Annonce de la mort de l’un des plus grands réalisateurs américains, Robert Altman, dans la grande tradition des « Mavericks ». C’était un cinéaste « libéral-libertaire », selon la formule de la revue « Positif » qui salua toujours son œuvre. Il convient de lire une excellente analyse de ses films dans l’indispensable « 50 ans de cinéma américain » de Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier. Selon eux « Toute la carrière d’Altman se place sous le signe de la provocation, du défi, ne serait-ce que celui qu’il pose aux critiques souvent débordés par son rythme infernal de production… ». La France le découvre en 1970 au festival de Cannes, avec « M.A.S.H. », après une prolifique carrière à la télévision, voir la filmo ci-dessous. Cette farce, se situant dans une clinique mobile de campagne lors de la guerre de Corée, fut refusée par 14 metteurs en scène. Le réalisateur a fait durant toute son œuvre une critique corrosive de la société américaine et de ses valeurs et un regard désabusé sur le monde. On se souviendra de l’affirmation de Géraldine Chaplin dans « Un mariage » (1978) : « Le mariage représente la fusion des intérêts de la communauté et de la nature… ». Il y a toujours une grande cohérence, malgré la grande variété des sujets abordés, parfois même à l’intérieur d’un même film où il procède à plusieurs ruptures de tons, passant du drame à la comédie. Il bouscule les genres établis, du show-bisness, avec « Nashville » (1975), à la légende de la conquête de l’Ouest avec « Buffalo Bill et les Indiens » (1976) tourné en dérision avec la complicité de Paul Newman, montrant que ce héros n’est en fait qu’une fabrication de l’imagination d’un romancier. Il est aussi à l’aise dans le western réaliste avec « John McCabe » (1970), l’onirique « Brewster Mc Clowd » (1970), où un jeune homme – Bud Cort – rêve de voler comme un oiseau, le polar rural dans les années 30 « Nous sommes tous des voleurs » (1974), le film d’anticipation « Quintet » (1978), la comédie musicale « Un couple parfait » (1979), qu’à la représentation du milieu de la danse « Company (2003). Les femmes ont souvent le beau rôle de « Trois femmes » (1977), états d’âmes de trois infirmières travaillant dans un sanatorium – joué par Sissy Spacek, Shelley Duvall et Janice Rule – à « Cookie’s fortune » (1998), – joué par Patricia Neal, Glenn Close, Juliane Moore et Liv Tyler, drame intimiste situé dans une bourgade du Mississipi. Il excelle dans les films choraux « Nashville », « Un mariage » (1978), « Short Cuts, les Américains » (1992), exceptionnelle adaptation de l’œuvre de Raymond Carver, tout aussi bien que dans des films intimistes ou des adaptations théâtrales. Il se livre toujours à un véritable jeu de massacres, avec les genres établis, même en adaptant d’autres auteurs, comme Raymond Chandler, dans « Le privé » (1973), avec un inattendu Elliott Gould dans le rôle de Philip Marlowe, ou John Grisham, qui refusa que son nom figure au-dessus du titre, comme à son habitude, quand il vit le premier montage de « The Gingerbread man » (1997). La critique est toujours acerbe, comme dans le méconnu « Health » (1979), où il critique habilement une campagne électorale, en la transposant dans un congrès d’une organisation diététique. Il a toujours su évoluer, comme après l’échec financier de « Popeye » (1980), d’après l’œuvre de Max Fleischer, avec des adaptations d’œuvres théâtrales, malgré la performance de Robin Williams. Il signe ainsi « Reviens, Jimmy Dean, reviens », « Steamers » révélant Matthew Modine, et « Secret honor » étonnant monologue d’un Richard Nixon complètement saoul et déchu, admirablement interprété par Philip Baker Hall. Il se lance aussi dans des œuvres de télévision originales, comme « Tanner’ 88 », où il suit la campagne présidentielle de 1988, en inventant un faux candidat et le confrontant aux politiques véritables. Le résultat est très probant, malgré un doublage français assez redoutable lors de sa diffusion en France sur Arte. Ses dernières années, à l’image d’un John Huston, furent remarquables, de « The player » (1991), où en cruel entomologiste, il décortique les mœurs hollywoodienne, » Kansas city » (1996), hommage aux clubs de jazz où on ne retrouvait aucune forme de ségrégation dans le début des années 30, « Docteur T et les femmes » (2000), où un gynécologue est manipulé par ses patientes, à « Gosford Park » (2001), où il dynamite de dispositif usé d’un « whodunit », pour faire une jubilatoire rencontre entre « Les dix petits indiens » et « La règle du jeu ». Il est tout aussi mordant pour d’autres sociétés, il n’épargne personne, ni même les Européens, à l’instar de « Prêt-à-porter » (1994), film mésestimé par la France qui a mal supporté le portrait au vitriol fait sur le milieu de la mode, et la vision d’un Paris peu complaisant, royaume de crottes de chiens. Il nous reste à découvrir son dernier film, « The last show » dont la sortie est prévue le 6 décembre prochain. Sur Robert Altman, Jean-Loup Bourget a signé un excellent livre aux éditions Ramsay poche cinéma en 2004, qui mériterait une réédition. Son esprit va beaucoup nous manquer.
