Les démons de la liberté » et « La cité sans voiles » sont disponibles dans un DVD dans la formidable collection « Les introuvables », bénéficiant de bonus remarquables dont des entretiens avec Jules Dassin. Avec « Les bas fonds de Frisco », il signe un autre chef d’œuvre, un homme – Richard Conte –rentre sur les lieux de sa jeunesse à San Francisco, pour retrouver son père accidenté et victime d’un grossiste en fruits et légumes revanchard. Si son parcours devait être riche en promesse, il fut hélas dénoncé comme communiste par le cinéaste Edward Dmytryk, il est obligé de tourner « Les forbans de la nuit » à Londres, avec Richard Widmark, comme évoqué précédemment donc et Gene Tierney. « Blacklisté » durant la chasse aux sorcières, il s’exile en France en 1952. Il se voit proposer la réalisation de « L’ennemi public numéro un », polar parodique avec Fernandel. Le film assez médiocre sera finalement réalisé en 1953 par Henri Verneuil. Il tourne finalement, heureusement pour lui, l’un des classiques du film policier français « Du rififi chez les hommes », adapté de l’œuvre d’Auguste Le Breton, avec Jean Servais probant dans le rôle de Tony le Stéphanois, truand lessivé sorti de prison. Dassin réalise une scène anthologique d’un casse silencieux d’une bijouterie se réservant de plus l’un des rôles principaux sous le pseudonyme de Perlo Vita. Toujours en France, il adapte le roman de Nikos Kazantsakis « Le christ recrucifié », montrant un petit village grec, dont certains habitants refusent, par égoïsme, de recevoir les survivants d’une attaque de Turcs. Il rencontre sur ce film Melina Mercouri qu’il épousera finalement en 1966. Ses admirateurs de la première heure, déploreront l’arrivée d’une telle personnalité fracassante dans son univers. Suit, une collaboration de 8 autres films (dont un documentaire), dont « La loi », assez décevant malgré une brillante distribution – Pierre Brasseur, Gina Lollobrigida, Yves Montand, Marcello Mastroianni… -, sombre histoire de vendetta italienne. « Jamais le dimanche », reste euphorisant, par le cabotinage « Mercourien », qui campe une prostituée à Athènes, dont un américain – Joué par Dassin lui même – tombe amoureux. Fasciné par la culture hellénique, il s’improvisera pour elle pygmalion. Toujours pour elle, il adapte ensuite « Phèdre », d’après la tragédie « Hippolyte » d’Euripide.  « Topkapi » (1963) est une variante ludique de son « rififi » transporté à Istanbul, où une bande de voleurs internationaux menée par Peter Ustinov, souhaite s’introduire par le toit du musée « Topkapi » grâce à l’agilité d’un acrobate – excellent et trop méconnu Gilles Ségal -. Dans la catégorie « on demande à voir »,  « 10 heures et demi en été », Melina Mercouri joue une femme espagnole délaissée par son mari – Peter Finch, ayant pour maîtresse Romy Schneider – qui par dépit, aide un homme qui vient de commettre un crime passionnel. Dassin adapte en France en 1969, l’œuvre de Romain Gary « Les promesses de l’aube », avec toujours Melina Mercouri en mère abusive du jeune Romain. Leur dernier film en commun sera « Cri de femmes », où une actrice grecque rencontre une meurtrière – Ellen Burstyn – afin de mieux interpréter « Médée ». Sans Melina Mercouri, il retourne à ses premières amours avec un polar social en 1969 avec « Point noir », traitant des violences du « Black Power ». Ce film qui ne semble ne pas avoir trop bonne réputation, est une nouvelle transposition du célèbre roman de Liam O’Flaherty, qui fut adapté en 1935  par John Ford. Il finira sa carrière par une variante de « Lolita » en 1980, « Circle of two » avec Richard Burton et Tatum O’Neal, film resté inédit chez nous. A noter qui a également réalisé deux documentaires : « Comme un éclair » (1967), sur Israël après la guerre des 6 jours et « The rehearshal » sur les révoltes estudiantines en lutte contre le pouvoir militaire la Grèce des colonels en 1973, tourné juste avec leur chute. Pour conclure l’entretien de 2005, il concluait ainsi sur le polar « Quelqu’un a écrit que j’avais été l’un des pionniers du genre. Cela ne m’a pas déplu… » (1) Il était le père du chanteur Jo Dassin et de la comédienne Julie Dassin. Il y a y avait eu un très bon livre à son sujet par Fabien Siclier et Jacques Lévy, dans l’excellente collection « Filmo » (Édilig, 1986), mais il est hélas épuisé. A lire un portrait très complet sur le site du « Festival de La Rochelle ». (1) « Jules Dassin, le cinéma dévoilé » , documentaire en bonus du DVD « Jules Dassin Films Noirs », collection « Les introuvables » chez Wild Side video.

Avec Gina Lollobrigida sur le tournage de « La loi » (DA)

 

Filmographie : Comme assistant-réalisateur : 1940 They knew what they wanted) (Garson Kanin) – 1941  Mr. and Mrs Smith (Joies matrimoniales) (Alfred Hitchcock). Comme réalisateur : 1941  Rr Allan Poe’s The tell-tale heart) – 1942  Nazi agent / Salute to courage – Once upon a Thursday / The affair of Martha – 1943  Reunion in France (Titre TV: Quelque part en France) – Young ideas – The Canterville ghost (Le fantôme des Canterville) – 1945  A letter for Evie – 1946  Two smart people – 1947  Brute force (Les démons de la liberté) – 1948  The naked city (La cité sans voile) – 1949  Thieve’s highway (Les bas-fonds de Frisco – Belgique : Le marché des voleurs) – 1950  Night and the city (Les forbans de la nuit) – 1952  The trio : Rubinstein, Heifetz and Pietigersky million dollar trio (CM) – 1954  Du rififi chez les hommes  (+ rôle sous le pseudonyme de « Perlo Vita ») – 1957  Celui qui doit mourir – 1958  La loi / La legge – 1960  Never on Sunday (James le dimanche) (+ rôle) – 1961  Phaedra (Phèdre) – 1963  Topkapi (Id) – 1964  10 : 30 P.M. summer (dix heures et demi du soir en été) (+ production) – 1967   Survival 1967 / Hamilchama al hashalom (Comme un éclair / Israël, An 5727 (La guerre amère)) (documentaire) – 1968  Up tight !  (Point noir) – 1969  La promesse de l’aube / Promise at dawn (+ rôle, production) – 1974  The rehearsal / I dokimi (documentaire) – 1978  A dream of passion (Cri de femmes) (+ production) – 1980  Circle of two.  

 

 

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