Eddy Mitchell – excellent -, est « Georges », un taulard fatigué traficote, en transvasant une bonne bouteille d’alcool dans une vulgaire bouteille en plastique. Las, il magouille et tire profit de son séjour en prison, se fait respecter de tous y compris des gardiens de prisons – dont Frédéric Jessua -. Il sort décontenancé dans un petit matin blême ayant purgé sa peine après 5 ans de détention. Pour se redonner la vie, il reprend ses petits larcins minables, dont le vol de pièces dans des horodateurs de parkings. Il est suivi dans la nuit, par son ancien complice Pierrot – Sagamore Stévenin probant -, « chien fou » obligatoire et responsable de sa peine lors d’un coup foireux… En retrouvant l’univers de Jacques Bral, dans ce que l’on prend à tort au départ pour des images d’Épinal d’un polar bien français, on retrouve les images de son précédent film « Mauvais garçon » – tourné en 1991, sorti en 1993, avec Bruno Volkowitch en monte-en-l’air romantique charmant la belle Delphine Forest, disparue des écrans c’est grand dommage -, avec l’impression d’avoir quitté l’univers de ce cinéaste la veille. Jacques Bral est un cinéaste rare, mais qui a marqué de sa patte les errances et les incertitudes d’une humanité lasse. Dans « Extérieur nuit » (1979), il confirmait le talent du trio Christine Boisson/Gérard Lanvin/André Dussollier, et avait donnéle rôle inoubliable d’Eugène Tarpon à l’excellent Jean-François Balmer dans « Polar » (1982), adaptation culte de l’œuvre de Jean-Patrick Manchette. En fait Jacques Bral reprend les clichés du film noir, pour mieux les dynamiter… Il s’attarde sur les silences, les préparatifs, les gestes, les non-dits, le vertige de la séduction, l’humour à froid et une vision assez désespérée dans un climat de compromission générale. L’histoire d’un vieux truand à l’ancienne, dépassé face à un jeune loup sans foi, ni loi, mais baigné dans un certain romantisme, peut paraître classique, dans cette ambiance baignée dans la belle musique de Michel Gaucher, complice de longue date de Monsieur Eddy, presque un hommage à Miles Davis…
Eddy Mitchell & Pierre Santini
Mais Jacques Bral, déconstruit, s’amuse, s’attarde, construit, déconstruit, donne soudain le beau rôle à un personnage secondaire, dynamique tranquillement son film dans la fatalité tranquille du dernier « coup » – ici une affaire de vol de bijoux -. On retrouve donc, les assureurs véreux et indic – Maxime Leroux, inquiet et mélancolique -, flics ripoux – grand numéro de Jean-François Balmer, une fois de plus – ou tenaces – excellent et rare Jean-Michel Dupuis -, fourgues retors – Gérard Jugnot qui a l’élégance d’aider ce film – ou troubles – Pierre Santini malmené qui finit par prendre la vedette par une sorte de coup d’État fébrile, il est ici absolument formidable -, et la vamp maligne – Pascale Arbillot dont la beauté est enfin très bien mise en valeur par un cinéaste visiblement sous le charme -. Les conventions du roman noir finissent pourtant par voler en éclats. Transcendant une désuétude, on passe du bonheur d’une fine à l’eau dans un bistrot, à la fascination du luxe quitte à y laisser des plumes, – un hôtel particulier rococo pour Pierrot . Le résultat est très maîtrisé et original, l’atmosphère magnifie les faiblesses des personnages blessés et désespérés, attendant d’un printemps naissant dans Paris, les signes d’un avenir moins déterminé. Le réalisateur parfait un casting toujours aussi juste, il privilégie les comédiens parfois délaissés dans une télévision ronronnante – Xavier Deluc, Florence Darel et Anne Roussel toujours aussi belles en amoureuses, Marianne Epin en infirmière ou Géraldine Danon décalée, par exemple… -, pour leur donner une belle consistance et un regard sans a priori. Réussite formelle, allant au-delà d’un terrain connu et nostalgique, ce film nous fait à nouveau regretter la grande rareté de Jacques Bral – par ailleurs producteur avisé du mésestimé « Sans espoir de retour » dernier film de Samuel Fuller -. Mais les années et les difficultés d’établir une œuvre originale n’entament heureusement pas son talent.