Filmographie : comme réalisateur : 1951 Modern football (documentaire, CM) – 1952 King basketball (documentaire, CM) – The sound of bells (documentaire, CM) – 1953 How to run a filling station (documentaire, CM) – Modern baseball (documentaire, CM) – The last mile (documentaire, CM) – 1954 Better football (documentaire, CM) – The builders (documentaire, CM) – The dirty look (CM) – 1955 The perfect crime (CM) – The delinquents (CM) – The James Dean story (L’histoire de James Dean, co-réalisation avec George W. George, documentaire)1956 The magic bond (documentaire, CM) – 1964 The party (CM) – 1965 The Katherine Reed story (documentaire, CM) – 1966 Pot au feu (CM) – 1967 Countdown (Objectif lune) – 1969 The cold day in the park – M.A.S.H. (Id) – 1970 Brewster McCloud (Id) – McCabe and Mrs. Miller (John McCabe) – 1971 Images (Id) – 1973 The long goodbye (Le privé) – 1974 Thieves like us (Nous sommes tous des voleurs) – California Split (Les flambeurs) – 1975 Nashville (Id) – 1976 Buffalo Bill and the indians, or Sitting Bull’s history lesson (Buffalo Bill et les indiens) – 1977 3 women (Trois femmes) – 1978 Quintet (Id) – A wedding (Un mariage) – 1979 Health – A perfect couple (Un couple parfait) – 1980 Popeye (Id) – 1982 Come back to five and dime, Jimmy Dean, Jimmy Dean (Reviens, Jimmy Dean, reviens) – 1983 Steamers (Id) – Secret honor (Id) – 1984 O.C. and Stiggs / The utterly monstrous mind roasting summer of O.C. and Stiggs (Vidéo : “Vous avez dit dingue ?”) – 1985 Fool for love (Id) – 1986 Aria [épisode : “Les Boréades”] – Beyond therapy (Id) – 1989 Vincent and Theo (Vincent et Théo) (+ version TV) – 1991 The player (Id) – 1993 Short cuts (Short cuts, les Américains) – 1994 Ready to wear (Prêt à porter) – 1995 Kansas city (Id) – Jazz’ 34 (Jazz’ 34, remembrances of Kansas City Swing) (documentaire) – 1997 The Gingerbread man (Id) – 1998 Cookie’s fortune (Id) – 2000 Docteur T & the women (Docteur T & les femmes) – 2001 Gosford Park (Id) – 2003 The company (Company) – 2005 A prairie homme companion (The last show).
Comme réalisateur de télévision : Longs et moyens métrages : 1964 Kraft suspense theater : Once upon a savage night / Nightmare in Chicago – 1982 Precious blood – Rattlesnake in a Cooler – 1985 The Landromat – 1987 Basements [épisodes “The dumb waiter” & “The room”] – 1988 Tanner’ 88 – The Caine mutiny court martial – 1993 The real McTeague (documentaire) – Great performances : Blanck and blue – 2004 Tanner on Tanner – Comme réalisateur de séries TV : Alfred Hitchcok presents [épisodes “The young one” (1957) & “Together” (1958)] – M Squad [épisode “Lover’s Lane Killing” (1958)]– Peter Gunn [Un épisode] – The millionaire / If you had a million [épisodes “Pete Hopper : Afraid of the dark” (1958), “ – “Henry Banning : The show off” (1959), “Jackson Greene : The beatnik” (1959), “Alicia Osante : Beauty and the saylor” (1959), “Lorraine Dagget : The beach story” (1959), “Andrew C Cooley : Andy and Clara” (1959) – “Whirlybirds” (158/59), “The midnight show” (1958), “Guilty of old age” (1959), “Matter of trust” (1959), “Christmas in June” (1959), “Til death do us part” (1959), “Time limit” (1959), “Experiment X-74” (1959), “The challenge” (1959), “The big lie” (1959), “The perfect crime” (1959), “The unknow soldier” (1959), “Two of kind” (1959), “In ways mysterious” (1959), “The black Maria” (1959) & “Sitting duck” (1959)] – U.S. Marshal / Sheriff of Cochise [épisodes “The triple cross”, “Shortcut to hell”, “R.I.P.” etc…] – « Troubleshooters” (1959) (13 épisodes) – Hawaiian eye [épisode “Three tickets to Lani” (1959)] – Sugarfoot [épisodes “Apollo with a gun” (1959) & “The highbinder” (1960)] – Westinghouse Desilu Playhouse [épisodes “The sound of murder” & “Death of dream”] (1960) – The Gale Storm show / Oh ! Susanna [épisode “It’s magic” (1960) – Bronco {épisode “The mustangers” (1960) – Maverick [épisode “Bolt from the blue” (1960)] – The roaring ‘20’s [épisodes “The prarie flower” (1960), “Brother’s keeper” (1960), “White carnation” (1960), “Dance marathon” (1961), “Two a day” (1961), “Right off the boat (1961), “Royal tour” (1961), “Standing room only (1961)], Bonanza [épisodes “Silent thunder” (1960), “Bank run” (1961), “The duke” (1961), “The rival” (1961), “The secret” (1961), “The dream riders” (1961), “Sam Hill” (1961),& The many faces of Gideon Finch” (1961) – Lawman [épisode “The robbery” (1961) – Surfside 6 {épisode “Thieves among honor”] (1961) – Bus stop [épisodes “The covering darkness” (1961), “Portrait of a hero” (1961), “Accessory by consent” (1961), “A lion waks among us” (1961), “…and the pursuit of evil” (1961), “Summer lightning” (1962), “Door without a key” (1962), & “Conty general” (1962)] – The Gallant men [épisode “Battle zone” (1962) – Combat [épisode “Forgotten front” (1962), “Rear echelon commandos” (1962), “Any second now” (1962), “Escape to nowhere” (1962), “Cat and mouse” (1962), “I swear by Apollo” (1962), “The prisoner” (1962), “The volunteer” (1962), “Off limits” (1963) & “Survival” (1963) – Route 66 [épisode “A gift for a warrior”] – Kraft suspense theater [épisodes “The long lost life of Edward Smalley” (1963), “The hunt” (1963) & “Once upon a savage night” (1964, repris sous le titre “Nightmare in Chicago”)] – The long hot summer [épisode “The homecoming” (1965)] – Nightwatch [épisode pilote : “The suitcase” (1968)] – Premiere [épisode “Walk in the sky” (1968) – Saturday night live [épisode “Sissy Spacek/Sissy’s roles” (1977)] – Gun / Robert Altman’s Gun [épisode “Al the President’s men” (1997)].
DA
Divers : Comme producteur seulement : 1976 Welfome to Los Angeles (Welcome to L.A. (Welcome to Los Angeles) (Alan Rudolph) – 1977 The late show (Le chat connaît l’assassin) (Robert Benton) – 1978 Remember my name (Tu ne m’oublieras pas) – 1979 Rich kids (Robert M. Young, producteur exécutif) – 1993 Mrs. Parker and the vicious circle (Madame Parker et le cercle vicieux) (Alan Rudolph) – 1997 Afterglow (L’amour et après ?) (Alan Rudolph) – 1998 Liv (Eduardo Ponti, CM) – 2000 Trixie (Alan Rudolph) – 2001 Roads and Bridges (Abraham Lim, producteur exécutif) – Comme scénariste seulement : 1947 Christmas Eve (Edwin L. Marin) – 1948 Bodyguard (Richard Fleischer) – 1962 What ever happened to Baby Jane ? (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?) (Robert Aldrich, supervisation des dialogues) – Comme acteur : 1947 The secret life of Walter Mitty (La vie secrète de Walter Mitty) (Norman Z. McLeod) – 1970 Events (Fred Baker) – 1951 Corn’s-A-Poppin’ (Robert Woodburn) – 1981 Endless love (Un amour infini (Franco Zeffiirelli) – 1982 Before the Nickelodeon : The cinema of Edwin S. Porter (Charles Musser, documentaire) – 1988 Hollywood Mavericks (Florence Dauman & Gale Ann Stieber, documentaire) – 1993 Luck, Trust & Ketchup : Robert Altman in Carver Country (John Dorr & Mike E. Kaplan, documentaire) – 1997 Franck Capra’s american dream (Kenneth Bowser, documentaire) – 2003 A decade under the influence (Ted Demme & Richard LaGravenese, documentaire) – 2004 Épreuves d’artistes (Samuel Faure & Gilles Jacob, documentaire) – 2005 Elio Petri …appunti su un autore (Titre DVD : Elio Petri, note sur un auteur) (Federico Bacci, Nicola Guarneri & Stefano Leoni, documentaire). Comme monteur : 1954 Honeymoon for Harriet (Marice Prather, documentaire, CM) – Réalisateur de seconde équipe : 1966 The happening (Les détraqués) (Elliot Silverstein).
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